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AN.1537.

XLVI.

San, marth."

Le quatrième auteur eft Jacques le Fevre d'Etaples, ainfi nommé du nom de fa patrie, Mort de petit bourg fur la mer en Picardie affez près Jacques le de Boulogne, où il étoit né vers l'an 1445 · Fevre d'E- C'étoit un homme d'une très-petite taille & de taples. fort baffe naiffance; mais d'un bon efprit, foulib. 1. elog. tenu de beaucoup d'érudition. Il fit fès études DeThon.hift. dans l'univerfité de Paris, où il fut un de ceux 1.6. n. 17. qui commencerent à chaffer la barbarie qui y & feq. Le Mire regnoit alors, à faire revivre l'étude des lande fcriptor. gues, & à y donner du goût pour les feiences XV. feculi. folides, en s'élevant audeffus des chicanes de Dainibi- l'école. Il travailla d'abord fur la philofophie dem, ut fup. f& Pag. 157. fur les mathematiques, enfuite il s'appliqua Juiv. à la theologie, & fut reçû docteur de la faculté de Paris: mais s'étant rendu fufpect de Lutheranifme, il fut obligé de quitter Paris, & de fe retirer à Meaux dont Guillaume Briçonnet, qui aimoit les sciences & les veritables fçavans étoit évêque. Le Fevre entra d'a bord affez avant dans fa confiance, & fut lié avec Guillaume Farel, Arnaud & Gerard Rouf. fel qui étoient alors dans ce diocese, où ils répandoient les femences de l'herefie de Calvin, qui n'y fructifierent que trop dans la fuite. Le parlement de Paris toûjours zelé pour la faine doctrine, aïant été informé de la feduAtion que ces nouveaux docteurs introduifoient, y envoïa des commiffaires pour tâcher d'arrêrer ce mal. Mais Farel & les autres prirent la fuite, & le Fevre qui avoit auffi raison de crain. dre pour lui-même, les imita, & fe rcti ra à Blois d'abord, & enfuite en Guyenne. Pendant ce tems-là la faculté de Paris le dégrada de fa qualité de docteur, & ne voulut plus le reconnoître pour un de fes membres. D'un autre côté le parlement voulut pro ceder contre lui, quoiqu'absent ; mais François I.

qui étoit alors prifonnier à Madrid, empê- AN.1537 cha ces poursuites & défendit qu'on fit aucune procedure contre le Fevre, jusqu'à ce que lui-même fut de retour de Madrid, & en état d'examiner les accufations intentées contre ce docteur. On croit que le Fevre dut cette grace de François I. aux follicitations de Marguerite reine de Navarre fœur de ce prince : car elle eftimoit le Fevre, & lui donna une retraite à Nerac, où il joüit d'une entiere liberté jusqu'à sa mort, qui arriva cette année 1537. il étoit dans un âge fort avancé.

Circon

ftances de

fa mort.

On dit que le jour de sa mort dînant avec XLVII. la reine Marguerite & quelques autres fçavans, que cette princeffe invitoit fouvent chez elle, il parut trifte pendant le repas, & verfa même Colomiers des larmes. La reine lui aïant demandé la rai- Melanges fon de la trifteffe, il répondit que l'énormité hiftoriq.p. 2. & fuiv. de fes crimes le jettoit dans ce chagrin. Je fuis, Jurien hift. dit-il, âgé de cent-un ans, j'ai toujours vêcu du Calv. & d'une maniere fort chafte, à l'égard des autres das Pap.t. 1. paffions qui précipitent les hommes dans lein 12 p.148. &fmv. defordre, je fens ma confcience affez en repos; mais je compte pour un très-grand crime qu'aïant connu la verité, & l'aïant enfeignée à plufieurs perfonnes qui l'ont fcellée de leur propre fang, j'ai eu la foibleffe de me tenir dans un azile, loin des lieux où les couronnes des martyrs fe diftribuoient. La reine qui étoit fort éloquente le rallura, il fit fon teftament de vive voix, s'alla mettre fur un lit, & y fut trouvé zy mort peu d'heures après. La reine le fit enterrer fort honorablement fous le même marbre qu'elle s'étoit deftinée. Le Fevre laiffa fes livres à Gerard Rouffel, & fes autres biens aux pauvres. Mais on a tout lieu de douter de la verité de ce récit.

Les ouvrages de Jacques le Fevre font 10.

quel.

Lib. 3•

pag.48.8.

quelques traitez de philofophie & de mathemaAN.15 37 XLVIII. tique. 20. Un écrit contre Erasme fon ancien Ses ouvra- ami, qui fe défendit folidement. 3°. Une trages. duction françoife des quatre évangiles, une Erafm.epift verfion latine des épîtres de faint Paul avec des 9:33.5 notes critiques, & un commentaire où il cenSimon hif. fure affez fouvent la verfion vulgate. Il fit de crit. des femblables notes, & un pareil commentaire fur Comment du les évangiles & fur les épîtres des autres apôN.T.ch.34. tres. La traduction françoise fut imprimée à Paris par Simon de Colines en 1523. avec privilege; mais l'auteur n'y mit point fon nom. Quoiqu'il fafle paroître de l'érudition dans fes notes & dans fon commentaire, & qu'il s'éloigne autant qu'il luieft possible de la barbarie des theologiens de fon tems, il paroît néanmoins trèsfoible dans tout cet ouvrage, foit pour l'interpretation, foit pour la latinité. Sous Clement VIII. les inquifiteurs de Rome mirent au nombre des livres défendus fon commentaire sur tout le nouveau teftament, jufqu'à ce qu'il fut corrigé.

XLIX.

Un autre ouvrage de cet auteur, contre leSon traité quel plufieurs s'éleverent, fut fon traité des des trois trois Magdeleines, imprimé à Paris en 1531. Magdelei- dans lequel il avança que la femme pechereffe

nes.

dont faint Luc parle au chapitre septième, Marie-Magdeleine dont il eft fait mention au chapitre huitiéme du même Evangeliste, & Marie fœur de Lazare de laquelle il est parlé au chapitre onzième de faint Jean, font trois femmes differentes. Lorsqu'il publia ce livre au commencement du feiziéme fiecle, les fçavans & les ignorans, les docteurs & le peuple convenoient que Marie foeur de Marthe & de Lazare ne differoit point de la femme pechereffe, dont parle faint Luc, & de celle que JESUSCHRIST avoit délivrée de fept démons. Les hymnes & l'office de fainte Marie-Magdeleine

dans

dans le breviaire Romain, font conformes à ce fentiment: cela n'empêcha pas le Fevre de ANS 37. le combattre ; il fut attaqué par Marc Grandivel chanoine de faint Victor, & par Jean Fifcher évêque de Rochefter. Cette difpute échauffa fort les efprits tant parce que les moindres innovations étoient suspectes aux Catholiques dans ces commencemens de Lutheranifme, que parce que plufieurs n'étoient pas perfuadez de l'ortodoxie de le Fevre. Mais lorfque les animofitez perfonnelles eurent ceffé, on commença de goûter fon fentiment qui eft depuis long-tems le plus commun, & prefqué le feul qui foit fuivi par les bons critiques,

L.

de Paris.

Le premier de Juillet de cette année, la faculté de theologie de Paris cenfura plufieurs Cenfuresde propofitions avancées par frere Martin Pifto- quelques propofiris Dominicain. Ce religieux avoit dit dans festions par la fermons & dans fes difputes, & fur tout dans faculté de fa thefe appellée majeure ordinaire, que faint theologie Matthieu n'avoit point écrit fon évangile en D'Argentré Hebreu, que Dicu ne nous peut recompenfer, collect. jud. fupra condignum; que le fceptre n'a point été de novi erôté de la maifon de Juda; qu'Herode n'avoitoribus to. I. in appendice point été roi; que ce endroit de la Genese dans p. 1o. col. 1. la prophetie de Jacob le fceptre ne fera point' ôté de Juda, n'avoit point été entendu par faint Auguftin, ni par les autres faints doAteurs, outre que ce bachelier en répondant à fa thefe, avoit dit avec arrogance qu'en cette question, il le preferoit à tous les faints Peres & docteurs. En reparation de ces fentimens erronnez 2 on obligea le bachelier à se retracter dans fa these appellée mineure ordinaire, à affurer qu'il s'étoit exprimé avec imprudence, en foutenant de femblables erreurs dans les actes, & à protefter qu'il soutiendroit à l'avenir le contraire; & qu'il ne s'écarteroit

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jamais de la doctrine des faints Peres; ce qu'il AN.15 3.7. fit avec beaucoup de modeftie. Dans le même, tems deux Auguftins nommez Hardi & Morlet, furent repris pour avoir debité quelques propofitions erronées & fcandaleufes dans leurs fermons & un religieux du grand couvent fut obligé à fe retracter, parce qu'il avoit dit que Dieu n'accorde fa gloire à aucun felon fes merites Enfin l'on fit un reglement pour défendre à tous de foutenir aucune propofition condamnée par l'églife & cenfurée par la faculté; & obliger tous les bacheliers & docteurs à dénoncer au doïen ceux qui prêcheroient, enfeigneroient & foutiendroient des herefies manifeftes, afin qu'il y pourvût.

LI.

dans le Da

Pendant que la faculté s'appliquoit ainfi à Luthera reprimer P'erreur, la nouvelle reforme ne laifnifme in, foit pas de faire des progrès confiderables en troduit differens états. Chriftiern III. roi de Dannenemarck. marck, qui avoit été élû à la place de Chriftiern II. fon neveu dès l'an 1535. fut couChytrans Saxon. lib. ronné dans cette année par Jean Bugenhagen 15.an.1537. miniftre Proteftant, en prefence d'Albert, auRamald. trefois grand maître de l'ordre Teutonique, & ¦ hoc an. n. de fon époufe Dorothée fille de Magnus duc 65. de Saxe. Cette ceremonie fe fit le douziéme

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d'Août jour de la naiffance du prince. Luther lui avoit envoïé ce miniftre pour lui infpirer fes erreurs & le fuccès de fa miffion fut fi pernicieux à la foi, qu'il engagea Christiern à introduire le Lutherianifine dans fon roïau. me. Il commença par Coppenhague capitale de fes états, où il avoit été couronné à la maniere des Lutheriens; il chassa tous les évêques, fit emprisonner ceux qu'il put furpren dre, en les faifant declarer rebelles, & fe rendit maître de tout le revenu des églifes, fans toucher néanmoins aux canonicats & aux prebendes

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