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tions, et vous révéler jusqu'à leurs plus secrètes pensées.

Par où commencerons-nous? Observons d'abord, dans cette maison à main droite, ce vieillard qui compte de l'or et de l'argent. C'est un bourgeois avare. Son carrosse, qu'il a eu presque pour rien à l'inventaire d'un alcade de Corte, est tiré par deux mauvaises mules qui sont dans son écurie, et qu'il nourrit suivant la loi des douze tables, c'est à dire qu'il leur donne tous les jours à chacune une livre d'orge; il les traite comme les Romains traitaient leurs esclaves. Il y a deux ans qu'il est revenu des Indes chargé d'une grande quantité de lingots qu'il a changés en espèces. Admirez ce vieux fou; avec quelle satisfaction il parcourt des yeux ses richesses! il ne peut s'en rassasier. Mais prenez garde en même temps à ce qui se passe dans une petite salle de la même maison. Y remarquez-vous deux jeunes garçons avec une vieille femme? Oui, répondit Cleophas: ce sont apparemment ses enfans? Non, reprit le diable; ce sont ses neveux qui doivent en hériter, et qui, dans l'impatience où ils sont de partager ses dépouilles, ont fait venir secrètement une sorcière pour savoir d'elle quand il

mourra.

J'aperçois dans la maison voisine deux tableaux assez plaisans. L'un est une coquette surannée qui se couche après avoir laissé ses cheveux, ses sourcils et ses dents sur sa toilette; l'autre un galant sexagénaire qui revient de faire l'amour. Il a déjà ôté son œil et sa

moustache postiches, avec sa perruque, qui cachait une tête chauve. Il attend que son valet lui ôte son bras et sa jambe de bois pour se mettre au lit avec le reste.

Si je m'en fie à mes yeux, dit Zambullo, je vois dans cette maison une grande et jeune fille faite à peindre. Qu'elle a l'air mignon! Eh bien, dit le boiteux, cette jeune beauté qui vous frappe est sœur aînée de ce galant qui va se coucher. On peut dire qu'elle fait la paire avec la vieille coquette qui loge avec elle. Sa taille, que vous admirez, est une machine qui a épuisé les mécaniques. Sa gorge et ses hanches sont artificielles, et il n'y a pas long-temps qu'étant allée au sermon elle laissa tomber ses fesses dans l'auditoire. Néanmoins, comme elle se donne un air de mineure, il y a deux jeunes cavaliers qui se disputent ses bonnes grâces. Ils en sont même venus aux mains pour elle. Les enragés! Il me semble que je vois deux chiens qui se battent pour un os.

Riez avec moi de ce concert qui se fait assez près de là dans une maison bourgeoise, sur la fin d'un repas de famille. On y chante des cantates. Un vieux jurisconsulte en a fait la musique, et les paroles sont d'un alguazil (1) qui fait l'aimable, d'un fat qui compose des vers pour son plaisir et pour le supplice des autres. Une cornemuse et une épinette forment la symphonie. Un grand flandrin de chantre à voix

(1) Un alguazil est ce que sont en France les com missaires, excepté qu'il porte l'épée.

claire fait le dessus, et une jeune fille, qui a la voix fort grosse, fait la base. O la plaisante chose! s'écria don Cleophas en riant: quand on voudrait donner exprès un concert ridicule on n'y réussirait pas si bien.

Jetez les yeux sur cet hôtel magnifique, poursuivit le démon; vousy verrez un seigneur couché dans un superbe appartement. Il a près de lui une cassette remplie de billets doux. Il les lit pour s'endormir voluptueusement, car ils sont d'une dame qu'il adore, et qui lui fait faire tant de dépense qu'il sera bientôt réduit à solliciter une vice-royauté.

Si tout repose dans cet hôtel, si tout y est tranquille, en récompense on se donne bien du mouvement dans la maison prochaine à main gauche. Y démêlez-vous une dame dans un lit de damas rouge? C'est une personne de condition. C'est dona Fabula, qui vient d'envoyer chercher une sage-femme, et qui va donner un héritier au vieux don Torribio, son mari, que vous voyez auprès d'elle. N'êtes-vous pas charmé du bon naturel de cet époux? Les cris de sa chère moitié lui percent l'ame : il est pénétré de douleur; il souffre autant qu'elle. Avec quel soin et quelle ardeur il s'empresse à la secourir! Effectivement, dit Leandro, voilà un homme bien agité; mais j'en aperçois un autre qui paraît dormir d'un profond sommeil dans la même maison sans se soucier du succès de l'affaire. La chose doit pourtant l'intéresser, reprit le boiteux, puisque c'est un domestique qui est la cause première des douleurs de sa maîtresse.

Regardez un peu au-delà, continua-t-il, et considérez dans une salle basse cet hypocrite qui se frotte de vieux oing pour aller à une assemblée de sorciers qui se tient cette nuit entre Saint-Sébastien et Fontarabie. Je vous y porterais tout à l'heure pour vous donner cet agréable passetemps si je ne craignais d'être reconnu du démon qui fait le bouc à cette cérémonie.

Ce diable et vous, dit l'écolier, vous n'êtes donc pas bons amis? Non parbleu, reprit Asmodée : c'est ce même Pillardoc dont je vous ai parlé. Ce coquin me trahirait; il ne manquerait pas d'avertir de ma fuite mon magicien. Vous avez eu peut-être encore quelque démêlé avec ce Pillardoc? Vous l'avez dit, reprit le démon; il y a deux ans que nous eûmes ensemble un nouveau différend pour un enfant de Paris qui songeait à s'établir. Nous prétendions tous deux en disposer; il en voulait faire un commis, j'en voulais faire un homme à bonnes fortunes; nos camarades en firent un mauvais moine pour finir la dispute. Après cela on nous réconcilia; nous nous embrassames, et depuis ce temps-là nous sommes ennemis mortels.

Laissons là cette belle assemblée, dit don Cleophas; je ne suis nullement curieux de m'y trouver: continuons plutôt d'examiner ce qui se présente à notre vue. Que signifient ces étincelles de feu qui sortent de cette cave? C'est une des plus folles occupations des hommes, répondit le diable. Ce personnage, qui, dans cette cave, est auprès de ce fourneau embrasé

est un souffleur; le feu consume peu à peu son riche patrimoine, et il ne trouvera jamais ce qu'il cherche. Entre nous la pierre philsophale n'est qu'une belle chimère, que j'ai moimême forgée pour me jouer de l'esprit humain, qui veut passer les bornes qui lui ont été prescrites.

Ce souffleur a pour voisin un bon apothicaire, qui n'est pas encore couché. Vous le voyez qui travaille dans sa boutique avec son épouse surannée et son garçon. Savez-vous ce qu'ils font? Le mari compose une pilule prolifique pour un vieil avocat qui doit se marier demain. Le garçon fait une tisane laxative, et la femme pile dans un mortier des drogues astringentes.

J'aperçois dans la maison qui fait face à celle de l'apothicaire, dit Zainbullo, un homme qui se lève et s'habille à la hâte. Malepeste! répondit l'esprit, c'est un médecin qu'on appelle pour une affaire bien pressante. On vient le chercher de la part d'un prélat qui, depuis une heure qu'il est au lit, a toussé deux ou trois fois.

Portez la vue au-delà, sur la droite, et tåchez de découvrir dans un grenier un homme qui se promène en chemise, à la sombre clarté d'une lampe. J'y suis, s'écria l'écolier, à telles enseignes que je ferais l'inventaire des meubles qui sont dans ce galetas: il n'y a qu'un grabat, un placet et une table, et les murs me paraissent tout barbouillés de noir. Le personnage qui loge si haut est un poète, reprit Asmodée, et ce qui vous paraît noir ce sont des vers tra

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