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honneurs dont les ancêtres avoient joui. Mais s'il n'avoit pas les revenus convenables à sa naiffance, il la foûtenoit par fa probité & par fa valeur. La maison de fa mere n'étoit pas moins illuftre, elle fortoit des Martinufius, diftinguez en Hongrie mais enveloppée dans les difgraccs de celle où elle s'étoit alliée. Jamais mere de cette qualité ne fut plus à plaindre: ayant mis cet enfant au monde, elle fentit les difficultez de l'élever & de le nourrir; elle prit le parti de lui donner un Parrain favorable, obligé d'en prendre foin, autant par les devoirs de la Religion, que par les fentimens de la nature; elle pria Jacques Martinufius Evêque de Scardona en Dalmatie, fon frere, de le tenir fur les Fonts de Baptême, qui lui donna le furnom de George, & pour rendre ce Prélat plus fen

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fible envers ce filleul fon neveu, elle voulut qu'il quittât le nom de fa maison & prit celui de Martinufius qui étoit le fien; 1 nom qu'il a porté toute fa vie, & fous lequel il s'eft rendu fi recommandable. Cependant il ne reçût pas de grands fecours de cet oncle, fon éducation n'ayant point été differente de celle des enfans du commun du peuple qui habite la campagne pour la cultiver.Mais s'il n'eut pas les moyens de fe former dans les exercices convenables à fa naiffance, fa nourriture éloignée d'une mole délicateffe, lui forma un temperamment fort & vigoureux, qui le rendit capable de foûtenir un grand travail & de longues fatigues, ce qui ne fervit pas peu à fon élevation.

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Jamais enfant ne donna de fi grandes efperances. Il avoit une memoire prodigieufe, la concep

tion vive, une imagination juste, & fur tout un defir violent de s'avancer. Sans ceffe il importunoit fa mere de l'envoyer à Scardona, auprès de l'Evêque fon oncle, pour fe rendre capable de fe diftinguer, laquelle enfin fe rendit à fes preffantes follici1495. tations. Il n'avoit que treize ans quand il fortit de la maison de fon pere, avec résolution de n'y rentrer de fa vie qu'en état d'en foûtenit l'honneur. Il partit plein d'efperance & de courage, ac compagné feulement des vœux & des recommandations de fa mere. Il arrive à Scardona & fe prefente à l'Evêque fon oncle, il lui témoigne qu'il eft difpofé à feconder fes intentions dans quelque état qu'il juge à propos de le mettre. Mais il fut bien déçû dans fes efperances : ce Prélat par des fentimens de vanité ou d'avarice, trouva tant d'impoli

teffe dans fes manieres & dans fa perfonne, qu'il ne put fe réfoudre à le reconnoître pour fon neveu ; il le fit fortir de fa préfence & le renvoya avec mépris.

George qui avoit l'efprit & le coeur au deffus de fon âge, fut vivement frapé de ce coup, mais il n'en fut pas abattu. Il fe retira de la prefence & de la maifon de cet oncle vain & intereffe, & ne put fe réfoudre à porter dans la fienne, la honte d'un affront fi fenfible. Sur le champ il prit réfolution d'aller à Bude Capitale du Royaume, là, auprès de tant de grands Seigneurs fes parens, ou fès alliez, il efperoit trouver quelque patron genereux, qui, touché de fa dif grace, feconderoit fes bonnes intentions; mais il ne fut pas plus heureux à Bude qu'à Scardona, perfonne ne voulut le re

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Hiftoire du Cardinal connoître, ni s'intereffer en fa faveur.Les Grands ordinairement font plus portez à faire du bien à des étrangers qu'à leurs proches, ce qui fe fait par devoir perd, ce femble, le nom faftueux de liberalité: De plus on met. les bornes que l'on veut au bien qu'on répand fur des inconnus, mais à l'égard des parens on n'en doit mettre d'autre que le défaut de pouvoir. Par ces motifs vains ou intereffez, George fur defavoué des fiens, & pour fors il fentit tout le poids de fes difgraces.

Son perc informe du mauyais fuccès de fon voyage, le recommanda à un Seigneur dont il avoit lieu d'attendre de la faveur ce fut au Prince Jean Corvin, fils de ce fameux Mathias, qui par fon courage & & par les vertus avoit acquis les Couronnes de Hongrie & de Boheme.

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