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C. S:

faifoient en Allemagne. La curiofité lui fit fouhaiter de les lire, & il n'ou- CURION. blia rien pour fe les procurer. En ayant trouvé quelques-uns, il les lut avec avidité, & le plaifir qu'il y prit le féduifit tellement, qu'il réfolut dès-lors de paffer en Allemagne embraffer leur créance. Il s'arpour rangea pour cela avec deux jeunes gens, de fes amis, qui étoient dans les mêmes fentimens que lui, Jacques Corneille & François Guarin, qu'on vit dans la fuite Miniftres, & ils convinrent ensemble de paffer par le Val d'Aofte.

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Mais il leur arriva une difgrace qui dérangea leurs projets. Comme ils s'entretenoient dans la route fur les matieres de la Religion avec une entiere liberté, & qu'ils ne ména geoient pas leurs expreffions, ón les dénonça à l'Evêque d'Yvrée, qui les fit arrêter & conduire au Château de Capriano.

Curion y fut en prison pendant deux mois, au bout defquels il obtint fa liberté par les follicitations des amis qu'il avoit parmi la Nobleffe du pays, &après que l'Evêque

A ÿj

G. S. lui eut recommandé très-ferieufeCURION. ment d'être plus fage à l'avenir. Ce Prélat ayant remarqué en lui de l'erudition & de l'efprit, voulut contribuer au progrès de fes études, & l'envoya avec des Lettres de récommandation à l'Abbaye voifine de S. Benigne, dont le Pape Leon X. lui avoit donné depuis peu l'admi

niftration.

Tout cela ne changea point les difpofitions de Curion, qui ayant vû dans ce Monaftere des Reliques de S. Agapet & de S. Tiburce, pour lefquelles le peuple avoit beaucoup de vénération, forma le deffein de les enlever. Comme on ne fe défioit point de lui, la chofe ne lui fut pas difficile. Il prit adroitement les Clefs de la Chaffe où elles étoient renfermées, & après l'avoir ouverte, les remit à leur place, fans qu'on s'en apperçût. Il ôta enfuite à fon loifir les Reliques', qu'il jetta de côté & d'autre, & mit à la place une Bible, qu'il avoit prife de la Bibliotheque du Monaftere, avec ces mots écrits: Hac eft Arca fœderis, ex qua vere fcifsitari oracula liceat, & in qua vera

C. S.

Enfin voyant approcher un jour où CURION.

Junt fanctorum Reliquia.

l'on devoit porter ces Reliques en

proceffion, il crut ne devoir pas s'ex pofer au peril qu'il couroit par la dé couverte de leur vol, & s'enfuit vers Milan, d'où il paffa à Rome, & en plufieurs autres Villes d'Italie.

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Après avoir fatisfait fa curiofité; il retourna à Milan où il demeura plufieurs années, occupé d'abord à s'inftruire, & enfuite à inftruire les autres; & il s'y acquit l'eftime & l'amitié de plufieurs perfonnes de confideration. Il s'y fit furtout beaucoup d'honneur dans une pefte violente, qui attaqua cette Ville, par le courage avec lequel il s'expofa au danger pour affifter les malades, & par la charité avec laquelle il répandit fur les pauvres les liberalités qu'on lui faifoit.

La réputation qu'il acquit par-là lui procura en 1530. un mariage avantageux, & on lui fit époufer une jeune Demoiselle Noble, nommée Marguerite Blanche Ifaci. Après avoir fait cet établissement, fongea à fe retirer en quelque Vil

C. S.le d'Italie, dont le féjour fût plus CURION. tranquille, qu'il ne l'étoit à Milan & choifit Cafal Ville Capitale du Montferrat. Il y demeura quelques années, au bout defquelles fes amis le folliciterent de retourner dans fa patrie, où fa préfence étoit neceffaire, parceque tous fes freres étoient morts, qu'il lui revenoit par-là une groffe fucceffion, & que la feule fœur qui Jui reftât s'étoit emparée de tout.

Il alla donc faire un tour dans fon pays, où fa four & fon mari le reçurent fort bien, croyant qu'il n'y étoit venu que pour voir fes amis, & fans aucun deffein de leur faire rendre compte. Mais lorsqu'il commença à entamer cette matiere, ils changerent entierement de conduite à fon égard. Sa fœur lui fit d'abord entendre qu'il n'étoit pas en fûreté à Moncallier, & qu'on pouvoit lui faire des affaires, par rapport à la Religion ; & le détermina par-là à fe retirer dans un lieu du voisinage nommé Ramoni, qui appartenoit à un Claude de Savoye. Ce qu'il fit d'autant plus volontiers, qu'il croyoit pouvoir y arranger fes affaires avec fa fœur fang

C. S.

aucun peril, & retourner à Moncal-
lier, quand les bruits qui s'étoient CURION
répandus fur fon fujet feroient dif-
fipés.

Au refte , pour n'être point en tirement oifif en ce lieu, il fe chargea de l'inftruction de quelques jeunes gens de la premiere Nobleffe du pays, & acquit auffi l'amitié de leurs parens.

Un jour qu'il étoit dans un Villa ge voifin, avec quelques perfonnes de confideration, il y entendit prê cher un Jacobin, qui y étoit venu de Turin pour cela. Ce Moine s'emporta violemment contre les Lutheriens, & fans s'embaraffer s'il n'alloit pas au-delà de la verité,en vint jufqu'à dire que Luther n'étoit bien reçû en Allemagne, que parce que fous prétexte de la liberté Chrétienne, il permettoit à fes fectateurs de s'abandonner à toutes fortes de defordres ; qu'outre cela il nioit que Jefus-Chrift fût Dieu, & fût né d'une Vierge.

Lorfque le Sermon fut fini, Curion choqué des difcours du Jacobin; demanda au Curé permiffion de dire quelque chofe; lorfqu'il l'eut obtes

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