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HISTOIRE
ECCLÉSIASTIQUE,

Par M. FLEURY, Prêtre, Prieur d'Argenteuil, & Confeffeur

du Roi.

TOME DIX-NEUVIÉME.

DEPUIS L'AN 1300. JUSQU'A L'AN 1339.
Revû & corrigé par l'Auteur.

-248

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P. G. LE MERCIER, rue S. Jacques, au Livre d'Or.
DESAINT & SAILLANT, rue S. Jean de Beauvais.

Chez JEAN-TH. HE RISSANT, rue S. Jacques, à S. Paul & à S. Hilaire.
DURAND, rue S. Jacques, au Griffon.

LE PRIEUR, rue S. Jacques, à la Croix d'Or.

DC C. LI

A vec Approbation & Privilege du Roi.

KONINKL.

BIBLIOTHEEK

TE'SHAGE.

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L'HISTOIRE ECCLESIASTIQUE.

E S differends entre les eccléfiaftiques & les laïques touchant la jurisdiction, ont été fi frequens depuis le douzième fiécle, que j'ai cru les devoir examiner dans un difcours particulier. Pour en juger fainement, il faut commencer par bien connoître la jurifdiction propre & effentielle à l'églife, & la diftinguer foigneufement des acceffoires qu'elle a reçus de temps en temps, foit par les conceffions des princes, foit par des coûtumes introduites infenfiblement. Il faut auffi convenir de bonne foi, que dans les derniers fiécles la puiffance eccléfiaftique & la féculiere ont fouvent entrepris l'une fur l'autre.

La jurifdiction effentielle à l'églife eft celle que Jesus-Chrift a donnée à fes apôtres en leur difant après fa réfurrection : Toute puiffance m'a été donnée au ciel & en la terre. Allez donc, inftruifez toutes les nations & les baptifez ; leur enfeignant d'obferver tout ce que je vous ay ordonné. Vous voyez à quoi il réduit l'exercice de cette toute-puiffance qu'il a reçuë de fon pere, à l'inftruction & l'administration des facremens: la doctrine comprend les myfteres & les regles des mœurs, les facremens font tous défignez par le baptême. Dans ce même intervale entre la refurrection & l'afcenfion ; il dit à fes apôtres: Comme mon pere m'a envoyé, je vous envoye auffi: puis il fouffla fur eux & leur dit: Recevez le faint Efprit: ceux dont vous remettrez les pechez, ils leur font remis, & ceux dont vous les retiendrez, ils leur font retenus;

Jurifdiction effentielle à l'églife.

Matth.

XXV111.18.

Jo. XX. 21.

Matih. XVIII. 18

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leur donnant ainfi le pouvoir de lier & de délier, qu'il leur avoit déja promis pendant fa vie mortelle. Je ne parle ici que des pouvoirs ordinaires & perpetuels,néceffaires pour conferver l'églife jufqu'à la fin des fiécles: c'eft pourquoi je ne dis rien des dons furnaturels, langues, prophéties, guérisons & autres miracles, fi frequens pendant les trois. premiers fiécles.

d'une

Or ces pouvoirs que J. C. a conferez à fon églife, ne regardent que les biens fpirituels, la grace, la fanctification des ames, la vie éternelle. Lui-même étant fur la terré n'en a pas exercé d'autres. Il n'a voulu prendre aucune part au gouvernement des chofes temporelles : jufqu'à refufer d'être arbitre entre deux freres pour le partage fucceffion; difant: qui m'a établi pour vous juger? Il eft vrai qu'il eft roi; mais fon royaume, comme il a dit lui-même, n'eft pas de ce monde, il est d'un ordre plus élevé. Il ne veut regner que fur les cœurs, par la crainte filiale de ses sujets, le refpect & l'amour qu'ils lui portent. Il ne veut que les rendre meilleurs, il n'éxige d'eux autre tribut que des louanges, des actions de graces, l'adoration en efprit & en vérité. Tel eft le royaume de J. C.

2

Pour l'établir il n'a employé que des moyens convenables à la nobleffe de fa fin. Il n'a rien fait par force, dit S. Auguftin, mais tout par perfuafion ; & pour perfuader, il n'a pas employé, comme les philofophes, de longs raifonnemens, dont peu d'hommes font fufceptibles; mais des miracles, qui font à la portée de tout le monde propres à attirer l'attention & à fonder l'autorité. Il a communiqué à fes difciples ce pouvoir de faire des miracles, & d'en communiquer le pouvoir à d'autres autant de temps qu'il a jugé convenable pour établir fuffifamment l'autorité de fon églife.

Cette autorité eft le fondement de la jurifdiction eccléfiaftique, qui confifte à conferver la faine doctrine & les bonnes mœurs. La doctrine fe conferve en établiffant des docteurs pour la perpétuer dans tous les fiécles, & en réprimant ceux qui la voudroient alterer. Or l'églife a toujours exercé ce droit, enfeignant la doctrine qu'elle a reçuë de J. C. & ordonnant des évêques qui en font les principaux docteurs ; & qui pour leur aider ont ordonné, outre les prêtres, des diacres & d'autres miniftres inferieurs. Tout cela malgré l'oppofition des infideles & pendant les plus cruelles perfécutions. Saint Paul dans fes chaînes ne laiffoit pas d'enfeigner; & la parole de Dieu, comme il dit lui-même, n'étoit pas enchaînée. Il fçavoit auffi réprimer & châtier les faux docteurs, comme Hymenée & Alexandre, qu'il livra à fatan, à caufe de leurs blasfemes; & l'apôtre S. Jean dépofa le prêtre qui avoit fabriqué l'hiftoire des voyages de faint Paul & de fainte Thecle.

Comme dans le gouvernement temporel le premier acte de jurifdic tion eft l'inftitution des magiftrats, des juges & des miniftres de juftice: ainfi l'ordination des évêques & des clercs eft le premier acte & le plus important du gouvernement eccléfiaftique. Auffi avez-vous vû dans toute cette hiftoire avec quelle attention & quelle circonfpec tion on ordonnoit les évêques pendant les neuf ou dix premiers fié

cles: j'en ai marqué le détail au fecond difcours, où j'ai relevé cette parole de faint Cyprien, qu'un évêque ordonné canoniquement est établi par le jugement de Dieu. L'évêque une fois établi ordonnoit les prêtres & les autres clercs, mais avec le confentement de fon clergé & de fon peuple; & toujours pour un titre certain, c'est-à-dire pour fervir dans une certaine église : D'où eft venuë la collation des bénéfices depuis le partage des revenus eccléfiaftiques.

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que

L'autre partie de la jurisdiction qui tend à la confervation des bonnes mœurs, s'exerce principalement par l'administration de la pénitence: où le prêtre prend connoiffance des péchés comme juge, pour fçavoir s'il les doit remettre ou les retenir, lier ou délier le pecheur. Voyez encore ce que j'en ai dit au fecond difcours, où j'ai montré l'églife n'impofoit que des peines médecinales, & à ceux qui les acceptoient volontairement : fe contentant de prier pour les indociles & fes endurcis ; qu'elle fe trouvoit quelquefois obligée à retrancher de fon corps, de peur qu'ils n'infectaffent les autres. J'ai marqué dans le troifiéme difcours deux abus très nuifibles à la pénitence, la multiplication exceffive des peines canoniques & les pénitences forcées. Or je vous renvoye à ces difcours fur l'hiftoire pour éviter les re

dites.

Une autre partie de la jurisdiction eccléfiaftique, qu'il falloit peutêtre placer la premiere, c'eft le droit de faire les loix & des reglemens, droit effentiel à toute fociété. Ainfi les apôtres en fondant les églises leur donnerent des regles de difcipline,qui furent long-temps confervées par la fimple tradition : & enfuite écrites fous le nom de canons des apôtres & de conftitutions apoftoliques. Les conciles qui fe tenoient frequemment faifoient auffi de temps en temps quelques reglemens; & c'est ce que nous appellons les canons, du mot grec qui fignifie regle.

Cypr. epift. 67. ad Hifp.

17.8.

7. 16. to. 13.

évêques.

II.

1. Cor. VI. 4.

Comme un des devoirs des évêques étoit de conferver l'union & la charité entre les fideles, ils avoient grand foin d'appaifer les querelles, Arbitrages. des de terminer ou prevenir les differends:du moins ils exhortoient ceux qui leur étoient foumis, à les regler entr'eux à l'amiable, fans plaider devant les Juges ordinaires, qui étoient païens. Saint Paul en fait un grand reproche aux Corinthiens; & dit, que les plus méprisables d'entr'eux ne font que trop bons pour juger leurs affaires temporelles tant ils doivent faire peu de cas de ces fortes d'affaires; &prendre garde dene pas fcandalifer les païens en plaidant pour de petits intérêts comme les autres hommes. Vous avez déja tort, continue l'apôtre, d'avoir des procès: que ne fouffrez-vous plûtôt l'injustice & la fraude? & là-deffus il leur fait une puiffante exhortation touchant le défintéreffement & l'éloignement de l'avarice. Ainfi quand Jefus Chrift refufa d'être arbitre entre les deux freres, il en prit occafion d'instruire le peuple fur le mépris des biens temporels.

Or quoique, felon S. Paul, les moindres des laïques puflent être pris pour arbitres de leurs freres, c'étoit toutefois l'évêque qu'ils choififfoient ordinairement comme leur pere commun ; & l'on voit la forme de ces jugemens charitables dans le livre des conftitutions apoftoli

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Lib. 11. c. 47.

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