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& les alkalis, n'admettent en elles que deux principes conftituans, qui, venant à fe combiner avec un troifième ou quatrième principe, forment dèslors un SEL, ou, ce qui revient au même, une PIERRE, un MÉTAL, un MINÉRAL, &c.

Les différences très-marquées qui fe rencontrent entre les divers compofés & furcompofés du règne minéral, ont engagé les Naturaliftes & les Chimistes à ranger ces fubftances fous des claffes précifes & déterminées par des caractères plus ou moins tranchans; mais des obfervateurs profonds ont déja remarqué que ces claffes, deftinées à mettre de l'ordre dans nos connoissances, n'existoient point dans la Nature. On peut dire, en effet, que, fuivant l'intimité de la combinaison, elle va, par nuances infenfibles, du fel le plus foluble & le plus déliquefcent à la pierre la plus dure & la plus infoluble (15). Un cristal de tartre, un fel gemme, uné félénite, un spath, un quartz, un diamant, diffèrent fans doute par les principes qui les conftituent; cependant la combinaison plus ou moins intime des principes conftituans de ces différentes fubftances, eft le résultat d'un mécanifme abso

(15) Au fond, dit très-bien M. Bergman, les fels forment avec les terres une fuite continue, tellement qu'il feroit diffi»cile de ne pas confondre les anneaux qui fe touchent dans la "chaîne naturelle, fi la méthode ne les féparoit par des limites "artificielles." Journal de Phyfique, Septembre 1781, p. 210.

lument femblable, qui doit faire envifager tous ces corps fous un point de vue plus général qu'on ne l'a fait jusqu'à présent.

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On reftreignoit le nom de SELS à certaines fubftances folubles dans l'eau, & douées d'une faveur plus ou moins marquée : on nommoit PIERRES d'autres fubftances infolubles dans l'eau, & géné ralement infufibles par elles-mêmes enfin l'on appeloit MÉTAUX & MINÉRAUX celles qui, plus pefantes que les pierres, n'exigent qu'un degré de feu plus ou moins vif pour entrer en fufion. Mais ces divifions, vulgairement bonnes, font au fond très-fuperficielles, & bien éloignées d'avoir le degré de précifion qu'on leur fuppose, puifqu'il exifte des fels proprement dits, qui font infolubles dans l'eau, tandis que certaines pierres, telles que le gypse, s'y diffolvent parfaitement & que d'autres, telles que les fchorls, font fufibles par elles-mêmes, tout auffi bien que métalliques.

les fubftances

S'il eft donc vrai, comme je l'ai avancé plus haut (page 13), que dans le règne minéral tout foit un résultat de la combinaison plus ou moins intime des principes fecondaires & de leurs compolés, pourquoi ne regarderoit-on pas comme autant de fels les fubftances pierreuses, minérales & métalliques, fur-tout fi l'on entend par ce mot SEL, « tout mixte, foit naturel, foit artificiel, qui

» réfulte de la combinaison d'un ou de plufieurs » acides, avec une ou plusieurs substances propres » à les neutraliser (16)?» Or, en partant de ce principe général & incontestable, le phosphore, le foufre, le gypfe, les différens fpaths, le quartz, le fchorl, le diamant, sont autant de fels, & l'on ne doit pas plus en excepter le verre & les amalgames, que les mines métalliques & leurs régules.

Faudra-t-il donc renoncer à ces grandes divifions du règne minéral, confacrées dans toutes les langues, & par l'ufage de tant de fiècles? Non, fans doute; mais en les confervant, ne perdons pas de vue que les nuances qui les diftinguent font très-légères, puifqu'un peu de phlogistique fait paffer rapidement l'arfenic de l'état falin à l'état métallique, fans que fa forme précédente en foit altérée, & qu'une vapeur de foie de foufre fuffit pour revivifier une chaux métallique, ou du moins pour la minéraliser. En un mot, quel que puiffe être l'intervalle, qui, dans l'ordre des fubftances naturelles, fépare un fel d'une pierre, d'un minéral ou d'un métal, ces diverfes fubftances ont ceci de commun, qu'ELLES SONT TOUTES SUSCEPTIBLES DE CRISTALLISATION, c'eft-à-dire, de prendre une figure régulière & conftante, lorsqu'après

(16) Sage, Mémoires de Chimie, p. 93. Le même, dans fes Elémens de Minéralogie, vol. I, p. 29; & Démefte, vol. I, Lett. IV, p. 43.

avoir

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avoir été diffoutes dans un fluide quelconque, leurs principes viennent à fe rapprocher par le refroidissement ou l'évaporation du fluide qui les tenoit diffoutes.

Phénomènes de la Cristallisation.

Examinons préfentement les principaux phé nomènes qui dérivent de cette grande loi de la Nature, à laquelle font foumis tous les êtres qui ne se reproduisent point par des organes, à la manière des animaux & des végétaux (17). Ces phénomènes font fi merveilleux, que des Phyficiens trèsinftruits n'ont cru pouvoir les expliquer qu'en admettant, dans le règne minéral, des femences (18),

(17) L'illuftre Von-Linné avoit ainfi déterminé les limites des trois règnes de la Nature: LAPIDES crefcunt; VEGETABILIA crescunt & vivunt; ANIMALIA crefcunt, vivunt & sentiunt. » II "ne feroit pas difficile de prouver, dit M. Bayen, que tout ce "que nous connoiffons de minéralisé ou de lapidifié a pris un "arrangement conforme aux lois de la criftallifation. On dit "communément : Les ANIMAUX vivent, les PLANTES végè»tent; on pourroit dire de même : Les MINÉRAUX cristal›lifent, ce qui exprimeroit en un feul mot leur manière de s'agréger. Journal de Phyfique, juin 1778, p. 497.

(18) Tel étoit le sentiment du célèbre Peiresc, au rapport de Gaffendi, qui, dans la Vie de ce Savant, s'exprime en ces termes: Quippe in eâ non fuit fententià (Peirescius), ut exifti"maret omnes lapides ab initio mundi formatos; fed voluit tem"poris progreffu plerofque ita fieri ut finguli originem debeant fuæ materiei, propriifque feminibus, configurationem verò partim ad "naturam, partim ad cafum referant acceptam. Nam cùm omnium Tome I.

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des graines & des œufs, comme dans les deux autres règnes; mais cette idée, qui paroît spécieuse au premier coup d'œil, & fimplifier même le plan de la Nature, n'eft pas mieux fondée que celle de quelques Penfeurs (19) qui, regardant la forma

"materies fit aqua feu liquor aut fuccus, exiftimavit variis in locis » contineri varia rerum femina & fpeciatim lapideum, quod liquori » immiftum, lactis inftar ipfum coagulet, fpecialemque imprimat "formam. Heine crystallum, adamantem, amethystum, fimilesque "lapides fieri, cùm illorum femina limpidum liquorem, cujufmodi "folùm perficere poffunt, nacta fuerint, cæteros verò cum femina » eorum magis turbidum & obscurum ; & quoniam liquor tunc con"tineri conquiefcereque in cavitate quâdam, & quafi vase seu "conceptaculo debet, indè effici ut pretiofi etiam illi lapides, fundum habeant craffum obfcurumque, tum quia conceptaculum » terreum immundumque ut plurimùm eft, tum quia quidquid est in liquore craffum fubfidit, coagulationemque proindè in fundo facit "hebetiorem. Cæterùm ipfos dum coagulantur diffindi & multiplicari » ut grana fpicæ intra vaginam: fubire autem cryftallum figuram "oblongam hexaedricam, Smaragdum dodecahedricam, adamantem & rubinum octahedricam, & ita de aliis; propter fpecialia "femina juxta quæ lapides non minùs conftanter regulariter» que quam ftirpes atque animalia fuarum funt configuratio"num. Gaffendi, in Vitâ Peiresc. p. 346.

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(19) M. de la Metherie, dans fes Vues fur l'organisation animale & végétale, (Paris 1781) dit que les animaux & les végétaux font produits par la cristallisation de leurs femences, & que, par la même force, ils font nourris & prennent l'accroiffement. Journ. de Phyf. mars 1781, p. 236. Voyez auffi son Mémoire fur la Cristallifation, dans le même Journal, avril 1781, p. 251. M. Gueneau de Montbelliard n'a pas été fi loin; mais il admet dans le règne animal des générations fpontanées, qu'il regarde comme de fimples criftallifations de la matière vivante. Voyez l'Avertiffement du tome V de la Collection académique, partie étrangère.

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