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L'an 1307. Timourkhan,

pas

vant par les Chefs; mais l'oppofition de quelques Miniftres Apr. J. C. fit diffiper leurs projets. Alaafun, en qualité de premier Miniftre, s'empara du fceau des Tribunaux, fit fermer le tréfor où étoient renfermés les ornemens Impériaux, & feignit d'être malade, pour ne point obéir aux ordres réitérés, & même aux menaces de la Régente. Il avoit fait écrire pendant ce tems-là au Prince Caifchan, & à fon frere Aldgiaptou (a). Ce dernier, par le conseil de Limeng, partit auffi-tôt avec sa mere pour Pe-king; Limeng qui n'étoit connu à la Cour s'y rendit auparavant, & fe fit introduire en qualité de Médecin auprès d'Alaafun, avec lequel il prit toutes les mefures pour introduire Aldgiaptou dans la ville. En effet, la Régente apprit avec étonnement que ce Prince faifoit déja fon entrée dans la capitale en habit de deuil, & avec une fuite nombreuse. Les partifans d'Honanta ne furent cependant pas déconcertés, & voulurent profiter des cérémonies du jour de la naiffance d'Aldgiaptou, pour donner le titre de Grand-Khan à Honanta. Alaasun fut même forcé de paroître favorifer ce deffein; mais la nuit même il fit avertir Aldgiaptou, afin de prévenir le complot, & introduifit le Prince Toula dans la capitale à la tête d'un grand corps de troupes. La Régente fut confternée de l'arrivée de cette armée, & Aldgiaptou devenu par-là le plus puissant, fit arrêter Mengheli-timour, Aoutai & les autres partifans d'Honanta qu'il condamna à perdre la tête; mais il différa l'exécution jufqu'à l'arrivée de Caifchan. Il plaça des corps-de-garde en différens endroits, la Régente & Honanta furent comme prifonniers dans leur palais. On pro pofa alors à Aldgiaptoù de fe faire reconnoître GrandKhan; il le refufa conftamment, en difant que le trône appartenoit à fon frere aîné; il s'occupa jour & nuit avec Alaafun à prévenir les défordres, & voulut récompenfer Limeng par de grands poftes; mais celui-ci qui n'avoit aucune ambition, & qui n'aimoit que l'étude & la retraite, se retira de la Cour, & alla vivre en Philofophe dans un endroit inconnu, à l'abri de toutes les révolutions.

(c) Les Chinois le nomment Ayyulipalipata.

part

Apr. J. C.

Timour

khan.

Caifchan que l'on attendoit à la Cour, avoit quitté les monts Altai, & s'étoit rendu à Caracorom, où la plupart an 1307. des troupes dont il étoit adoré, vouloient le proclamer Grand-Khan. Il y reçut un courier de la de fa mere, qui lui propofoit, fur la parole d'un Aftrologue, de céder l'Empire à Aldgiaptou. Après avoir fait partir devant lui un de fes Officiers nommé Toto qui fe rendit à Peking, il prit le chemin de Chang-tou, réfolu de punir ceux qui avoient inspiré à cette Princeffe de pareils fentimens. On'fit publier l'arrivée prochaine de ce Prince, & tous les Grands allerent à Changtou pour le recevoir. Caifchan ne tarda pas d'y arriver à la tête d'un corps de trente mille hommes, & il y fut reçu aux acclamations de tout le peuple. Il combla d'éloges fon frere Aldgiaptou, le remercia de fon zèle, alla voir avec lui fa mere, & fe fit enfuite proclamer Grand-Khan (a). CaifchanIl donna à fon pere & à fa mere le titre d'Empereur & khan, d'Impératrice, & fe rendit enfuite à Pe-king, où il s'acquitta Vou-tsong de fes devoirs envers fes Ancêtres dans une falle où étoient leurs tablettes. Les Chinois fe font beaucoup récriés de ce que l'on avoit manqué dans cette occafion à deux points effentiellement contraires à leurs cérémonies; c'est-à-dire, d'avoir honoré comme Empereurs des Princes qui ne l'avoient pas été, & d'en avoir mis quelques-uns avant les Empereurs; parce que ces Princes, quoique peres ou freres aînés des Empereurs, n'ayant été que des fujets, il ne convenoit de leur rendre que des honneurs qui appartiennent à un fujet. Caifchan fit enfuite mourir Honanta la Régente & leurs partisans, & diftribuer dans tout l'Empire la traduction en langue Mogole d'un Livre de Confucius, intitulé: Hiao-king, qui traite de l'obéiffance filiale. Il exhorta fes fujets à fuivre les maximes contenues dans ce L'an 130đ. Livre, & fit un grand éloge du Philofophe Chinois. Pour reconnoître les fervices d'Aldgiaptou, il lui donna le titre de

Prince héritier.

Le nouveau Grand-Khan étoit un Prince guerrier, équitable, généreux, doux, & protecteur des gens de Lettres;

(4) Les Chinois le nomment Vou-tfong.

Bb üj

ou

L'an 1308.

khan.

mais trop attaché aux Lamas ou Bonzes, au vin & aux Apr. J. C. femmes. En montant fur le trône, fon Miniftre Atchabogha Caifchan- fe jetta à fes pieds, & le fupplia de veiller à fa fanté, en lui représentant que le vin & la débauche lui causeroient la mort. Caifchan approuva le zele de fon Miniftre, & pour lui faire voir qu'il recevoit avec plaisir fes avis, il le fit boire en fa présence. D'autres Miniftres vinrent en corps féliciter ce Prince de ce qu'il avoit un fujet auffi fincere qu'Atchabogha, c'étoit appuyer indirectement les remontrances de ce Miniftre. Mais Caifchan se contenta de les recevoir avec bonté, & ne fe corrigea pas. Les Lamas maltraiterent impunément le peuple, infulterent quelques Officiers publics qui avoient voulu réprimer leur infolence, & furent même affez hardis pour arrêter le chariot d'une Princeffe, afin de paffer devant elle. Les plaintes que l'on porta fur tous ces défordres ne furent point écoutées, & il parut même un Edit par lequel il étoit ordonné de couper le poing à celui qui frapperoit les Lamas, & la langue à celui qui leur diroit des injures. Mais Aldgiaptou fit révoquer cet ordre. Les Historiens n'ont pû s'empêcher de remarquer à cette occafion, que le trop grand crédit accordé aux Lamas perdit les Mogols.

Caifchan fut plus fevere à réprimer un autre abus qui fubfiftoit depuis long-tems dans l'Empire. Les grands Khans avoient fait jufqu'alors des dépenfes confidérables en oiseaux rares, en bijoux, en perles, en pierreries, & autres raretés. Les Marchands étrangers qui étoient chargés de les aller chercher, couroient les provinces, & avoient le pouvoir de prendre par-tout des chevaux de pofte. On défendit de leur en fournir. Caifchan reçut dans le même tems les foumiffions de Tchapar & de quelques autres Princes Mogols, il perdit auffi fon Miniftre Alaafun, qui avoit le département de Caracorom. Ce perfonnage étoit de la horde des Alains, & fes ancêtres avoient été attachés à Genghizkhan. Il s'étoit appliqué à mettre dans le diftrict de fon Gouvernement un ordre & une police, qu'on ne rencontre gueres en Tartarie. Il avoit fait venir de la Chine des pêcheurs habiles, des laboureurs, des ouvriers, des payfans, avoit appris la

pêche aux Tartares qui font le long des lacs & des rivieres, Apr. J. C. avoit fait creufer des canaux pour arrofer les terres & les ren- L'an 1308. dre labourables, femer des grains & du ris, établi des Caifchangre- khan. niers publics, des poftes & des voitures, des escortes d'efpace en efpace avec des vivres pour les voyageurs. Il avoit détruit les bandes de voleurs, récompenfé les pauvres foldats. C'est lui qui avoit le plus contribué à mettre le Prince fur le trône, & il n'avoit pas abufé du crédit que fes fervices lui avoient mérité.

Il n'en étoit pas de même de Toula, Prince brutal, adon- L'an 1309. né au vin, & dont les emportemens pouvoient avoir des fuites fâcheufes pour l'Etat. Quoiqu'il eût également contribué à l'élévation de Caifchan, ce Prince fe vit forcé de le faire mourir. Il s'attacha enfuite à mettre de l'ordre dans les finances, fit fondre de nouvelles piéces, fit de nouveaux billets pour fervir au lieu d'argent, & déclara par un Edit que les terres des Bonzes de Fo & de Tao, jufqu'alors exemptes de toute impofition, feroient fujettes à la taille comme celles du peuple. Il fit mourir vingt-quatre Lamas ou Bonzes, & exiler un fils de Kublai (a) & celui du Prince Toula qui avoient confpiré contre lui. Il termina une dispute qui s'étoit élevée fur le culte du Ciel au jour des deux folftices, & finit fa vie par condamner à mort un Mahométan nommé Arslan, & 18 autres perfonnes accufées injuftement d'avoir voulu fe révolter. C'eft une occafion pour les Chinois de le blâmer d'avoir cru trop légerement la calom- L'an 1371, nie. Caifchan mourut âgé de 31 an (b).

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ou

Aldgiaptou fon frere fut auffi-tôt reconnu grand Khan (c). Aldgiapcommença fon regne par faire mourir ceux des Miniftres tou-khan qui, fous le regne précédent, avoient commis plufieurs injuf- Gin-tong. tices, à la faveur du penchant que Caifchan avoit pour les plaifirs. Il en exila plufieurs autres, & n'épargna pas même les Princes de fon fang. Il fit démolir les ouvrages déja commencés pour la réparation des murailles de l'ancienne ville d'Yen-king, parce qu'ils étoient trop à charge au peuple, & mit à la tête des affaires de nouveaux Officiers

(a) Il étoit appellé Koko. (b) A la premiere lune.

(c) Les Chinois le nomment Gintlong,

L'an 1312. Aldgiaptou-khan.

dont la probité étoit connue. Il fit des réglemeus pour le triApr. J. C. bunal de l'Hiftoire, & tranfporter à Pe-king d'anciens monumens de pierre, faits en forme de tambours, fur lefquels on voit plusieurs infcriptions qui font du tems de l'Empereur Siuen-vang, mort l'an 782 avant J. C. Ces monumens existent encore à Pe-king, & font dépofés dans le Collége L'an 1313. impérial. L'attachement que ce Prince avoit pour les Lettrés le porta à publier un Edit, par lequel il étoit ordonné d'honorer dans la falle de Confucius là mémoire de ceux qui s'étoient le plus diftingués par leurs ouvrages. La Chine feule eft en poffeffion d'honorer par des actes publics la mémoire des grands hommes. C'eft une maniere de récompenfer, honorable au Prince, à la nation, à la famille de ces hommes célebres, & bien capable d'exciter à la vertu & de faire fleurir les Sciences. C'est dans le même dessein que ce Prince fit faire un examen des Lettrés dans tout l'Empire. Un Mahométan, nommé Ilmeddin (a), lui présenta un nouveau Calendrier qui devoit fervir pour dix mille ans. Vers le même tems il eut une guerre à foutenir contre Ifan-bougha (6) Khan du Zagatai, qu'il battit en plusieurs

rencontres.

Pendant un regne fi paisible, Aldgiaptou - khan eut le malheur de voir fon peuple affligé d'une maladie épidémique, d'une famine, d'une féchereffe, de plufieurs inondations, de deux tremblemens de terre; la fuperftition ajoute d'une éclipfe de Soleil, & de l'apparition d'une Comete. Ce grand Prince fit affembler fes Miniftres pour remédier à ces maux, & à ceux dont on paroiffoit encore menacé. Quelques-uns lui propoferent pour modeles les anciens Empereurs, célèbres par leurs vertus; d'autres attribuerent tous ces malheurs au culte de Fo qui étoit autorifé. Le Grand-Khan, dans des écrits qu'il fit publier, déploroit les malheurs de Les sujets, avouoit même qu'ils étoient la punition des fautes qu'il commettoit, & promettoit de fe corriger; mais il ne voulut jamais abolir la Religion de Fo, à laquelle tous les Mogols étoient attachés. Il fit rechercher les gens de

(a) Les Chinois le nomment Alimating.

(b) Les Chinois le nomment IGenpouhoa. Lettres

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