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L'an 1209.

Genghizkhan.

femmes, & ont adopté certaines pratiques que les Mufulmans Apr. J. C. obfervent, telles que les ablutions; comme eux ils célèbrent le Vendredi au lieu du Dimanche. Leur Evêque vient à peine en cinquante ans une fois dans ces pays; alors il donne la Prêtrife à tous les enfans mâles, même à ceux qui font encore au berceau, par ce moyen la plûpart des hommes font Prêtres. Cette conduite des Neftoriens répandus dans toute la Tartarie n'infpiroit alors que de l'averfion pour le Chriftianisme, & la vie des Mogols & des Lamas étoit plus réguliere.

Gaubil.

Par la foumiffion de cette Nation, Genghizkhan devint maître d'une très-grande partie de la Tartarie; il ne lui reftoit plus à réduire fous fon obéiffance du côté de l'Occident. que les Carakhitans qui étoient établis dans le pays de Kafchgar; & au Midi le Royaume de Hia ou de Tangout, dont les Princes poffédoient plusieurs cantons de la Chine. Ce fut contre ces derniers qu'il tourna alors fes armes. Il entra pour la premiere fois dans la Chine, s'approcha de la grande muraille, fe rendit maître de plufieurs poftes qui font fitués à l'occident de Ning-hia, prit la ville de Lingtcheou, & fe disposa à faire le fiége de Ning-hia, résidence ordinaire du Roi de Tangout. Mais ce Prince appellé Li-gantfuen, prévint ces malheurs en fe déclarant tributaire des Mogols, & en donnant à Genghizkhan une de ses filles en mariage.

Avant que Genghizkhan fut parvenu à ce haut degré de puiffance où nous le voyons, les Mogols avoient été tributaires des Tartares Niu-tché ou Kin, maîtres alors de la Tartarie Orientale & des Provinces Septentrionales de la Chine. Autrefois Tchang-tçung, Empereur de ces Niu-tché, avoit envoyé un Prince de fa famille nommé Yun-tfi à Coujouhotun (a) en Tartarie, pour y recevoir le tribut annuel des Tartares. Yun-tfi avoit alors employé tout fon crédit pour faire périr Genghizkhan; mais l'Empereur des Niu-tché n'avoit jamais voulu y consentir. Yun-tfi (b) fuccéda à Tchang-tçung, & fit fommer les Mogols de payer le tribut. Genghizkhan

(a) En Chinois Thing-tcheou.
(b) Les Arabes le nomment Altoun
khan. Altoun répond au mot Chinois

kin, & fignifie de l'or; ainfi Altoun khan veut dire le Khan des Kin.

khan.

1209.

qui étoit devenu trop puiffant pour s'y foumettre, répondit qu'il étoit Souverain dans fes Etats, & qu'il ne reconnoî- Apr. J. C. troit jamais Yun-tfi pour fon Maître; il ajoûta par raillerie Genghizque les Chinois qui devoient toujours avoir pour Empereur le fils du Ciel, n'avoient pû faire choix même d'un homme dans cette occasion. Genghizkhan étoit d'autant plus porté à fecouer ce joug, qu'il ne cherchoit qu'à fe.venger des mauvais deffeins qu'Yun-tfi avoit eu autrefois fur lui; ce Monarque vouloit encore le faire arrêter, & quelque tems auparavant les Niu-tché avoient fait périr Tching-pou-hai, un des Chefs des Mogols de la maifon de Genghizkhan. Tant de motifs déterminerent ce Prince à marcher vers le Kerlon, pour y rassembler une armée formidable, compofée de tout ce qu'il avoit de plus braves en Généraux & en foldats. Il ordonna aux Généraux Tchepe-novian (a) & Illi- L'an 1210 kohai, de marcher vers les frontieres du Chanfi & du Petcheli pour reconnoître les lieux; cette course se borna à faire quelques pillages, après lefquels ces Généraux revinrent joindre le gros de l'armée.

Quoique les Khitans, après que les Niu-tché les euffent détruits, euffent paffé vers Kaschgar, il en étoit resté encore un très-grand nombre dans les Provinces Orientales, & principalement dans le Leao-tong, qui étoit alors comme le centre de l'Empire des Niu-tché. Il y avoit lieu de craindre que ces Khitans ne fe joigniffent aux Mogols, & Yuntfi qui faifoit tous les préparatifs néceffaires pour s'oppofer à Genghizkhan,crut devoir veiller plus particulierement fur leurs démarches; dans les endroits où il y avoit quelques familles de ces peuples, il envoya un plus grand nombre de celles de Niu-tché. Ces ordres ne fervirent qu'à indifpofer de plus en plus les Khitans, & Genghizkhan fçut en profiter dans la fuite. Yun-tfi mit des garnifons dans tous les poftes qui font le long de la grande muraille, depuis le Caramoran ou le Hoang ho jufqu'au Leao-tong.

Pendant ce tems-là, Arflan Khan des Carlics vint of L'an 1211. frir avec fes troupes fes fervices à Genghizkhan, Idikout

(c) Les Arabes le nomment Dgebé, ou Hubbé novian.

I'an 1211.

khan

Khan des Igours fe rendit auffi auprès de ce Prince afar Apr. J. C. de prendre les mefures néceffaires pour la confervation de fon Genghiz pays. Enfuite Genghizkhan fe mit à la tête de fes armées, & après avoir annoncé publiquement qu'il avoit deffein de porter la guerre dans le Midi, pour fe venger des infultes de Yun-tfi, il décampa des environs du Kerlon. Yun-tfi en apprenant fa marche commença à fe défier de fes propres forces, & fit faire quelques propofitions de paix qui ne furent point acceptées. Tchepe-novian avec l'élite des troupes Mogoles, avoit déja forcé plufieurs poftes de la grande muraille qui font au Nord-oueft & au Nord-eft de Ta-tong-fou; d'autres s'étoient emparés des forteresses situées au nord de la muraille, Genghizkhan qui avoit avec lui le Général Mogli, furprit Pao-gan & Yen-king dans le Pe-tcheli, un autre Général qui étoit Ghebre de religion, força la garnifon de Kou-yong-koan, à trois ou quatre lieues d'Yen king. Le Gouverneur pour les Niu-tché avoit abandonné lâchement, & fans faire la moindre réfiftance, ce pofte important. Genghizkhan défit encore un gros corps de troupes des Niu-tché auprès de Siuen-hoa-fou, & le Général Tchepenovian, après s'être établi dans Kou-yong-koan, fit des courfes jufqu'aux portes de la capitale des Niu-tché. Touchi, Zagatai & Oktai, trois fils de Genghizkhan avec leurs troupes, allerent porter la terreur du côté de l'Orient, pendant que Genghizkhan fuivi de Touli fon quatrieme fils, & de Mogli, s'empara de Siuen-hoa-fou & des fortereffes qui étoient dans le voisinage de Ta-tong-fou (a). Genghizkhan reçut dans toutes ces occafions de grands fervices de fon frere Joudgicafar (b), d'Ichahan Tangout de nation, & de Sudai Bahradour (c).

Tels furent les premiers fuccès des armes de Genghiz khan dans la Chine. Il ne tira pas un moindre avantage de fes négociations avec les Khitans. Lorsqu'il décampa du Kerlon, il avoit ordonné à fon béau-frere Ouatchin, Chef de la Horde des Kunkurats, de fe tranfporter fur les frontieres du

(a) Cette ville portoit alors le titre
de Si-king, ou de Cour occidentale.
(b) Les Chinois le nomment Hafar.

(c) Les Chinois le nomment Sou-pou-ta

Apr. J. C.

khan.

Leao-tong, pour engager les Khitans à prendre les armes contre les Niu-tché. Ouatchin à fon arrivée dans ce pays trouva 1 an 1211 que les chofes étoient déja bien avancées. Licou-ko Chef Genghizde ces Khitans, s'étoit mis à la tête de cent mille hommes, dans le deffein de fe révolter contre les Niu-tché, & de fe foumettre à Genghizkhan ; il avoit même voulu aller trouver ce Prince, mais fes troupes & fes chevaux n'étoient pas encore en état de fupporter ce voyage. Pour donner des preuves de ce qu'il avançoit à Ouatchin, il fe rendit fur une montagne appellée Kin fituée au Nord de Mougden dans le Leao-tong, y offrit un cheval blanc , un bocuf noir, brifa une fleche, & fit ferment d'être fidele à Genghizkhan. Les mauvais traitemens des Niu-tché envers les Khitans avoient déterminé ceux-ci à prendre les armes, auflitot qu'ils apprirent que les Mogols fe préparoient à faire la guerre aux Niu-tché. Après que l'on eût donné de part & d'autre des ôtages, Genghizkhan qui prévit bien que les Niu-tché alloient faire de puiffans efforts pour arrêter cette révolte des Khitans, conféra à Lieou-ko leur Chef, qui defcendoit de la famille royale des Leao, le titre de Roi, envoya dans fon pays un Officier pour gouverner ces peuples, & chargea Ouatchin & Tchepe-novian de foutenir Lieouko avec leurs troupes. Auffi-tôt que les Mogols eurent joint. les Khitans, Lieou-ko fe fit reconnoître Roi par-tout, s'em-para d'un grand nombre de places, & remporta une grandevictoire fur les Niu-tché. Ces premiers fuccès entraînerent la reddition de plufieurs villes, & la révolte entiere de ce qui reftoit de Khitans foumis aux Niu-tché. Lieou-ko, avec toutes fes forces, alla prendre Leao-yang, capitale du Leaotong, qui portoit alors le titre de Cour Orientale, & les Niu-tché, pour conferver le refte de la province, firent de grandes levées de troupes.

Genghizkhan de fon côté s'empara d'une ville de Tartarie, nommée Hoam-tcheou, fituée au Nord-eft de Peking. & fon Général Mogli, prit le refte des fortereffes qui font auprès de la grande muraille. Pouvant alors pénétrer plus facilement dans la Chine ils réfolurent d'aller faire: le fiége de Ta-tong-fou. L'Empereur des Niu-tché envoya

Apr. J. C.

L'an 1212.

khan.

auffi-tôt les Généraux Hou-cha-hou (a) & Van-yen, avec une armée de trois cens mille hommes, pour s'opposer aux Genghiz- Mogols; mais toute cette nombreuse armée fut défaite auprès de Siuen-hoa-fou, malgré fa fupériorité & la vigoureufe réfiftance qu'elle fit. Après cette victoire, Genghizkhan inveftit Ta-tong-fou. La garnison fit une fortie, dans laquelle les Mogols perdirent beaucoup de monde; & ce Prince, bleffé dangereufement d'un coup de fleche, prit le parti de s'en retourner en Tartarie. Par-là les Niu-tché rentrerent dans Pao-gan, dans Siuen-hoa-fou, & dans Kouyong-koan.

L'an 1213.

Ces places ne refterent pas long-tems entre les mains des Niu-tché. Après que Genghizkhan eût été guéri de fa bleffure, il reprit le chemin de la Chine, chafla les Niutché des villes dont ils venoient de s'emparer, défit leur armée auprès de Kou-yong-koan; un de fes Généraux prit Kou-pe-keou à la grande muraille; Tchepe-novian se rendit à un autre paffage de la même muraille, nommé Nankeou, & rentra dans Kou-yong-koan; & quelque tems après les Niu-tché furent taillés en piéces à la montagne Ou-hoei, fur les frontieres du Chanfi & du Pe-tcheli.

Les Mogols devoient en partie leurs fuccès aux divisions qui agitoient la cour des Niu-tché. Quelque tems auparavant, le Général Hou-cha-hou avoit été dépofé, & enfuite on lui avoit redonné le commandement des armées, avec ordre d'aller camper au Nord de la capitale. Hou-cha-hou qui ne refpiroit plus que la vengeance, réfolut de perdre l'Empereur Yun-tfi, ne prit d'abord aucune mefure pour arrêter le progrès des ennemis, & ne s'occupa que de la chaffe, malgré les repréfentations de l'Empereur. Enfuite il s'approcha de la capitale, pour étouffer, difoit-il, une confpiration qu'il avoit découverte. Il fit courir le bruit dans les environs du palais, que les Mogols étoient déja aux portes de la ville, fe rendit maître des différens quartiers, fit mourir ceux qui lui étoient fufpects, & détrôna enfin le Prince, qu'il fit enfer mer dans fon palais, où il le fit enfuite mourir. Il avoit dessein

(a) On le nomme encore Ki-che-lie.

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