Imágenes de páginas
PDF
EPUB

quemment nous ferons dans la néceffité de rapporter une grande partie de l'Hiftoire des Croifades. J'y examine par-tout avec attention nos anciens Hiftoriens, tels que Guillaume de Tyr, Jacques de Vitry, Albert d'Aix, & les autres qui ont écrit fur ce fujet. Je les compare avec ceux des Arabes, dont quelques-uns étoient contemporains. Il réfulte de cet examen un détail beaucoup plus exact que celui que nous trouvons dans nos Historiens. Je rectifierai tous ces noms étrangers que nous ne reconnoiffons qu'avec peine; je parlerai des conquêtes de Godefroy de Bouillon, du Comte de Toulouse, de Boëmond, de Tancrede, des Croifades des Allemands & des Lombards, des grandes guerres qu'ils ont eues à foutenir contre les Seljoucides d'Iconium & les Turcs de Syrie. Je rapporterai l'irruption du fameux Barkab-khan & des Kharifmiens, leurs ravages dans la Syrie & la Paleftine, qui ont fait entreprendre à S. Louis le voyage de la Terre-Sainte. Je m'étendrai fur la défaite de ce Prince à Manfoura, fur fa captivité en Egypte, & fur la ruine entiere des François de Syrie les Mameluks. Le Sire de Joinville, quelques par autres Historiens François, & une foule d'Ecrivains Arabes ferviront de bafe à ce récit. Ailleurs je ferai mention des Ambaffadeurs envoyés par S. Louis en Tartarie, & des liaisons des Khans Mogols avec les François.

Le Lecteur appercevra en cet endroit le peu de folidité d'une objection formée par un fçavant Auteur contre l'Ouvrage du Sire de Joinville, que

l'on

l'on effaye de faire paffer pour un Roman compofé dans le quinzieme fiécle. On prétend contre toute vérité, qu'il n'y avoit point alors de Turcs en Egypte. Du tems de S. Louis, les Mameluks Turcs s'y étoient déja rendus les maîtres du Gouvernement, quoiqu'un defcendant de Selah-eddin fût encore fur le trône. Joinville eft en cela trèsexact, & conforme à ce que nous lisons dans Aboulfedha, Ben-fchounah & les autres Ecrivains Arabes.

Enfin les Ruffes, les Polonois & les Hongrois connoîtront plus particuliérement des Peuples qui les ont fouvent vaincus. L'Hiftoire des Khans du Captchaq fe trouvera ici dans un grand détail. Je l'ai puifée d'un côté dans les Ecrivains Mahométans, & dans les Hiftoriens du Nord qui nous font connus ; de l'autre, dans les Annales même des Ruffes, intitulées Stepenna Kniga. Ces Annales écrites en langue Ruffienne, très-respectées dans le pays, font restées manuscrites jusqu'à préfent. M. de Lifle, pendant fon féjour à Petersbourg, en a fait faire un extrait confidérable qu'il m'a communiqué, & dont il m'a permis de faire usage. J'ai tiré de cette fource tout ce que je dis en particulier fur la Ruffie, dont les Grands-Ducs ont été filongtems à la nomination des Tartares. Je donne une nouvelle lifte de ces Grands-Ducs, & je fais voir le peu d'exactitude de celles qui font imprimées. Le détail des expéditions des Tartares jusqu'à la Mer Baltique, dans la Lithuanie, la Pologne & la Hongrie, rendra l'Histoire des Khans du Captchaqun Introd. Tom. I..Part. I.

C

morceau intéressant pour les Peuples du Nord. Mais ce qui doit piquer davantage la curiofité des Hongrois, ce font les recherches que je fais fur leur origine, leur établissement en Pannonie, & fur les premiers fiécles de leur Histoire. Aux Khans du Captchaq je fais fuccéder ceux de Crimée ; j'y joins ce que j'ai pû rassembler sur les Royaumes de Cafan & d'Aftrakhan, qui font des démembremens de l'Empire du Captchaq.

On peut juger par-là de l'étendue de cet Ouvrage, qui tient à l'Hiftoire de la plupart des Nations. de l'Afie & de l'Europe,fur-tout à celles des Romains, des Grecs & des Francs. Quant à la méthode que j'ai obfervée,chaque Livre contient l'Hiftoire d'une Dynaftie : j'ai gardé dans leur arrangement l'ordre chronologique ; & s'il m'eft arrivé de m'en écarter quelquefois, c'eft que j'ai cru ne pas devoir féparer deux familles qui fe font fuccédées dans un même pays, & qui ont eu des liaisons trop étroites pour les défunir.

Comme fouvent il eft inévitable d'examiner en Critique quelques évenemens importans fur lefquels les Hiftoriens ne font pas d'accord, je renvois toutes ces recherches au bas des pages dans des notes particulieres : j'y rapporte les différences que j'ai obfervées dans les Auteurs ; par ce moyen je n'infére dans cet Ouvrage aucun paffage en langue Orientale. Cela n'est propre qu'à rebuter la plupart des Lecteurs. A ces remarques je joins celles que je fuis obligé de faire, pour donner une connoiffance de tous les lieux dont il

eft fait mention dans le corps de l'Hiftoire. Je me contente de citer en marge les Ecrivains qui m'ont fourni les évenemens que je rapporte, afin que ceux qui entendent les Langues Orientales puiffent y avoir recours.

Toujours en garde contre les préjugés de ces Auteurs & contre l'affectation de leur ftyle, j'ofe me flatter de n'expofer rien que d'exact dans ce que je rapporte d'après eux; je n'épargne aucun foin pour faire connoître la vérité, & rendre ma narration intéreffante. La féchereffe des uns l'enflure des autres, & la partialité de tous, font autant d'écueils que je m'efforce d'éviter.

Peut-être ne fera-t-on pas fâché que je faffe connoître ici en peu de mots le caractère de ces Hiftoriens. En général, le Chinois écrit pour former le cœur, pour montrer les devoirs réciproques du Souverain & des Sujets, & pour inspirer l'amour de la patrie. L'Arabe ne paroît avoir d'autre but que de rapporter des faits; avec beaucoup de vivacité il languit & n'intéreffe point; tous les deux font fecs. L'efprit de méthode qui regne chez les Chinois, les porte à dépouiller l'Hiftoire de fes principaux ornemens. L'Empereur a la fienne, de même le Général d'armée, de même l'Homme de Lettres. Toutes ces parties, ainfi divifées, deviennent feches & ennuyeuses, au lieu qu'elles feroient agréables fi elles étoient réunies. Mais le Chinois cherche à être utile, & non à plaire. Il ignore ces belles defcriptions & ces épifodes intéreffans, que nous voyons dans les Auteurs Grecs & Ro

[ocr errors]

mains. Il écrit purement, s'exprime en peu de mots & marque avec foin les tems. L'Arabe au contraire, ou n'eft qu'un fimple Chroniqueur,'& rapporte avec affez de bonne foi chaque évenement à l'année, au mois, & fouvent au jour auquel il est arrivé; telles font les Histoires générales ou il prend le ton d'Orateur; deux pages alors fuffifent à peine pour raconter ce qu'il pour roit renfermer dans quelques lignes : il ne s'attache qu'aux expreffions pompeufes, aux figures les plus élevées, aux grandes phrases bien cadencées, & dont les chûtes terminées uniformément puissent tenir lieu de points, & faire diftinguer le fens. Il s'abandonne à fa paffion, & ne compofe plus qu'une fatyre ou un éloge; c'eft fur-tout le défaut des Hiftoires particulieres. Ce ftyle de panégyrifte & de déclamateur eft auffi celui de la plupart des Hiftoriens Grecs de la Byzantine, & de ceux des Croifades, qui font de plus ignorans, crédules & fuperftitieux. Le Chinois eft véridique lorsqu'il ne parle que de fa Nation, partial lorfqu'il s'agit des Etrangers, qu'il méprise trop, & qu'il ne connoît pas affez.

L'Histoire de la plupart des Nations Orientales eft fi étroitement liée avec celle des Huns & des Tartares, que j'aurois été fouvent obligé de rappor ter en note plufieurs Tables chronologiques des Princes qui ont regné dans les Etats que les Huns ont envahis, ou dans lesquels ils ont fait des courfes. Les Tables de toutes ces différentes Dynasties, dispersées de côtés & d'autres dans un Ouvrage d'une

« AnteriorContinuar »