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d'une hiftoire étrangere,d'autant plus que nous n'avons pas le foin de perpétuer le fouvenir des jours heureux à la nation par des fêtes & par des jeux anniversaires, ni celui d'éternifer la mémoire de nos He

ros, ainfi que le pratiquoient les Grecs & les Romains. Combien peu y en a-t'il parmi nous qui s'affectionnent aux évenemens arrivez fous Clovis & fous la premiere race de nos Rois. Pour rencontrer dans notre Histoire un fujet qui nous intereffe vivement, je ne crois pas qu'il fallût remonter plus haut que Charles VII.

Il eft vrai que les raifons que nous avons alleguées pour montrer qu'on ne devoit point prendre une action trop récente pour le fujet d'une Tragedie, prouvent auffi qu'une action trop récente ne doit pas être le fujet d'un poëme Epique. Que le Poëte choififfe donc fon fujet en des tems qui foient à une distance convenable de fon fiécle, c'est-à-dire, en des tems que nous n'aïons pas encore perdus de vûë, & qui foient cependant affez éloignez de nous pour qu'il puiffe donner aux caracteres la nobleffe néceffaire, fans qu'elle foit expofée à être démentie par une traduction encore trop récente & trop commune.

Quand bien même il feroit vrai que nos mœurs, nos combats, nos fêtes, nos céremonies & notre Religion ne fourniroient point aux Poëtes une matiere aussi heureufe que celle que fourniffoit à Virgile le fujet qu'il a traité, il ne feroit pas moins néceffaire d'emprunter de notre hiftoire les fujets des poemes Epiques. Ce feroit un inconvenient, mais il en épargneroit un plus grand, le défaut d'interêt particulier. Mais la chofe n'eft pas ainfi. La pompe d'un carousel & les évenemens d'un tournois, font des fujets plus magnifiques par eux-mêmes que les jeux qui fe firent au tombeau d'Anchife & dont Virgile fçait faire une fpectacle fi fuperbe ? Quelles peintures ce Poëte n'auroit-il pas faites des effets de la poudre à canon dans les differentes operations de guerre dont elle est le reffort. Les miracles de notre Religion ont un merveilleux qui n'eft pas dans les fables du Paganisme. Qu'on voie avec quel fuccès Corneille les a traitez dans Polieucte, & Racine dans Athalie. Si l'on reprend Sannazar, l'Ariofte & d'autres Poëtes, d'avoir mêlé mal à propos la Religion chrétienne dans leurs poemes, c'eft qu'ils n'en ont point parlé avec la dignité & la décence qu'elle exige; c'eft qu'ils ont allié

les fables du Paganisme aux veritez de notre Religion. C'eft qu'ils font, comme dit Defpreaux, follement idolâtres en des sujets chrétiens. On les blâme de n'avoir pas fenti qu'il étoit contre la raifon, pour ne rien dire de plus fort, de se permettre en parlant de notre Religion, la même liberté que Virgile pouvoit prendre, en parlant de la fienne. Que ceux qui ne voudroient pas faire le choix du fujet d'un poëme Epique, tel que je le propofe, alleguent donc leur véritable excufe; c'eft que le fecours de la Poëfie des Anciens leur étant néceffaire, pour rendre leur verve féconde, ils aiment mieux traiter les mêmes fujets que les Poëtes Grecs & les Poëtes Latins ont traitez, que des fujets modernes où ils ne pourroient pas s'aider auffi facilement de la Poëfie du ftile & de l'invention des premiers. Nous dirons encore quelque chofe dans la fuite fur ce fujet-là

SECTION

XXIV.

Des actions allégoriques & des perfonnages allégoriques par rapport à la Peinture.

O TRE matiere nous conduit natu→ rellement à traiter ici des compofitions & des perfonnages allégoriques, foit en Poëfie, foit en Peinture. Parlons d'abord des Allégories Pittorefques.

La compofition allégorique eft de deux efpeces. Ou le Peintre introduit des perfonnages allégoriques dans une compofition hiftorique, c'eft-à-dire, dans la représentation d'une action qu'on croit être arrivée réellement, comme eft le facrifice d'Iphigenie, & c'eft ce qu'on appelle faire une compofition mixte : Ou le Peintre imagine ce qu'on appelle une compofition purement allégorique, c'està-dire, qu'il invente une action qu'on fçait bien n'être jamais arrivée réellement, mais de laquelle il fe fert comme d'une emblême, pour exprimer un évenement véritable. Avant que de nous étendre davantage fur ce fujet, parlons des perfonnages allégoriques..

Les perfonnages allégoriques font des êtres qui n'exiftent point, mais que l'imagination des Peintres a concus, & qu'elle a enfantez en leur donnant un nom, un corps & des attributs. C'est ainfi que les Peintres ont perfonifié les vertus, les vices, les roïaumes, les provinces, les villes, les faifons, les paffions, les vents & les fleuves. La France représentée fous une figure de femme; le Tibre représenté fous une figure d'homme couché; & la Calomnie fous une figure de Satire, font des perfonnages allégoriques.

Ces perfonnages allégoriques font de deux efpeces. Les uns font nez depuis plufieurs années. Depuis long-tems ils ont fait fortune. Ils fe font montrez fur tant de théatres, que tout homme un peu lettré les reconnoît d'abord à leurs attributs. La France représentée par une fem me la couronne fermée en tête, le Sceptre à la main & couverte d'un manteau bleu femé de fleurs de lys d'or: le Tibre représenté par une figure d'homme couché, aïant à fes pieds une Louve qui allaite deux enfans, font des perfonnages allégoriques inventez depuis long-tems, & que tout le monde reconnoît pour ce qu'ils font. Ils ont acquis, pour ainfi dire,

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