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qui veulent faire cette dépense pour se débarrasser de quelqu'un secrètement; le troisième, un maître à danser qui s'habille comme un petit-maitre, et qui a fait faire un mauvais pas à une de ses écolières, et le quatrième un galant qui a été surpris la semaine passée par la ronda dans le temps qu'il montait par un balcon à l'appartement d'une femme qu'il connaît, et dont le mari est absent. Il ne tient qu'à lui de se tirer d'affaire en déclarant son commerce amoureux; mais il aime mieux passer pour un voleur et s'exposer à perdre la vie que de commettre l'honneur de sa dame.

Voilà un amant bien discret, dit l'écolier ; il faut avouer que notre nation l'emporte sur les autres en fait de galanterie. Je vais parier qu'un Français, par exemple, ne serait pas capable, comme nous, de se laisser pendre par discrétion. Non, je vous assure, dit le diable; il monterait plutôt à un balcon pour déshonorer une femme qui aurait des bontés pour lui.

Dans un cabinet auprès de ces quatre hommes, poursuivit-il, est une fameuse sorcière, qui á la réputation de savoir faire des choses impossibles. Par le pouvoir de son art de vieilles douairières trouvent, dit-on, des jeunes gens qui les aiment but à but; les maris deviennent fidèles à leurs femmes, et les coquettes véritablement amoureuses des riches cavaliers qui s'attachent à elles; mais il n'y a rien de plus faux que tout cela. Elle ne possède point d'autre secret que celui de persuader qu'elle en a, et de vivre commodement de cette opinion. Le saint

office réclame cette créature-là, qui pourra bien être brûlée au premier acte de foi.

Au dessous du cabinet il y a un cachot noir qui sert de gîte à un jeune cabaretier. Encore un hôte de taverne! s'écria Leandro; ces sortes de gens-là veulent-ils donc empoisonner tout le monde? Celui-ci, reprit Asmodée, n'est pas dans le même cas. On arrêta ce misérable avanthier, et l'inquisition le réclame aussi. Je vais en peu de mots vous dire le sujet de sa détention.

Un vieux soldat, parvenu par son courage. ou plutôt par sa patience, à l'emploi de sergent dans sa compagnie, vint faire des recrues à Madrid; il alla demander un logement dans un ca. baret on lui dit qu'il y avait à la vérité des chambres vides, mais qu'on ne pouvait lui en donner aucune parcequ'il revenait toutes les nuits dans la maison un esprit qui maltraitait fort les étrangers quand ils avaient la témérité d'y vouloir coucher. Cette nouvelle ne rebuta point le sergent. Que l'on me mette, dit-il, dans la chambre qu'on voudra; donnez-moi de la lumière, du vin, une pipe et du tabac, et soyez sans inquiétude sur le reste: les esprits ont de la considération pour les gens de guerre qui ont blanchi sous le harnais.

On mena le sergent dans une chambre puisqu'il paraissait si résolu, et on lui porta tout ce qu'il avait demandé. Il se mit à boire et à fumer. Il était déjà plus de minuit que l'esprit n'avait point encore troublé le profond silence qui régnait dans la maison; on eût dit qu'effectivement il respectait ce nouvel hôte; mais entre

une heure et deux le grivois entendit tout à coup un bruit horrible, comme de ferrailles, et vit bientôt entrer dans sa chambre un fantôme épouvantable vêtu de drap noir, et tout entortillé de chaînes de fer. Notre fumeur ne fut pas autrement ému de cette apparition: il tira son épée, s'avança vers l'esprit, et lui en déchargea sur la tête une assez rude coup.

Le fantôme, peu accoutumé à trouver des hôtes si hardis, fit un cri; et, remarquant que le soldat se préparait à recommencer, il se prosterna très humblement devant lui en disant : De grâce, seigneur sergent, ne m'en donnez pas davantage ayez pitie d'un pauvre diable qui se jette à vos pieds pour implorer votre clémence; je vous en conjure par S. Jacques, qui était comme vous un grand spadassin. Si tu veux conserver ta vie, répondit le soldat, il faut que tu me dises qui tu es et que tu me parles sans déguisement, ou bien je vais te fendre en deux, comme les chevaliers du temps passé fendaient les géans qu'ils rencontraient. A ces mots l'esprit, voyant à qui il avait affaire, prit le parti d'avouer tout.

Je suis, dit-il au sergent, le maître garçon de ce cabaret; je m'appelle Guillaume; j'aime Juanilla, qui est la fille unique du logis, et je ne lui déplais pas; mais, comme son père et sa mère ont en vue une alliance plus relevée que la mienne, pour les obliger à me choisir pour gendre nous sommes convenus, la petite fille et moi, que je ferais toutes les nuits le personnage que je fais je m'enveloppe le corps d'un

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long manteau noir, et je me pends au cou une chaîne de tournebroche, avec laquelle je cours toute la maison depuis la cave jusqu'au grenier en faisant tout le bruit que vous avez entendu. Quand je suis à la porte de la chambre du maître et de la maîtresse, je m'arrête et m'écrie : «N'espérez pas que je vous laisse en repos que vous n'ayez marié Juanilla avec votre maître garcon. >>

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Après avoir prononcé ces paroles d'une voix que j'affecte grosse et cassée, je continue mon carillon, et j'entre ensuite par une fenêtre dans un cabinet où Juanilla couche seule, et je lui rends compte de ce que j'ai fait. Seigneur sergent, continua Guillaume, vous jugez bien que je vous dis la vérité je sais qu'après cet aveu vous pouvez me perdre en apprenant à mon maître ce qui se passe; mais si vous voulez me servir, au lieu de me rendre ce mauvais office, je vous jure que ma reconnaissance.... Et quel service peux-tu attendre de moi? interrompit le soldat. Vous n'avez, reprit le jeune homme, qu'à dire que vous avez vu l'esprit, et qu'il vous a fait si grand'peur................ Comment, ventrebleu ! grand'peur! interrompit encore le grivois; vous voulez que le sergent Annibal Antonio Quebrantador aille dire qu'il a eu peur ! j'aimerais mieux que cent mille diables m'eussent..... Cela n'est pas absolument nécessaire, interrompit à son tour Guillaume ; et, après tout, il m'importe peu de quelle façon vous parliez pourvu que vous secondiez mon dessein; lorsque j'aurai épousé Juanïlla et que

je serai établi, je promets de vous régaler tous les jours pour rien, vous et vos amis. Vous êtes séduisant, monsieur Guillaume, s'écria le grivois : vous me proposez d'appuyer une fourberie; l'affaire ne laisse pas d'être sérieuse; mais vous vous y prenez d'une manière qui m'étourdit sur les conséquences. Allez, continuez de faire du bruit et d'en rendre compte à Juanilla, je me charge du reste.

En effet dès le lendemain matin le sergent dit à l'hôte et à l'hôtesse: J'ai vu l'esprit, je l'ai entretenu ; il est très raisonnable. Je suis, m'at-il dit, le bisaïeul du maître de ce cabaret. J'avais une fille que je promis au père, du grandpère de son garçon; néanmoins, au mépris de ma foi, je la mariai à un autre, et je mourus peu de temps après je souffre depuis ce temps-là; je porte la peine de mon parjure, et je ne serai point en repos que quelqu'un de ma race n'ait épousé une personne de la famille de Guillaume: c'est pourquoi je reviens toutes les nuits dans cette maison; cependant j'ai beau dire que l'on marie ensemble Juanilla et le maître garçon, le fils de mon petit-fils fait la sourde oreille aussi bien que sa femme: mais dites-leur, s'il vous plait, seigneur sergent, que s'ils ne font au plus tôt ce que je désire j'en viendrai avec eux aux voies de fait; je les tourmenterai l'un et l'autre d'une étrange façon.

L'hôte est un homme assez simple; il fut ébranlé de ce discours, et l'hôtesse, encore plus faible que son mari, croyant déjà voir le revenant à ses trousses, consentit à ce mariage, qui

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