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plication à chacune fera moindre, & ne-fera pas fuivie d'un grand fuccès.

CXXV.

D'où vient

que

chacun eft content de Son efprit.

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Martial, lib. 8. Epigr. 18. a dit: Qui velit ingenio cedere, rarus erit. Pourmɔi je dirois plûtôt, nullus erit. Si quel-qu'un a tenu un autre langage, & a cedé en apparence à un autre la gloire de l'efprit, fa confcience défavoüoit fes paroles, & il fouhaittoit interieurement de n'être pas cru, & on lui eût fait plaisir de le contredire. Ce fentiment nous est effentiel, & il a fa cause dans la nature de l'efprit. Nous ne connoiffons l'efprit que par l'efprit ; & nous ne connoiffons fon étendue que par fon étenduë. La grandeur de notre bras eft proportionnée à la grandeur de notre corps. Un grand hom me embraffera un gros arbre, qu'un petit homme ne fauroit embraffer. On fçait avec quelle fubtilité Pythagore découvrit de quelle taille avoit été Hercu le: car ayant mefuré le Stade de Pife, que l'on parcouroit aux jeux Olympiques, & qu'Hercule avoit déterminé à

la mefure de fix cents de fes pieds: & Fayant comparé avec le Stade commun de la Grece, que les autres Grecs avoient dé terminé à la longueur de fix cents de leurs pieds; il trouva celui-ci plus court que celui de Pife de quelque quantité. De là Pythagore conclut, que la même diffe rence de grandeur qui fe trouvoit entre le Stade Olympique, & le Stade commun, avoit dû fe trouver entre le pied d'Hercule & le pied des autres hommes. Et cette difference de la grandeur des pieds lui étant connue, il decou vrit auffi-tôt par une conféquence néceffaire celle des corps entiers, qui eft d'ordinaire proportionnée à celle des pieds. Si la mefure des efprits, & de leurs mouVemens tomboit fous les fens comme cel les des corps, on pourroit en détermi ner les proportions & les comparer; mais on connoît par leurs operations, qui leur font proportionnées, quelle eft leur grandeur, leur étendue, & leur force. Ce la s'obferve dans les animaux, qui agif fent felon leur inftinet, & font paroître par la diverfité de leurs actions, les di vers degrez de leur intelligence, dans l'étendue defquels chaque efpece fe contient, fans aller guere au-delà. On con

noît par les actions du chien, par fa docilité, par fa fidelité, par fon difcernement, une grande fuperiorité d'intelligence au-deffus du boeuf & du cheval; & de ceux-ci au-deffus des infectes, & des huîtres. On reconnoît dans l'inftruction des enfans, le progrez de leur efprit, fuivant le progrez de leur âge, par leur avancement fucceffif, & la ca pacité qu'ils acquierent par les preceptes & l'inftitution. On reconnoît par la vivacité & l'impetuofité de la jeuneffe, & par la conftance & la fermeté de l'âge viril, l'abondance exceffive des efprits de l'une, & la fecondité jufte & réglée' de l'autre. Et on reconnoît enfin le relâchement & l'affoibli ffement de l'efprit des vieillards par la pefanteur & la lenteur de leurs conceptions, & la langueur de leurs raifonnemens. Il refulte de-là, que la connoiffance & l'operation de l'efprit étant proportionnée à l'efprit, s'il eft grand, il peut avoir de grandes connoiffances, & connoître ce qui eft grand; & s'il eft petit, il ne peut rien connoître au-delà de ce qui eft proportionné à fa petiteffe. Et par conféquent forfque l'efprit devient l'objet de luimême, & qu'il fe veut connoître ; s'il

gran

eft grand, fa compréhension fera de; & il pourra connoître fon objet, quelque grand qu'il foit, par une connoiffance qui lui fera proportionnée : & s'il eft petit, il pourra fe connoître, & rien au-delà; & fa capacité étant petite, elle fera totalement remplie de fon petit objet. D'où il s'enfuit que laconnoiffance que l'efprit a de lui-même, foit qu'il foit grand, foit qu'il foit petit, eft grand ou petit à proportion ;-& que fa capacité & fa continence, quelle qu'elle foit, en fera toute remplie ; & ne connoiffant, & ne cherchant rien au delà, elle en fera fatisfaite. Chacun eft donc content de fon efprit, parce qu'il ne fe connoît en efprit, qu'à proportion de ce qu'il a d'efprit.

CXXVI.

Crainte du tonnerre.

La peur que les hommes ont du ton nerre femble être affez juftifiée par celle des animaux :

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Fugere fera, & mortali corda

Per gentes humilis ftravit pavor
Georg. I. 330.

Héfiode, de qui Virgile a pris cette r

marque, dit encore plus expressement; lib. 2. verf. 527, que tous les animaux,& même les plus sauvages, fuient en entendant le tonnerre. Il femble pourtant que pour le guerir de cette peur, on pourroit fe fervir de ce raisonnement ̧ que la peur doit être proportionnée au péril que l'on craint; & que le mal que fait le tonnerre eft fi mediocre, qu'it n'y a point de petite fiévre, qui ne tue plus de personnes en un été à Paris, que le tonnerre n'en tue en cinquante ans dans tout le royaume. Mais ce raifonnement qui paroît folide & convaincant, eft pourtant faux & captieux. Le péril que caufe la fiévre dans l'efpace d'un été, eft partagé & étendu également fur toutes les parties de cet efpaces au lieu que tout le péril du tonnerre, eft ramaffé dans un feul inftant, & le péril qui fe rencontre dans ce feul in-t ftant eft fans comparaison plus grand que celui de la fiévre dans chaque inftant de cet efpace. Une muraille qui menace' ruine, n'a jamais tué perfonne depuis qu'elle a été bâtie, & il eft bien certain que quelque jour elle fera renverfée, de quelque façon que cela arrive. Mais lorf qu'elle eft près de fa chute, tout le pé.

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