Touchard & du Perron: On ne put rien tirer de Touchard, dit encore le Thuana; mais du Perron trahit fon Maître ; & dans une audience qu'il eut de Henri IV, il ne laiffa rien ignorer de toute cette conjuration, qu'on appelloit le Tiers-parti. J'ai rapporté, dans un autre endroit de ce Volume, à quel point il trahit son ministère & la majesté royale, lors de l'absolution de Henri IV à Rome; il ne pouvoit pas douter que toute la France feroit indignée; apparemment que façonné à préférer les honneurs à l'honneur, il n'envisagea que la récompenfe qu'il efpéroit du Pape. Un Légat, en 1600, prétendit que les Evêques ne devoient point paroître devant lui en habits épifcopaux, parce que ces habits marquoient la jurifdiction épifcopale, & que toute jurisdiction épifcopale ceffoit, difoit-il, en fa présence. Du Perron, au lieu de répondre que les Evêques ne tenoient pas leur jurifdiction épifcopale du Pape, mais de Dieu, confentit à ce que le Légat exigeoit : il vouloit être Cardinal, il le fut. Dans fa Lettre de remercîment à Clément VIII: Je vous ai toujours révéré, adoré, dit-il, comme un Dieu fur terre: peut-être efpéroit-il qu'un jour il pourroit être auffi un Dieu. Sans chercher dans des tems plus éloignés, * d'autres exemples des entreprises des Papes fur la fouveraineté & l'indépendance temporelle des Rois, je ne citerai que la Bulle par laquelle SixteQuint excommunioit le Roi de Navarre *, délioit fes Sujets du ferment de fidélité, & le déclaroit déchu & privé de tous fes droits à la Couronne de France. Ce même Sixte-Quint, à la nouvelle de l'affaffinat de Henri III, affembla un Confiftoire, y porta l'horreur & l'impiété, au point de comparer cet affaffinat aux Myftères de l'Incarnation du Verbe & à la Réfurrection du Sauveur; il y exalta le courage, la conftance & le zèle de l'exécrable Jacques Clément, ajoutant qu'une action fi généreufe n'avoit pu être exécutée que par un fecours particulier de Dieu & de fa Providence. Pendant la tenue des Etats-généraux affemblés à Paris en 1614, le Tiers Etat, pour arrêter le cours de l'infernale doctrine qui expofoit la vie des Sou verains aux accès du fanatifme d'un imbécille & fougueux dévot, féduit par des fcélérats; le TiersEtat, dis-je, repréfenta qu'il falloit supplier le Roi de faire confirmer, dans l'affemblée des Etats, comme Loi fondamentale, inviolable & notoire à * Depuis Henri IV. ** De Thou. tous, que nos Rois ne tenant leur Couronne que de Dieu feul, il n'y a aucune puiffance sur la terre, fpirituelle ou temporelle, qui ait quelque droit fur leur Royaume, & qui puiffe, pour quelque caufe, ou fous quelque prétexte que ce foit, prétendre les en priver & difpenfer leurs Sujets de la fidélité & obéiffance qu'ils leur doivent. 'Du Perron s'unit au Nonce, & prétendit qu'en attaquant la puiffance du Pape fur le temporel des Rois, c'étoit attaquer les fondemens de l'autorité de l'Eglife, briser le tabernacle, rifquer d'affeoir l'Hérétique dans le fanctuaire, & ternir l'éclat de la Thiare & de la Pourpre du Sacré-College. On le vit, dit un Auteur comtemporain, écumant de rage, injurier des Magiftrats fur un Arrêt du Parlement, du 2 Janvier 1615, conforme à la demande du Tiers-Etat; toutes les intrigues, les manœuvres, tous les faux raisonnemens & les fophifmes que l'efprit de vertige peut enfanter dans une imagination ardente, il les employa contre cette demande & cet Arrêt; il porta l'audace jufqu'à infulter le Prince de Condé dans le Confeil, & y dire au Duc de Bouillon, que l'avis d'un Hérétique devoit être fufpect. O François ! lorfque dans Saint-Denis, notre amour pour nos Rois semble encore les chercher dans la nuit profonde du trépas; lorfque parmi leurs cercueils, nos yeux s'arrêtent fur celui de Henri IV, & fe mouillent de larmes au fouvenir de ce grand, de ce bon Prince expirant fous les coups d'un monftre entretenu & enhardi dans fes noires vifions par les exécrables maximes ultramontaines; ô François ! dans la Cathédrale de Sens, du Perron jouit de l'honneur d'un fuperbe maufolée! coup Il mourut les de Septembre 1618. On l'accu} foit de mœurs plus que galantes. On doutoit beaude fa religion, & encore plus de fa droiture. Scaliger, l'Abbé de Longuerue & autres Savans, prétendent qu'il ne l'étoit que fuperficiellement. Il avoit beaucoup de mémoire, & s'énonçoit avec la plus grande facilité. Parleur impitoyable, il lui arrivoit, dit-on, de continuer de parler, fans s'appercevoir qu'on l'avoit laiffé feul. Fin des Promotions fous le regne de Henri IV. Q UAND un Ouvrage paroît écrit d'une main affez facile & d'un ftyle fimple & naturel, bien des Lecteurs s'imaginent qu'il n'a pas beaucoup coûté à fon Auteur. On ne fçauroit croire à combien de recherches, & fouvent affez infructueufes, j'ai été jufqu'à préfent obligé pour compofer cette Histoire. Si je n'avois cherché dans les Manufcrits & les Mémoires imprimés de ce tems-là, qu'à trouver & recueillir les actions & les fervices de chaque Chevalier à tels sieges & telles batailles, ç'auroit déjà été beaucoup de peine ; & si je n'avois enfuite présenté que ces feuls objets, je ferois tombé dans une narration feche & ennuyeuse par l'uniformité du fond & la répétition affez fréquente des mêmes fervices. J'ai efpéré qu'en fuivant le plan que je m'étois formé, je jetterois de la variété, de l'intérêt & de l'inftruction dans cet Ouvrage. Je me fuis attaché à peindre le caractère & les mœurs de ceux dont j'avois à parler; & c'eft par des Anecdotes, par des traits particuliers de leur vie, que j'ai tâché de les faire connoître : on peut juger, par ces Anecdotes mêmes, des recherches que j'ai faites. J'ai dit, au commencement de cette Histoire, que tous les Auteurs qui jufqu'à présent ont parlé |