HISTOIRE DU MINISTERE DU CARDINAL GEORGE MARTINUSIUS, Archevêque de Strigonic, Primat & Régent du Royaume de Hongrie. SOMMAIRE DU LIVRE I Naiffance de George, d'une famille noble, mais pauvre : pourquoi il prit le nom de Martinufius. Son éducation groffiere. L'Evêque de Scardona fon oncle & fes autres parens refufent de le reconnoître. Le Prince Jean Corvin le reçoit dans fa maison, mais A AA le néglige. Il est réduit aux plus perdu deux batailles. Conftance mémorable de fon General Ference Bode. Sigifmond Roy de Pologne, beaupere de Jean, lui refufe des fecours par un fentiment de Religion. Le Roy Jean fe retire chez Jean Tarnoviski Palatin de Cracovie, qui lui confeille de demander la protection de Soliman Empereur des Turcs. Jerôme Laski envoyé à Conftantinople pour la folliciter. L'Abbé George est enfuite confulté par le Roy Jean. L'Abbé lui confeille de ménager les Hongrois ; Il eft envoyé en Hongrie pour cette négociation. Il gagne les Hongrois en faveur du Roy Jean. Soliman promet de le fecourir. Jean Herbertans Ambasadeur de Ferdinand, auprès de cet Empereur, méprife & chaffe bonteufement. t C LIVRE PREMIER. : A Nobleffe eft le plus heureux avantage, dans la vie civile, que les peres puiffent tranfinettre à leurs enfans: c'est l'entrée naturelle aux premiers honneurs & aux plus grands emplois de l'Etat les richeffes ne tiennent que le fecond rang; on ne les regarde que comme des effets du hazard & de la fortune, ou tout au plus comme des fecours néceffaires pour foûtenir un grand rang, ou une haute naiffance. Celle de George Martinufius fut des plus illuftres, mais par le malheur des temps ou la mauvaife conduite des affaires de fa maifon, les moyens pour élever fa jeuneffe, & cultiver fon excellent naturel, lui ayant ab folument manqué dès fon enfance, la nobleffe fut un titre inutile à fon avancement. Il femble que le ciel l'eût formé pour n'être redevable qu'à lui-même de cette élevation prodigieufe, qui fut l'objet de l'envie & de l'admiration de son fiécle. On paffera donc fous filence cette longue fuite d'ayeux; qui par leurs grands fervices dans les emplois les plus importans, avoient honoré fa maifon de titres glorieux; parce que n'ayant point contribué à ceux qu'il s'eft acquis par fon propre merite ils ne doivent point intereffer le lecteur. On fe contentera de dire qu'il nâquit l'an 1482. dans le château de Namiezas en Croatie : fon pere en portoit le nom avec la qualité de Comte, quoique de l'illuftre famille d'UtiffenovifKi: ce château & ce nom étoient tout ce qui lui reftoit des grands |