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taillée de ces Huns, & de leurs différentes Hordes ou Tribus.

Si nous fommes redevables aux Annales des Chinois de toutes ces découvertes, nos recherches d'un autre côté ne leur feront pas moins utiles; nous porterons la lumiere en plufieurs endroits obfcurs de leur Hiftoire, & nous faciliterons l'intelligence de tout ce qu'ils difent des Etrangers, fur lefquels fouvent ils font eux-mêmes fujets à s'égarer. Les liaifons que les Huns ont eues avec les Tartares Orientaux, m'obligeront par la même raifon de donner un précis de l'Hiftoire de ces derniers, des liftes de leurs Princes & leur origine, lorfque l'Hiftoire des Turcs paroîtra l'exiger.

Pendant le regne de l'Empereur Valens, les Huns, fous la conduite d'Attila, quittent les frontieres de la Chine, & passent dans l'Europe qu'ils ravagent. C'est une occafion indifpenfable d'éclaircir une partie de l'Hiftoire du bas Empire, & furtout de remonter jusqu'à l'origine de quelques autres Peuples barbares, autant que les monumens nous le permettront, fans hafarder de frivoles conjectures. Les Hiftoriens Grecs ne fuffifoient pas pour porter jufques-là nos connoiffances: mais en les rapprochant de ceux de la Chine, la plûpart de ces origines obfcures & incertaines s'éclairciffent; les routes même qu'ont tenues ces Barbares nous deviennent connues; nous les fuivons pas à pas depuis le fond de la Tartarie & le Nord de la Chine jusqu'en Pannonie & en France. Nous apprenons les caufes de leur irruption; nous voyons des Peu

ples fitués à l'Orient de l'Irtisch & aux Monts Altai, traiter avec les Romains; ceux-ci même leur envoyer des Ambaffadeurs, s'unir avec les Khans des Turcs contre les Rois de Perse de la Dynastie des Saffanides. Le Traité des Ambaffades, reste précieux de ce grand Recueil fait par l'Empereur Conftantin Porphyrogenete, ceffe d'être obfcur avec le fecours des Chinois.

On fera peut-être furpris que je n'aie fait aucun ufage des Hiftoriens Hongrois pour l'irruption des Huns fous Attila. Les Hongrois, qui fe regardent comme defcendus des Huns, entrent dans de grands détails fur le paffage, fur les incurfions, fur les conquêtes de ces Peuples, & nous apprennent mille particularités, que nous ne trouvons point ailleurs. C'eft principalement cette raifon qui me les a fait rejetter; le peu d'accord que j'ai trouvé entre eux & les Hiftoriens Grecs ou Romains, les anachronifmes groffiers dans lefquels on les voit tomber, les fables qu'ils débitent, me font douter de l'exactitude du refte. Tous les détails qu'ils nous ont confervés, m'ont paru tenir du Roman, & par conféquent ne devoir pas trouver place dans un Ouvrage où l'on ne fe propose pour but que la vérité. Pour en citer un exemple, & faire voir que le jugement que je porte n'eft point hafardé, l'envie d'élever Attila au comble de la gloire leur fait imaginer une expédition de ce Prince en Espagne, où il défait un Sulthan, dans le tems que ce titre, & même les Arabes y étoient inconnus. Je dirai donc avec M. le Nain de Tillemont au fujet des

mêmes Hiftoriens: Nous n'avons pas cru devoir employer une chofe auffi précieufe que le tems, à chercher quelques faits, ou quelques particularités incertaines, parmi d'autres qui font certainement fauffes & fabuleuses. Ce qu'on lit dans les fragmens des Historiens Grecs & Romains, quoique ce ne foit que des fragmens, m'a paru devoir être préféré aux détails fuivis des Hiftoriens Hongrois.

Après ces premiers Huns il en eft venu d'autres du côté de la Perfe, qui fe font établis à Iconium, d'où ils faifoient de fréquentes incurfions fur les terres de l'Empire Grec. Pour former l'Hiftoire de ces Turcs, il a fallu dépouiller tous les Hiftoriens Arabes qui en ont parlé ; mais l'Ouvrage eût été imparfait, fi je n'y avois joint les Historiens qui compofent ce vafte & fuperbe Recueil de la Byzantine. Par leur réunion je donne la folution de plufieurs difficultés qui fe rencontrent dans les Ecrivains Grecs, je rétablis tous les noms corrompus, je fais connoître les familles & les différens Etats des Mahométans, dont les Grecs ne parlent que très-imparfaitement.

C'est avec la même exactitude que je recherche l'origine des Turcs Ottomans qui ont fuccédé à ceux d'Iconium. Loin de fuivre les erreurs de Chalcondyle, des Hiftoriens Turcs, & du Prince Cantimir qui les a copiés, je puife dans les Auteurs plus voifins des tems, moins intéreffés & plus fçavans que les Turcs, qui ont ignoré l'Hiftoire des premiers fiécles de leur Monarchie. Les Ecrivains Grecs contemporains,tels que Nicéphore Gregoras,

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Georges Acropolites, Pachymere, & les autres, ne peuvent fe concilier avec les Turcs; ces Grecs cependant ne s'écartent pas de la vérité, & s'accordent avec les meilleurs Hiftoriens Arabes, de même qu'avec ceux des Nations voifines. C'est pour avoir fuivi trop fcrupuleusement ces Ecrivains, que le Prince Cantimir a répandu beaucoup de fables dans l'Histoire des Turcs qu'il a publiée; qu'il eft tombé dans des anachronismes confidérables, & qu'il a fouvent inféré des remarques peu judicieufes, & quelquefois fauffes ; fes guides l'ont trompé. Je releverai dans des notes la plûpart de ces erreurs.

L'Ouvrage que j'annonce ne répandra pas moins de lumiere fur l'Hiftoire des Perfans & des Arabes; en faifant connoître ces Turcs qui ont éteint la puiffance des Khalifs, & qui les ont réduits à n'être plus que les Chefs de la Religion, l'Hiftoire de ces Empereurs des Mufulmans deviendra beaucoup plus connue qu'elle ne l'a été jusqu'à préfent. Nous ferons fouvent obligés de parler des Khalifs. Tous les pays depuis le Maouarennahar jufqu'en Egypte, & à Conftantinople, étoient remplis de Turcs Mahométans. L'Hiftoire de tant de Monarchies particulieres ne peut être puifée que dans les Ecrivains Arabes. J'ai donc traduit la plus grande partie de l'Histoire générale du célebre Aboulfedha, celles de Ben-fchounah, de Diarbekri, de Soyouthi, de Marakeschi, & de plufieurs autres; en un mot, tout ce qu'il y a de curieux en Manufcrits Arabes à la Bibliotheque du Roi, a fervi à la compofition de cet Ouvrage.

La Bibliotheque Orientale du fçavant M. d'Herbelot ne m'a pas été inutile dans cette partie de mon Histoire. C'est l'Ouvrage le plus considérable que nous ayons fur la Littérature Orientale. On regrettera toujours qu'une mort trop prompte n'ait pas permis à l'Auteur de le conduire à fa perfection, & de le publier lui-même ; il eut fans doute réparé plusieurs défauts que nous y remarquons. En lui donnant plus d'étendue, il n'eût pas manqué d'y ajouter une partie effentielle, je veux dire le dépouillement des Hiftoriens Arabes. A l'exception d'un petit nombre, M. d'Herbelot n'a confulté que des Perfans peu inftruits de ce qui fe paffoit en Egypte & en Syrie, fouvent même fabuleux. C'est pour cette raifon que nous ne trouvons rien d'exact ni de détaillé fur les Sulthans d'Iconium, d'Egypte, de Damas & d'Alep.

Outre les incurfions des Huns dans la France, l'Italie & la Germanie, l'Hiftoire des Croifades eft un morceau qui doit intéreffer la Nation Françoise en particulier. Les Ecrivains qui nous l'ont confervée, vivoient dans des tems d'ignorance; ils ont rempli de fables leurs ouvrages. De-là ce mépris que plufieurs Sçavans ont pour ces Hiftoriens. Il fera facile de les rétablir, & de faire voir qu'à quelques circonftances près, circonftances qu'une trop grande crédulité a fait admettre, ils ne font pas contredits par les Arabes. L'Histoire des Turcs fournira des preuves de ce que j'avance. Ce n'eft, pour ainfi dire, qu'avec ces Peuples que les Princes Chrétiens ont eu des démêlés. Confé

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