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Romains pour qui ces Comedies étoient compofées. L'intrigue de leurs pieces fuppofe les loix & les mœurs Grecques. Mais fi cette raifon fait une objection contre mon fentiment, elle ne fuffit point pour prouver le fentiment oppofé à celui que j'expofe. D'ailleurs je répondrai à l'objection, que Plaute & Terence ont pû fe tromper. Quand ils compoferent leurs pieces, la Comedie étoit à Rome un poëme d'un genre nouveau, & les Grecs avoient déja fait d'excellentes Comedies. Plaute & Terence, qui n'avoient rien dans la Langue Latine qui pût leur fervir de guide, imiterent trop fervilement les Comedies de Menandre & d'autres Poëtes Grecs, & ils jouerent des Grecs devant les Romains. Ceux qui tranfplantent quelqu'Art que ce foit d'un païs étranger dans leur patrie, en fuivent d'abord la pratique de trop près, & ils font la méprise d'imiter chez eux les mêmes originaux que cet Art eft en habitude d'imiter dans les lieux où ils l'ont appris. Mais l'expérience enfeigne bientôt à changer l'objet de l'imitation: auffi les Poëtes Romains ne furent pas long-tems à connoître que leurs Comedies plairoient davantage, s'ils en mettoient la fcene dans Rome, & s'ils y jouoient le

peuple même qui devoit en juger. Ces Poëtes le firent, & la Comedie compo fée dans les mœurs Romaines, fe divifa même en plusieurs efpeces. On fit auffi des Tragedies dans les moeurs Romaines. Horace le plus judicieux des Poëtes fçait beaucoup de gré à ceux de fes compatriotes qui les premiers introduifirent dans feurs Comedies des perfonnages Romains, & qui délivrerent ainfi la scene Latine d'une efpece de tyrannie que des perfonnages étrangers y venoient exer

cer.

Nil intentatum noftri liquere Poëtæ,

Nec minimum meruere decus veftigia Græca
Aufi deferere, & celebrare domeftica facta,
Vel qui Prætextas, vel qui docuere Togatas. (a)

Les Romains, en parlant de leurs Poëfies dramatiques, ont confondu quelque fois le genre avec l'efpece. Je crois néan moins devoir tâcher de débrouiller ici cette confufion, pour faciliter l'intelligence de ce qui me refte encore à dire fur le fujet que je traite actuellement.

La Poefie dramatique des Romains fe divifoit d'abord en trois genres qui fe fubdivifoient en plufieurs efpeces. Ces trois genres étoient, la Tragedie, la Satire & La Comedie.

(a), De Arte Poët

Les Romains avoient des Tragedies de deux efpeces. Ils en avoient dont les mœurs & les personnages étoient Grecs, & ils les appelloient Palliata, parce qu'on fe fervoit des habits des Grecs pour les repréfenter. Les Tragedies dont les mœurs & les personnages étoient Romains, s'appelloient Pratextata ou Pretexta, du nom de l'habit que les perfonnes de condition portoient à Rome. Quoiqu'il ne nous foit demeuré qu'une Tragedie de cette efpece, l'Octavie qui paffe fous le nom de Seneque, nous fçavons néanmoins que les Romains en avoient un grand nombre. Telles étoient Le Brutus qui chafla les Tarquins, & le Decius du Poëte Attius.

La Satire étoit une espece de Paftorale que quelques Auteurs difent avoir tenu le milieu entre la Tragedie & la Comedie. Nous n'en fçavons guéres davan

tage.

La Comedie, ainfi que la Tragedie, fe divifoit premierement en deux efpeces; la Comedie Grecque ou Palliata & la Comedie Romaine ou Togata, par-ce qu'on y introduifoit ordinairement de fimples citoïens dont l'habit étoit le vêtement appellé Toga. Togata fabula dicuntur que fcripta funt fecundùm ritus & habitus

dit

hominum Togatorum id eft Romanorum, Diomede, (a) ancien Auteur qui a écrit quand l'Empire Romain fubfiftoit en

core.

La Comedie Romaine fe fubdivifoit à fon tour en quatre efpeces; la Comedie Togata, proprement dite, la Comedie Tabernaria, les pieces Atellanes & les Mimes.

Les pieces du premier caractere étoient très-férieufes, & l'on y introduifoit même des perfonnages de condition, ce qui les fait appeller quelquefois Pratextatæ. Apud Romanos, dit Diomede, (b) Pratextata, Tabernaria, Attellana, Planipes. Les pieces du fecond caractere étoient des Comedies un peu moins férieuses. Leur nom venoit de Taberna qui fignifioit proprement un lieu de rendez-vous propre à raffembler les perfonnes de conditions differentes qui jouoient un rôle dans ces pieces.

Les Atellanes étoient des pieces telles à peu près que les Comedies Italiennes ordinaires, c'eft-à-dire, dont le dialogue n'eft point écrit. L'Acteur des Atellanes jouoit donc fon rôle d'imagination, & il le brodoit à son plaisir. Tite

(a) De Art. Gram. lib. 3. cap. 4. (b) Ibid. cap. 4.

Live, en faisant l'hiftoire du progrès de la Comedie à Rome, dit que la jeunesse de Rome n'avoit pas voulu que cet amufement devînt un Art. Elle fe l'étoit réfervé. Voilà pourquoi,ajoute-t'il, (a) ceux qui jouent dans les Atellanes, confervent tous les droits des citoïens, & qu'ils fervent même dans les Légions, comme s'ils ne montoient pas fur le théatre. Eo inftitutum manet, ut Actores Atellanarum nec tribu moveantur, & ftipendia tanquam exportas artic Ludicus faciant. Feftus dit que les fpectateurs n'avoient pas le droit de les faire démafquer, comme ils pouvoient faire démafquer les autres Comediens. On fçait bien qu'ils n'en étoient pas quitte quelquefois pour s'ôter le mafque. Atellani jus habent perfonam non ponere. Tous ces Comediens jouoient chauffez avec cette espece de fouliers particuliers qu'on appelloit Soque. Le Cothurne étoit la chauffure de ceux qui joiioient les Tragedies.

Les Mimes reffembloient à nos farces, & leurs Acteurs jouoient déchauffez. Combien, dit Seneque, trouve-t'on de fentences dans les Poëtes dont des Philofophes pourroient fe faire honneur? Je he parle point des Tragedies ni même des

(a) Lib. 7.

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