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khan.

thevaux étant encore trop fatigués de la derniere expédition, Apr. J. C il falloit attendre à un autre tems pour porter la guerre chez L'an 1204. les Naimans; mais Daritlai olzingan (a), oncle paternel de GengizTemoudgin, représenta qu'il étoit important de ne pas différer de prendre les armes, & offrit tous les chevaux qu'il avoit pour remonter l'armée : auffi-tôt la guerre fut réfolue, & Temoudgin raffembla toutes fes troupes afin de prévenir les Naimans. Il envoya Zena novian, homme dans lequel il avoit beaucoup de confiance, pour s'informer de l'état & des forces de l'ennemi. Ce Général arrêta un Naiman qu'il conduifit à Temoudgin. On apprit par-là que Tayang khan, après s'être réuni aux Markats, aux Ouirats & aux Dfoigerats, avoit paffé la riviere d'Altai ou de Siba, & qu'il s'avançoit à grandes journées vers les hordes de Temoudgin. Celui-ci ne perdit point de tems, & fe mit en marche, & quelques jours après fes coureurs découvrirent l'armée ennemie. Temoudgin fe rangea en bataille; il donna le commandement de l'aîle droite à fon frere Joudgicafar; celui de l'aîle gauche, à fon fils Toufchi, & il se plaça au centre. Il n'eut pas plutôt attaqué l'ennemi, que Tayang khan bleffé dangereufement, fe retira fur une éminence voisine. Ses Officiers voyant qu'il lui reftoit peu de tems à vivre, revinrent à la charge, réfolus de fe défendre jufqu'à l'extrémité, pour ne pas tomber entre les mains du vainqueur dont ils craignoient les traitemens. Le combat recommença, & il y périt beaucoup de monde. Tayang khan ordonna à fes troupes de fe rendre à Temoudgin, en leur faisant dire qu'il étoit fatisfait des preuves de leur fidélité; mais elles refuferent d'obéir, & elles fe battirent jufqu'à ce qu'il ne reftât plus un foldat. Tayang khan effaya de fe fauver avec fon fils, & le peu de gens qu'il avoit à fa fuite. Il mourut en chemin. Son fils Kefchlouk fe retira auprès de Boiruc autre Khan des Naimans, frere aîné de Tayang.

Après cette grande victoire Temoudgin, comme la faifon L'an 1205 'étoit trop avancée, alla prendre fes quartiers d'hyver; mais il fe remit en campagne au printems fuivant. Tocta begh (a),

(a) On le nomme encore Daritlai bu- (b) Les Chinois le nomment Toto Jai, les Chinois l'appellent Cantchekin,

L'an 1205.

khan.

L'an 1206.

'Aboulfa

Hift. gêné.

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Khan des Markats, s'étoit toujours réuni aux ennemis du Apr. J. C. Khan Mogol; il s'étoit trouvé dans la derniere action avec Genghiz les Naimans, & au commencement de la déroute il s'étoit retiré avec fes gens auprès de Boiruc khan. Temoudgin n'auroit pas regardé cette victoire comme complette, s'il n'eût détruit ce petit Khan: il entra fur fes terres, foumit toute la horde des Markats, & après en avoir tiré un grand nombre d'hommes pour augmenter fes troupes, il alla faire des courses fur les terres du Khan du Tangout ou des Rois de Hia. Il revint enfuite dans fes Etats, où un grand nombre de hordes fe foumirent à lui: alors tous leurs Chefs & les Généraux de fes armées tinrent une grande affemblée à la fource du fleuve Onon, dans le pays de Naumancoura. On radge. fit paroître un certain Khodgia, fils de Menglik iska, qui des Tatars. fe difoit infpiré; le rang qu'il tenoit parmi les Mogols, & l'austérité avec laquelle il vivoit en impoferent; il étoit er rant dans les deferts & les montagnes, & tout nud au milieu même des plus grands froids de l'hyver. Il dit à cette affemblée que Dieu lui avoit apparu, & qu'il venoit de fa part annoncer, qu'il avoit donné la terre à Temoudgin, qu'il vouloit qu'on le nommât dorefnavant Dgenghiz-khan, & que tous ceux de fa poftérité feroient Khans. Ce ftratagême réuffit, perfonne ne s'oppofa à l'élévation de Temoudgin. Toutes les troupes affemblées, & divifées en neuf corps fous autant de pavillons différens, donnerent à Temoudgin le titre de Dgenghizkhan, c'eft-à-dire, le très-grand Khan (a). Temoudgin, que nous n'appellerons plus déformais que Genghizkhan, déclara Mokli gouïanc (b) & Portchou fes deux grands Généraux & fes premiers Miniftres.

L'an 1207.

Les Naimans qui avoient à leur tête leur Khan Boiruc; Aboulfedha avoient refufé jufqu'alors de fe foumettre à Genghizkhan; & Boiruc étoit lié avec tous les ennemis de ce Prince, dont

Gaubil.

(a) L'Auteur de l'Hiftoire généalogique des Tatars, qui mérite d'etre crû, puifque c'étoit fa langue, dit que Dgin en langue Mogole veut dire grand, & que Ghiz eft la marque du fuperlatif. Les Hiftoriens Chinois qui écrivent Tching-ki-fe, difent que ce mot eft le

cri d'un oifeau fabuleux.

(b) Les Chinois le nomment Moholi Le furnom de Gouïanc eft apparemment une altération du mot Chinois Ouang, c'eft-à-dire Roi, titre que Genghizkhan lui donne,

L'an 1207.

des Tatars

il s'efforçoit d'augmenter le nombre. Genghizkhan marcha avec ses troupes vers le campement de Boiruc; il apprit là Apr. J. C. que ce Khan étoit allé faire une grande chaffe ; il le fit fui- Genghiavre, Boiruc fut pris, & eut la tête tranchée. Un des gens khan. de Boiruc en donna auffi-tôt avis à Kefchlouk, fils de Hi géné. Tayang khan & au refte de fa famille; tous prirent la fuite, Nifawi. & fe retirerent vers la riviere d'Irtisch, où ils s'établirent, & y formerent un puiffant parti qui étoit foutenu par Toc tabegh, Khan des Merkites. Genghizkhan emmena tous les L'an 12084 prifonniers & fon butin dans fes Etats, & fe rendit au printems fuivant à la tête de fes troupes vers la riviere d'Irtifch. Les Dfoigerats, dont le Chef étoit appellé Conacabegh, & les Carliks (a) qui avoient pour chef Arflan, n'ofant s'opposer aux forces de Genghizkhan, fe foumirent à ce Prince, & le conduifirent vers les habitations de Kefchlouk & de Tocabegh. Ceux-ci informés de fa marche, avoient déja pris la fuite. Toctabegh fut rejoint & fait prifonnier, Genghizkhan le tua de fa propre main; Kufchlouk fe réfugia auprès de Gourkhan (b), qui regnoit dans le Carakhatai, c'est-à-dire, dans le pays de Kafchgar. Ce Gourkhan; qui étoit de la nation des anciens Khitans, le reçut fous fa protection, & lui donna fa fille en mariage. Dans la fuite Keschlouk 'devint fon plus grand ennemi, & caufa la ruine de l'Empire des Carakhitans (c).

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des Tatars,

Genghizkhan devenu maître de tant de hordes, fongea à Hift. géné. foumettre celles qui reftoient. Il envoya des Ambassadeurs nommés Altai & Taramifch, vers les Kergis, pour les fommer de le reconnoître en qualité de grand Khan. Uruss inal Chef des Kergis, qui n'étoit pas affez puiffant pour réfifter à ce Prince, fut obligé d'obéir; il dépêcha un de fes Officiers vers Genghizkhan, pour lui prêter ferment de fidélité, & lui porter en même tems des préfens, parmi lesquels il y avoit un oifeau appellé Schonkar; cet oiseau qui eft rare, eft tout blanc, à l'exception des pattes, du bec & des yeux

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qui font d'un beau rouge. Les Dfoigerats fuivirent l'exemApr. J. C. L'an 1208, ple des Kergis; & comme Gemouka, depuis fa défaite Genghiz- s'étoit retiré chez eux, ils l'envoyerent à Genghizkhan

khan.

L'an 1209.
Gaubil.

des Tatars.

qui

le fit expirer dans les tourmens les plus cruels, en lui faisant arracher les membres les uns après les autres. C'étoit le fort que Gemouka vouloit faire fubir à Genghizkhan, fi ce dernier eût été vaincu. Par-là plufieurs hordes, qui n'étoient pas encore soumises, se déclarerent en faveur de Genghiz◄

khan.

Les Igours (a) étoient alors une nation nombreuse, qui avoit un Khan particulier ; il portoit le titre d'Idikout (b) Hift. géné. & il s'appelloit Banerzik. Ce Prince s'étoit mis auparavant fous la protection de Gourkhan, Empereur des Karakhitans ou des Leao Occidentaux. Gourkhan avoit envoyé un de ses Officiers, nommé Schouakom, pour s'informer de l'état, des forces & du pays des Igours, & y exercer une certaine autorité. Les Igours s'oppoferent à cette nouveauté, & réfolurent de fecouer le joug. Idikout leur Prince fit tuer l'Officier, & étant inftruit que Genghizkhan recevoit avec bonté tous ceux qui imploroient fa clémence, il lui envoya des Ambaffadeurs pour lui offrir de fe mettre, lui & fes fu jets, fous fon obéiffance, & pour lui demander sa fa protection contre les entreprises de Gourkhan. Genghizkhan répondit fuivant les vûes d'Idikout. Alors celui-ci fe rendit en perfonne auprès du Khan Mogol avec de riches présens, & le fupplia de le recevoir au nombre de fes fils. Genghiz khan lui donna une de fes filles en mariage. Idikout lui fut toujours très-attaché dans la fuite, & devint un de ses meil leurs Généraux.

Rabruquis.

Les Igours (c) ont été de tout tems célebres dans la Tartarie, & ils ont cultivé les Sciences & les Arts. C'eft d'eux que les autres Tartares ont pris leurs lettres & leur alphabet. Ils écrivoient à la maniere des Chinois, du haut en bas. Quoiqu'ils foient de la même religion que les autres Tartares,

(a) Les Chinois les nomment Ouei-
Qu-ulh.

(b) Les Chinois l'appellent Itouhou,
lui donnent le nom de Partchou-kor-

te-teghin. Idikout fignifie Envoyé de l'Efprit.

(c) Plan Carpin les appelle Huires.

1.

L'an 1209.

khan.

ils font cependant d'une fecte différente. Leurs Prêtres ou leurs Lamas, ont la tête & la barbe rafées, font vê- Apr. J. C. tus de jaune, font vou de chafteté, & ont des efpeces Genghis de Couvens, dans lefquels ils font raffemblés au nombre de plus de cent. Lorsqu'ils font leurs prieres ils fe tournent du côté du Nord, en frappant des mains, mettant enfuite un genou en terre, & la main fur le front. Leurs temples s'étendent en longueur de l'Orient à l'Occident; vers le Nord eft une chambre, ou chapelle, qui s'avance en-dehors, Lorfque le temple eft quarré, ils placent cette chapelle au milieu vers le Nord. Ils y ont une efpece d'autel, derriere lequel on voit leur principale Idole, environnée de plufieurs autres qui font peintes & dorées. Ils placent fur cet autel des cierges & des offrandes. Toutes les portes de ces temples regardent le Midi. Lorfque les Lamas s'y rendent, ils fe placent fur des bancs qui font vis-à-vis le chocur; ils ont un livre à la main, & leur tête eft découverte pendant tout le tems qu'ils font au temple. Ils lifent tout bas, gardent un profond filence, portent toujours un chapelet, & ne ceffent de proférer ces paroles en prenant un des grains, Ou-mam-hactavi, c'est-à-dire, Seigneur, tu le connois. Ils ont tous des mîtres de carton fur la tête, font habillés d'une tunique jaune affez étroite, qu'ils ferrent avec une ceinture, & par-deffus ils ont un manteau. Autour de leurs temples il y a toujours un grand & beau parvis, environné d'une bonne muraille. La principale porte eft fort grande, & ils s'y affemblent pour converfer entre eux. Au-deffus de cette porte ils attachent une grande perche qui peut être vûe de toute la ville, & qui fert à faire voir que c'eft-là un temple. Ils ont comme nous des cloches qui font affez groffes.

Outre ces Lamas qui font les Prêtres de la Religion du Rubruquis. pays, c'est-à-dire, de Fo, il y avoit alors beaucoup de Mahométans & de Chrétiens Neftoriens; mais ceux-ci, dit Rubruquis, font fi ignorans, qu'ils n'entendent pas même la langue Syriaque, dans laquelle leurs Livres font écrits ; ils font encore très-corrompus, grands ufuriers, ivrognes, quelques-uns même, à l'exemple des Tartares, ont plufieurs

Tom. III.

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