quatre, cinq ou fix faces, & même d'un plus grand nombre, en un feul point; 2°. les angles fimples, qu'on appelle arêtes ou bords, & qui ne réfultent que de la rencontre de deux feules faces ou côtés.

per

Ceci nous mène à diftinguer les troncatures ou fections des angles folides de celles qui fe font aux angles fimples, quoique les unes & les autres ne foient que des variétés fubordonnées à la forme primitive, & qu'elles difparoiffent communément lorfque le cristal atteint le plus haut degré de fection poffible. Dans un cristal d'alun, par exemple, l'octaèdre, terminé par huit triangles équilatéraux lorsqu'il eft complet ou fans troncatures, eft fouvent tronqué plus ou moins profondément dans fes fix angles folides, ou dans fes douze bords, & quelquefois dans les uns & les autres en même temps; ce qui modifie la figure de fes huit faces principales, & leur ajoute fix, douze ou dix-huit petites faces furnuméraires, aisées à reconnoître dans les criftaux complets, mais qui, dans les fegmens de ces criftaux, font très-difficiles à diftinguer des faces principales. Si l'on ajoute à ces variétés l'état plus ou moins avancé des fegmens de l'octaèdre, leurs différentes inclinaifons, & les différens côtés fous lefquels ils fe montrent dans la capfule où ils ont criftallifé, enfin leurs agrégations mutuelles, & les végétations qu'ils produisent en s'implantant les uns dans les autres,

on concevra la difficulté qu'il y a de reconnoître au premier coup d'œil, dans cet affemblage en apparence bizarre & confus, la vraie forme de l'octaèdre. Il n'eft donc pas étonnant que d'habiles Chimiftes n'aient rien vu de conftant ni de déterminé (47) dans les formes cristallines, tandis qu'il n'en eft aucune qu'on ne puiffe, avec un peu d'attention, rapporter à la figure élémentaire & primordiale dont elle dérive.

Mais, au milieu des variations fans nombre dont la forme primitive d'un fel ou d'un cristal quelconque eft susceptible, il eft une chose qui ne varie point, & qui refte constamment la même

d'ail

(47) J'entends répéter tous les jours, & par des gens leurs fort inftruits, qu'on peut obtenir le tartre vitriolé fous plus de cinquante formes différentes, & qui partent de là pour nier la conftance de la forme dans les criftaux. Mais fi ces perfonnes, au lieu de fronder la science des criftaux, vouloient se donner la peine de l'étudier, elles ne tarderoient pas à s'appercevoir que toutes les formes du tartre vitriolé, de même que celles du cristal de roche, dérivent d'un dodécaèdre à plans triangulaires ifocèles, formé par deux pyramides hexaèdres jointes base à base, ou féparées par un prifme intermédiaire plus ou moins long. Il n'eft pas plus étonnant de voir la Nature donner une forme conftante, quoique variable jufqu'à un certain point, à un fel, à une pierre, à un minéral, à un métal même, que de lui voir donner une faveur conftante & déterminée à celles de ces fubftances qui font folubles dans l'eau, & à toutes une dureté, une denfité, qui font les mêmes dans chaque espèce, aux légères différences près que peut y apporter le mélange de molécules hétérogènes qui s'y rencontrent fouvent interpofées.

dans chaque espèce; c'eft l'angle d'incidence ou l'inclinaison refpeftive des faces entre elles. Ainfi, par exemple, quoique dans l'alun, le fucre & le nitre, la forme primitive foit un octaèdre re&tangulaire (Pl. III, fig. 1, 33, 43), cet octaèdre a fes faces différemment inclinées dans ces trois fels. L'octaèdre de l'alun (Pl. III, fig. 1) ayant les faces de fes pyramides inclinées de 55°, l'angle obtus formé par la rencontre des bafes de chaque pyramide eft conftamment de 110°. Ce même angle eft de 120° dans l'octaèdre du nitre (Pl.III, fig. 43), dont les faces font conftamment inclinées de 60°; il n'eft, au contraire, que de 100° dans l'octaèdre du fucre (Pl. III, fig. 33), dont les faces font inclinées de 50°. Ainfi, dans le criftal de roche (Pl. VI, fig. 19), l'angle du fommet de la pyramide hexaèdre, pris fur deux faces oppofées, eft constamment de 76°, ce qui donne 104° pour l'angle obtus formé par la rencontre des bafes des deux pyramides, lorfque le criftal eft fans prisme intermédiaire; mais lorsque le prisme s'y rencontre (Pl. VI, fig. 21-35), l'angle d'incidence de chaque face de la pyramide fur ce prifme eft de 142°, c'eftà-dire l'angle droit, plus l'inclinaifon primitive des faces de la pyramide, qui eft de 52°. L'angle aigu des triangles ifocèles de ce même cristal de roche eft conftamment de 40° (Pl. VIII, fig. 3); tandis que dans le tartre vitriolé, dont la forme primitive

que

eft, ainfi que dans le cristal de roche, un dodecaèdre à plans triangulaires ifocèles (Pl. VI, fig. 1), l'angle aigu des triangles ifocèles n'est de 36°, l'angle du fommet des pyramides de 70°, l'angle formé par la rencontre des bafes des mêmes pyramides de 110°, & conféquemment l'angle d'incidence des faces de chaque pyramide fur le prifme intermédiaire (Pl. VI, fig. 2, 6, 10, 11) de 145°, c'eft-à-dire l'angle droit, plus l'inclinaifon primitive des faces de la pyramide, qui eft de 55°.

Ce petit nombre d'exemples fuffit pour démontrer que, dans les criftaux, l'inclinaison refpe&ive des faces entre elles eft vraiment caractéristique, puifqu'elle eft toujours la même dans chaque efpèce, fans que les dimenfions refpectives & trèsvariables des faces entre elles, les nouveaux angles produits par les troncatures (48), & la multi

(48) II eft bon d'obferver ici que les nouvelles faces, produites par les troncatures, s'accroiffent fouvent aux dépens des faces primitives, au point que celles-ci deviennent alors linéaires ou fort étroites, & qu'elles difparoiffent même tout-à-fait. Dans ce dernier cas, résultant de la fuperpofition de molécules cristallines toujours décroiffantes jufqu'au dernier degré de petitesse, la forme cristalline primitive difparoit pour faire place à fon inverse. On verra dans le cours de cet ouvrage des exemples multipliés de ces nouvelles faces & de ces nouveaux angles, produits par P'agrégation en fens contraire des mêmes molécules cristallines. C'est ainsi que l'ocaèdre aluminiforme eft l'inverfe du cube dans la galène, les marcaffites, &c. ; que dans ces mêmes marcaffites l'icofaèdre à plans triangulaires eft l'inverfe du dodécaèdre à plans

plicité même de ces troncatures ou facettes fubordonnées, puiffe y apporter aucun changement(49).

Il importe d'autant plus de diftinguer, dans les criftaux des fels, les formes primitives de celles qui ne font que fecondaires ou fubordonnées, que le changement des premières fuppofe néceffairement une différence de combinaison dans les molécules intégrantes, & par conféquent des propriétés différentes dans les fels ou criftaux produits par leur agrégation. La forme effentielle ou primitive d'un fel ou d'un criftal change donc non-feulement toutes les fois qu'un même acide se combine avec une base différente, mais encore toutes les fois qu'une même base est saturée par un acide différent (50). Il y a plus, c'eft que la combinaison de deux principes hétérogènes pouvant être ou

pentagones; que le grenat à vingt-quatre facettes trapézoïdales n'eft qu'une très-légère modification du grenat dodecaèdre à plans rhombes; que le fpath calcaire lenticulaire à pyramides trièdres obtufes, de même que le pyramidal à double pyramide hexaèdre aiguë, ne font qu'une agrégation différente des parallelipipèdes rhomboïdaux du cristal d'lflande, &c. &c.

(49) La forme cristalline extérieure eft donc caractéristique, quoi qu'en dife le célèbre Bergman, qui, trompé par cette inconftance apparente de la figure des criftaux d'une même subftance, s'écrie: »Si igitur hæc, inter externas notas fine dubio "principalis, adeò eft lubrica, quid valebunt reliquæ? & quo fuc"ceffu talibus totam Mineralogiam fuperftruere licebit? « De formis cryftallorum, Opufc. II. p. 10.

(50) Voyez ci-deffus, note 27.