khan, illuftrer fon regne par les Armes, par les Sciences, & par Apr. J. C. des Ouvrages publics. Jufqu'alors les Mogols n'avoient eftimé L'an 1265. que les gens de guerre, & ils avoient eu peu de Magiftrats. KublaiUn Miniftre qui portoit le titre de Targoudgi (a) étoit chargé des Sceaux, & avoit une grande autorité fur tous les autres. Kublai ordonna à Lieou-ping-tchong & à Hiu-heng de faire de nouveaux Réglemens fur le nombre, l'ordre, l'autorité & les apointemens des Magiftrats, fur les divers Tribunaux des Miniftres & des Cenfeurs de l'Empire, fur les cérémonies, fur les ouvrages publics, fur la guerre, fur la punition des Criminels, fur les Officiers d'armée, & fur ceux qui étoient chargés de fervir dans le Palais, fur le tribunal des Mathématiques, & enfin fur le Commerce & fur les Manufactures. Il fit examiner l'état des peuples, la mifere publique, & ce que chaque pays pouvoit produire. Un Mathé maticien Perfan nommé Dgemaleddin, fut chargé de faire, pour l'ufage de la Cour, un traité d'Aftronomie & des inftrumens de Mathématique; un Européen nommé Gaifue eut foin de ce qui regardoit la Médecine; plufieurs Sçavans du pays d'Igour, du Maouarennahar & de la Perfe, eurent.or dre de traduire en langue Chinoise quantité de Livres de leur pays; & ce grand Prince forma des plus habiles Docteurs, une Académie que l'on appella Han-lin. Plufieurs de cette Académie qui fubfifte encore, étoient chargés de compofer l'Hiftoire de l'Empire. Ouang-ou, homme d'une probité, d'une capacité & d'une prudence reconnues en étoit le Préfident. Ce Sçavant fournit d'excellens Mémoires fur l'Hiftoire des Niu-tché & des Khitans; il travailla fur les Livres Claffiques des Chinois, & fit un Recueil des Edits Impériaux. Kublai fit encore venir à fa Cour un Seigneur Tibétan nommé Pasepa (b), qu'il déclara Chef de tous les Lamas, & à qui il donna le titre de Docteur & de Maî tre de l'Empire & de l'Empereur. On divifa la Chine en dix Départemens, on nomma partout des Magiftrats, on forma un Tribunal de dix Seigneurs, chargés des affaires dans le Tibet; depuis dix fiécles ses an L'an 1260. Kublaikhan. qui concernoient ces Départemens. Kublai voulut que le Apr. J. C. Président de chaque Tribunal fût un Mogol, il prit comme les Empereurs de la Chine des noms d'années (4), & ordonna que cette année 1260 fût la premiere de fon regne. Il envoya Hao-king à la Cour des Song pour y annoncer fon avenement à l'Empire, & demander la conclufion du traité fait avec Kia-fe-tao; mais ce Miniftre qui l'avoit conclu à l'infçu de l'Empereur de la Chine, fit mettre en prison Hao-king, & empêcha que l'Empereur en fût inftruit. La conduite de Kia-fe-tao multiplia les ennemis de fon Maître, & quelques Généraux Chinois, entre autres Lieou-tching qui commandoit les troupes de Lou-tcheou dans le Se-tchuen, se retirerent chez les Mogols, qui par-là furent en état de remporter plufieurs avantages dans cette Province. L'an 1261. Comme les troubles continuoient toujours dans la Tartarie, Kublai fe détermina à marcher lui-même contre fon frere Arighbouga, il le défit auprès du lac Simoutou, & reprit Caracorom; mais Arighbouga, qui étoit enveloppé de tous côtés, fe fit jour à travers les ennemis, & fe fauva dans L' 1262. le Nord. D'autres révoltes étoient prêtes d'éclore dans le Midi. Depuis que Kublai étoit fur le trône, Litan commandant des troupes Mogoles dans le Chantong & dans les pays voifins du Kiang-nan, fongeoit depuis long-tems à fe rendre aux Chinois; il éclatta cette année; après avoir fait revenir de la Cour fon fils, il liyra toutes fes places aux troupes de l'Empereur de la Chine, & fe mit à la tête d'une armée, avec laquelle il fit des conquêtes fur les Mogols on découvrit à la Cour un Miniftre qui étoit d'intelli gence avec le rebelle. Kublai ordonna à fes Généraux Apitché & Chetientché, foutenus par Tchang-hong-fan, fils du brave Tchang-jao, d'aller inveftir Litan dans Tinan-fou. Ils firent d'abord élever un mur de terre, derriere lequel ils mirent en embufcade des Cuiraffiers; enfuite ils ferent un foffé large & profond, & ouvrirent la Orien tale de ce retranchement. Litan s'approcha pour l'attaquer fit passer à une partie de fes troupes le foffé, & parvint juf : (4) Tchong-tong fut celui de cette année 1260. qui eft la cinquante-fep porte reu tieme du Cycle Chinois, & celle du Re nard du Cycle Tartar : L'an 1262. qu'à la porte de ce retranchement, une partie voulut monter à l'efcalade; mais les foldats qui étoient en embuscade Apr. J. C. les ayant furprifes, elles furent mifes en déroute, & Litan Kublairentra avec peine dans la ville, où il attendit inutilement les khan, troupes que les Chinois envoyoient à fon fecours; celles-ci n'oferent s'approcher du Chantong, & fe contenterent d'envoyer quelques fommes (a). Pendant ce tems-là les Mogols inveftirent de toutes parts Tfinan-fou la mifere devint fi grande dans cette ville, qu'on fut obligé de faler la chair humaine pour la manger; privé de toute efpérance de fecours, Litan tua fa femme & fes concubines, & fe précipita enfuite dans un lac, où les Mogols le trouverent encore en vie. Chetientché le tua de fa propre main, & entra dans Tfinan-fou; les autres villes furent également reprises. Malgré ces hoftilités, la paix n'étoit pas encore rom pue avec les Chinois, les Miniftres exhortoient Kublai à raffembler toutes les armées; mais ce Prince leur répondit par un manifeste dans lequel il fe plaignoit de la mauvaise-for de l'Empereur de la Chine, qu'il attendoit le fuccès des négociations de Hao-king, il feignoit de ne pas fçavoir que ce Ministre avoit été arrêté,& il vouloit engager par-là les Chinois à faire la paix. Il ne laiffa pas cependant de nommer Atchou pour commander l'armée qu'il avoit deffein d'envoyer dans le Midi, máis cette armée ne marcha pas fur le champ, & Kublai fut alors occupé à mettre le calme dans fa Cour. Les plus grands Princes ne font pas exempts de défauts; celui de Kublai étoit d'aimer tellement l'argent, que les plus mauvais Miniftres paroiffoient toujours innocens à fes yeux, lorfqu'ils fçavoient trouver le moyen de lui en fournir, & il n'écoutoit pas avec plaifir les plaintes qu'on lui portoit fur leur conduite. Un Arabe nommé Ahama (b), chargé des douanes de l'Empire, étoit un de ceux qui abufoient le plus de la foibleffe de ce Prince, pour s'enrichir par toutes fortes de voyes illicites, à la faveur de plufieurs projets qu'il propofoit, & qui tendoient à ne rendre compte de fa conduite qu'au Grand-Khan. Les Miniftres Chinois qui (a) Cinquante mille taëls, ou deux (6) Peut-être Ahmed, sens cinquante mille livres.. t Apr. J. C. L'an 1262. Kublaikhan, L'an 1263. étoient attachés au fervice de ce Prince (a), s'oppoferent avec tant de force à cette innovation, en faifant voir que la recette des Douanes devoit être de leur département, que Kublai fe rendit à leur avis. Ahama qui ne chercha qu'à fe venger de ces Miniftres Chinois par toutes fortes de rufes, fournit des fommes confidérables au Grand-Khan, auquel il fit entendre qu'elles étoient le fruit de fa bonne administration, & il fe plaignit aux Seigneurs Mogols de ce que les Chinois avoient tant de crédit à la Cour. Mais Yao-chou & Hiu-heng, deux de ces Miniftres qui avoient plus d'efprit & d'adreffe qu'Ahama, faifoient connoître toutes fes fourberies & fes vols. Ahama eut alors le chagrin de voir Yao-chou déclaré premier Miniftre (b). C'étoit le choix le plus avantageux que ce Prince pût faire pour le bien de fon Empire qu'il vouloit rendre floriffant. Les Mogols ne connoiffoient encore que les armes & les chevaux, Kublai lui-même voyoit avec une espece de honte la différence qu'il y avoit entre les Princes de fa Nation & les Chinois, & les Occidentaux qui étoient en grand nombre à fa Cour, tous fort habiles dans les Sciences. Yao-chou qui étoit lui-même un des plus fçavans hommes qu'il y ait eu dans la Chine, faifit cette occafion pour repréfenter au Prince la néceffité de fonder dans toutes les Provinces de fon Empire des Colléges & des Académies afin d'y former la jeuneffe aux Sciences, aux Arts & aux bonnes mœurs. Kublai entrant dans les vûes du Ministre, com、 mença par apporter tous fes foins pour l'éducation des Prin ces fes enfans, & promit de fonger aux établissemens qui lui étoient propofés. Un Sçavant nommé Tchao-pi, avoit déja traduit en langue Mogole une partie des Livres Claffiques des Chinois; Hiu-heng, un abrégé de l'Hiftoire & de la Chronologie Chinoife; & Kublai qui donnoit ces Livres à apprendre aux Mogols, ne dédaignoit pas de les interroger lui-même. Enfuite, à l'exemple des Empereurs Chinois, il fit bâtir en l'honneur de fes Ancêtres un Palais magnifique, & y alla en perfonne pour leur rendre fes (a) Teou-me, Yao-chou, Hiu-heng, (b) A la premiere lune. Licou-ping-tchong,& Tchang-ven-kien, devoirs L'an 1263. devoirs. C'est une loi chez les Chinois d'avoir un respect infini pour la mémoire de leurs Ancêtres, & pour leur fépulture; Apr. J. C. ils s'y rendent prefque tous les jours. Les Empereurs eux- Kublaimêmes ne font pas exempts de ce devoir, & l'obfervation de khan. ces fortes de cérémonies fait partie des Loix de l'Empire. Dans la falle que Kublai fit bâtir, il y avoit les tablettes ou représentations d'Yefoukai, "de Genghizkhan, d'Oktai, de Touschi, de Zagatai, de Touli, de Gaïouk & de Mangou; il ordonna en même-tems que les Bonzes de Fo (a) ou les Lamas récitaffent des prieres pendant fept jours & fept nuits, & cela s'eft toujours pratiqué depuis, quoique les Chinois s'y foient oppofés fortement. Pendant ce tems-là, les fujets de l'Empereur de la Chine & les Mogols vivoient affez paisiblement ensemble, & faifoient entre eux à Siang-yang & à Fan-tching dans le Hou-kouang un commerce confidérable, que l'avarice de Luventé, Gouverneur de cette Province pour les Chinois, fit perdre. Lieou-tching qui commandoit dans Kouei-tcheou pour les Mogols, propofa d'établir auprès de ces deux villes des Douanes qui devoient être très-avantageufes au Gouverneur Chinois, & elles le furent en effet fi confidérablement, que Luventé, ne fongeant qu'au profit qui lui en revenoit, négligea toutes les précautions que la prudence devoit lui faire prendre en pareille occafion. Les Mogols qui n'avoient d'autre deffein que de lui tendre un piége, firent de grands magafins qu'ils environnerent de bonnes murailles; ensuite, fous prétexte de fe garantir contre les infultes des voleurs, ils y firent entrer des troupes. Bientôt ces magasins devinrent des fortereffes, dont les garnisons incommoderent beaucoup les villes de Siang-yang & de Fantching, que , que les Mogols avoient deffein de furprendre; mais l'occafion ne s'en étoit pas encore préfentée. La Cour n'étoit occupée pendant ce ce tems-là que des intrigues d'Ahama, qui parvint enfin à ne plus dépendre que du Grand- L'an 12649 Khan pour l'adminiftration des finances & des douanes. D'un autre côté, Arighbouga & tous les Chefs de fon parti (a) Sous ce nom peuvent être com- nombre à la cour de ce Prince. pris les Chrétiens qui étoient en grand Tom. III. T |