parfaite, comme dans tout fel neutre, ou imparfaite, c'est-à-dire, avec excès de base ou avec excès d'acide, la forme primitive eft également modifiée par ces différens degrés de faturation. C'eft ainfi que la forme ocaèdre de l'alun avec excès d'acide devient cubique lorsque ce fel eft avec excès de base; ainfi la forme du fel fédatif n'eft point la même que celle du borax, & la forme du mercure doux n'eft point celle du mercure fublimé corrofif.

Enfin, les formes primitives des criftaux (51), quelque multipliées que puiffent être leurs modifications, peuvent être réduites à fix principales, qui font le tétraèdre ( Pl. I, fig. 1), le cube (Pl. 11, fig. 1), l'odaèdre (Pl. III, fig. 1), le parallélipipède rhomboidal (Pl. IV, fig. 1), l'octaèdre rhomboïdal (Pl. V, fig. 1), & le dodécaèdre à plans triangulaires (Pl. VI, fig. 1). Pour fimplifier l'étude des cristaux par le rapprochement des formes les plus analogues, j'ai cru devoir ranger fous les quatre dernières de ces formes primitives quelques formes qui portent le même nom, & qui paroiffent les mêmes au premier coup d'oeil, mais effentiellement différentes par l'inclinaifon des

(51) Il ne faut point oublier que par forme primitive on n'entend ici que la figure des molécules intégrantes d'un compofé, & non celle des molécules conftituantes, qui nous eft parfaitement inconnue, quoique génératrice de la figure des molécules intégrantes.

faces qui les terminent, & qu'on doit, par cette raison, regarder auffi comme primitives. En effet, quoiqu'il ne puiffe y avoir qu'un feul tétraèdre & qu'un feul octaèdre primitifs à plans triangulaires équilatéraux, de même qu'il n'y a qu'un feul cube ou parallelipipède rectangle primitif à plans carrés ou rectangulaires, il exifte, au contraire, un grand nombre d'octaèdres rectangles (52) ou rhomboidaux (53) à plans triangulaires ifocèles ou fcalènes ; un grand nombre de parallelipipèdes rhomboidaux (54), & même plufieurs dodécaèdres à plans triangulaires ifocèles (55); & cela, par la raison que, dans le nombre des figures poffibles, il n'y a qu'un feul triangle équilatéral contre un grand nombre de triangles ifocèles ou fcalènes, & qu'un feul parallelogramme rectangle contre un grand nombre de parallelogrammes obliquangles ou rhomboïdaux. Quant à la forme sphérique ou globuleufe, quoiqu'elle foit très-parfaite & qu'elle convienne à tous les corps dans l'état de fluidité, quelle que foit d'ailleurs la figure de leurs molécules intégrantes, il s'en faut bien qu'on puiffe la regarder comme fimple & primitive dans les crif

(52) Voyez pl. III, fig. 1, 25, 33, 43, 52, 53, 62, 81 & 89. (53) Voyez pl. V, fig. 1, 10, 19, 34; & pl. VII, fig. 10, 11, &c.

(54) Voyez pl. IV, fig. 1-5, 45, 70, 80, 89, 96, 104, &e. (55) Voyez pl. VI, fig. 1, 19, 39, &c.

taux, puisqu'une Sphère n'eft autre chofe qu'un polyèdre d'une infinité de côtés, & conféquem--ment le plus compofé de tous les polyèdres. Auffi tous les cristaux Sphériques ne font-ils que des groupes qui appartiennent à la cristallisation confufe, ou, tout au plus, à l'indéterminée.

Comme la plupart des formes dont je viens de parler fe rencontrent en même temps dans un grand nombre de fubftances très-différentes entre elles, on a jugé, avec raifon, que ce feroit produire les affociations les plus bizarres que de s'arrêter à la forme feule pour claffer les fubftances du règne minéral; mais cela n'empêche point que ces formes ne puiffent être confidérées comme un des principaux caractères diftin&tifs de chacune des fubftances où elles fe manifeftent, puifqu'elles dérivent de la nature même de ces fubftances, & de la combinaison plus ou moins intime de leurs principes conftituans.

En effet, on a remarqué que la forme cubique, & fon inverfe qui eft l'octaèdre, annonçoient toujours une faturation parfaite de l'acide avec fa base, ou du moins une combinaifon très-intime dans les principes conftituans (56). C'est ce qui fait que l'une ou l'autre de ces deux formes primitives fe

(56) » Dans les fels, dit Zimmerman, plus l'acide eft forte"ment combiné avec la terre, moins les criftaux ont de côtés: "c'est ce que prouve le fel marin, &c. « Remarques fur Henekel, p. 418, trad. franç

rencontrent dans le diamant, le rubis spinelle, le spath fufible ou vitreux, le fel marin, l'alun, plufieurs mines fulfureuses, les pyrites, les métaux natifs & tous leurs régules; tandis que les formes prifmatiques & rhomboidales annoncent, pour l'ordinaire, une union moins forte de l'acide avec fa base, ou la présence de quelque principe volatil, en un mot, une faturation peu parfaite (57). Voilà pourquoi la plupart des fels ammoniacaux, l'alkali de la foude, le nitre, le borax, le fel de Glauber, la félénite, tous les vitriols & fels métalliques, les fpaths calcaire & féléniteux, les schorls & tourmaline, le grenat, plufieurs gemmes, le feld-spath & le mica, prennent une forme prismatique ou rhomboïdale. Si les petits cristaux de roche à deux pointes, connus fous le nom de faux diamans, font plus durs que le cristal de

(57) » Les cristaux des fels qui font en aiguilles, dit encore Zim"merman, annoncent une foible union de l'acide avec la terre, "ou une terre extrêmement déliée, & qu'il n'y en a qu'une "petite quantité. C'eft ce qu'on voit dans le nitre & le fel " ammoniac: au contraire, les criftaux des fels peu élevés & "ramaffés annoncent une combinaison exacte des fubftances "dont ils font compofés. Le même obferve encore que dans la criftallifation des fels, comme dans celle des pierres, plus les matières font groffières, plus les cristaux qui en résultent font grands & nombreux : mais le bafalte de Stolpen, qu'il cite pour exemple, ne prouve rien, parce que, ainfi qu'on le fera voir ailleurs, les prifmes de ce basalte ne peuvent être placés au nombre des véritables criftaux.

roche à long prifme intermédiaire, on doit en chercher la caufe dans une agrégation plus parfaite de leurs molécules intégrantes, peut-être même dans une combinaison plus intime des principes conftituans.

Si l'on excepte les criftaux métalliques & pierreux des roches feuilletées granitoïdes, & les criftaux pyriteux enfevelis dans les ardoifes ou schiftes, il eft affez rare d'en trouver qui foient folitaires ou complets; car il faut pour cela que ces criftaux reftent isolés pendant tout le temps de leur accroiffement, & un grand nombre de circonftances s'oppofent à cet ifolement. On obtient facilement dans nos laboratoires, à l'aide d'un ou de plufieurs fils fufpendus dans la diffolution, les criftaux complets des fels qui criftallisent par la voie humide, & fur-tout par l'évaporation infenfible. La fublimation donne auffi quelquefois des criftaux folitaires ou peu engagés, dont la forme eft très-diftin&e; mais il n'en eft pas de même des criftaux produits par le refroidiffement, & furtout de ceux qu'on obtient par la voie fèche: ces derniers font, à la vérité, d'autant plus complets & plus réguliers que le refroidiffement s'eft fait avec plus de lenteur; mais il eft très-rare de les avoir folitaires: auffi voyons-nous que les régules métalliques, de même que les cristaux de la glace, font prefque toujours ramifiés ou compofés de