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vouloit y être entierement indépendant. Auffi-tôt que Dgiouban eût appris cette révolte, il fe rendit au milieu de l'hyver L'an 1322. Apr. J. C. avec une puiffante armée dans ce pays, pour ranger fon Aboufaid. fils à fon devoir. Celui-ci quitta' fur le champ les armes, &• vint fe rendre à fon pere qui l'arrêta prifonnier, & le conduifit aux pieds du Sulthan. Les grands fervices du pere firent oublier la révolte du fils, Timour-tafch eut fa grace, & on lui rendit fon Gouvernement. La place de GrandVizir vacante par la mort (a) d'Ali schah fut donnée à Sain, L'an 13: Lieutenant Général de Dgiouban, & cet Emir maria fa fille Bagdad-khatoun, qui étoit une des plus belles perfonnes de l'Asie, à l'Emir Hassan (b). Cette alliance fut l'origine de tous fes malheurs. Aboufaïd devint amoureux de Bagdad-khatoun & la demanda en mariage à fon pere. C'étoit une Loi parmi les Mogols de répudier sa femme lorfque le Prince la vouloit époufer. Aboufaïd ne trouva point les deux Emirs difpofés à confentir à ce divorce, Bagdadkhatoun lui fut refufée affez peu refpectueufement. Le Prince qui avoit pour lui les Loix, ne voulut pas employer fon autorité, & Dgioupan espérant que le tems & l'absence le guériroit de cette paffion, envoya fon gendre & fa fille à Carabagh, & mena Aboufaïd à Bagdad, quoique ce Prince n'en eût aucune envie. L'amour qu'il avoit pour Bagdadkhatoun augmentoit tous les jours, malgré leur féparation, & le Vizir Sain indifpofoit par de faux rapports ce Prince contre l'Emir. Demefchk-khouadgé, fils de Dgiouban, qui avoit une grande Charge à la Cour, informa fon pere des mauvais fervices que le Vizir lui rendoit. Alors Dgiouban prit une réfolution hardie; fous prétexte d'aller appaifer quelques troubles qui s'étoient élevés dans le Khorafan, il fortit brufquement de Bagdad, & fe retira à Sulthanie, emmenant avec lui le Vizir Sain,pour lui tenir lieu d'ôtage de fon fils qu'il laiffoit à la Cour, & qui y refta chargé de toutes les affaires. Demeschk abusa dans la fuite de fon autorité, & ne laissa plus -à Aboufaïd que le feul nom de Sulthan. Ce Prince s'en plaignit à plufieurs de fes confidens. Les ennemis du Miniftre

(a) L'an 723 de l'Hegire

Tom. III.

(6) Fils de Scheikh houffaïn.
Nn

Apr. J. C.
Aboufaïd.

faifirent cette occafion que le Prince étoit irrité pour accufer Demeschk d'entretenir un commerce fecret avec une des femmes du feu Sulthan Aldgiaptou. Aboufaïd qui examina de plus près la conduite de Demefchk découvrit fon intrigue, & le condamna à perdre la tête; mais perfonne n'ofa entreprendre un coup fi hardi. Un évenement imprévû délivra le Prince. On apporta (a) dans ce tems-là L'an 1326 à la porte du palais les têtes de quelques rebelles, le bruit fe répandit que c'étoit celles de Dgiouban & de fes partifans. Demefchk effrayé n'approfondit point cette nouvelle, & craignant tout pour lui-même, il fortit du palais pendant la nuit, accompagné feulement de dix perfonnes, avec lefquelles il prit la fuite. On le poursuivit, & ayant été atteint il eut la tête coupée. Aboufaïd qui ne fongea plus qu'à fe défaire du pere, envoya des ordres aux Officiers du Khorafan pour faire mourir Dgiouban, toute fa famille & fes partifans dans toutes les Provinces. Mais ceux auxquels ces ordres avoient été remis, & qui aimoient l'Emir, loin de les exécuter, lui en donnerent avis. Dgiouban profita de leur bonne volonté, leva une armée de foixante dix mille chevaux, avec laquelle il fe rendit du côté de Casvin, où Aboufaïd s'étoit retiré avec les troupes qu'il avoit pû raffembler.

Dgiouban, après avoir fait mourir le Vizir Sain, qu'il regardoit comme l'auteur de ces troubles, fe rendit dans la ville de Semnan, où il alla vifiter un homme que l'on regardoit comme un faint, & dont le tombeau eft encore respecté par les Mahometans. Ce faint homme, appellé Rokneddin alaeddoulet, eut avec lui plufieurs conférences, dans lefquelles l'Emir promit de fuivre en tout fes avis, & le pria, pour lui prouver få fincérité, d'aller trouver lui-même le Sulthan, de lui demander les affaffins de fon fils, & de faire fa paix. Ce Scheikh fut reçu avec beaucoup de refpect par Aboufaïd, mais il ne put rien obtenir, & Dgiouban fut fi irrité de ce refus, que ne voulant plus garder aucune mefure il vint camper à Couha qui étoit à une journée du camp

(4) L'an 727 de l'Hegire.

Aboufaid.

impérial. Il eut bientôt lieu de s'en repentir; la plupart des Officiers qui l'avoient fuivi refuferent de le foutenir dans Apr. J. C. fa révolte, eurent honte de combattre contre leur Souverain, & fe retirerent avec trente mille hommes. Cette désertion fit perdre toute confiance à Dgiouban dans ce qui lui reftoit de troupes, & craignant qu'elles ne paffaffent toutes auprès du Sulthan, il s'éloigna à la hâte & prit la route du defert de Noubendgian, pour fe retirer dans le Khorafan. La longue & pénible marche qu'il fut obligé de faire dans cette occasion, lui enleva encore un grand nombre de troupes, plufieurs autres déferterent, & fon armée fe trouva tellement affoiblie, qu'il crut devoir fe réfugier dans le Turkeftan, auprès des Princes Mogols qui étoient ennemis d'Aboufaïd. Mais lorsqu'il fut arrivé fur le bord du fleuve Morgab, il changea tout-à-coup de réfolution, & alla fe jetter entre les bras de Gaiatheddin, furnommé Malek-kurt, qu'il avoit élevé, & auquel il avoit rendu de grands fervices. Il y éprouva bientôt qu'un homme difgracié n'a plus d'amis, Gaiatheddin qui étoit un petit Prince fouverain, féduit par les promeffes du Sulthan, fe détermina à envoyer la tête de Dgiouban à ce Prince, & la premiere visite qu'il fit rendre à l'Emir, fut celle du bourreau qu'il lui envoya. Dgiouban voyant qu'il falloit mourir, demanda qu'auffi-tôt qu'on lui auroit tranché la tête on envoyât un de fes doigts à Aboufaïd, que fon corps fût porté dans un tombeau à Médine, & que fon fils Dgelair, qu'il avoit eu de Satibegh fœcur du Sulthan, fût conduit à la Cour. On lui promit tout, & il fut exécuté (a).

fe

Gaiatheddin se hâta d'aller porter fa tête au Sulthan, dont il attendoit de grandes récompenses; mais de nouvelles révolutions avoient amené de grands changemens à la Cour. Le Scheikh Haffan avoit répudié fa femme, fille de Dgiouban, dont le Sulthan étoit amoureux & ce Prince l'avoit épousée. Scheikh Haffan, par cette condefcendance,

(a) Il eft le Chef de la Dynaftie des Dgioubaniens, dont l'hiftoire eft infésée dans celle de ces Princes Mogols,

dont ils n'étoient proprement que les
Généraux d'armée.

Aboufaïd.

étoit rentré en faveur, avoit obtenu les charges, auxquelApr. J. C. les Gaiatheddin afpiroit, & Bagdad khatoun, fille de Dgiou ban, devenue Sulthane, avoit un grand crédit fur l'efprit du Prince. Ces changemens n'étoient pas favorables aux préten tions & aux récompenfes qu'il efpéroit. Il s'arrêta en route, & crut devoir fe défaire de Dgelair, auquel il avoit confervé la vie malgré les ordres du Sulthan. Il envoya des or dres dans le Khorafan pour le faire affaffiner, & après que cela eût été exécuté il fe rendit à Carabagh, où le Sulthan étoit alors. Il y trouva un puiffant ennemi dans la perfonne de Bagdad khatoun qui avoit à venger la mort de fon pere. On le fit attendre dans fon camp pendant tout le tems que l'on employa à faire tranfporter les corps de Dgiouban & de Dgelaïr du Khorafan à Aoudgian, où on les mit entre les mains des pélerins de la Mecque, par les ordres du Sulthan qui avoit donné quarante mille piéces d'or à ces pélerins pour les conduire à Médine. Toute la récompenfe de Gaiatheddin fut d'obtenir la permiffion de s'en retourner. L'an 1331 Quelque tems après (a), Scheikh Haffan lui-même éprouva combien le trop grand crédit eft dangereux dans une Cour. Il eut des envieux affez puiffans & jaloux en même tems dé l'autorité de Bagdad khatoun, qui l'accuferent d'avoir toujours un commerce fecret avec cette Princeffe qui avoit été fa femme. Il n'en fallut pas davantage pour le perdre dans l'efprit du Prince, qui le relégua au château de Kamakh, & qui eut beaucoup de froideur pour la Princeffe. Mais la fortune capricieufe le fit revenir peu après à la Cour. On découvrit fon innocence, il fut rétabli dans les bonnes graces du Sulthan, & eut le Gouvernement de l'Asie mineure. Dans la fuite (b), Uzbek khan qui régnoit dans le Captchac, fit une nouvelle irruption dans les Etats d'Abousaid. Ce Prince se mit auffi-tôt en marche pour aller au-devant de fon ennemi; mais lorsqu'il fut arrivé dans le Schirouane, la chaleur & la malignité de l'air lui cauferent une maladie L'an 1335, dangereuse, dont il mourut (c) en prenant le bain. Il étoit

L'an 1334

(a) L'an 732 de l'Hegire.
(6) L'an 735 de l'Hegire

(c) L'an 736 de l'Hegire

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âgé de 32 ans, & en avoit regné 19. Il fut porté à Sulthanie, dans le tombeau de fes ancêtres. Quelques AuteursApr. J. C. accusent Bagdad khatoun de l'avoir empoifonné, parce qu'elle avoit reconnu en lui du changement à fon égard. Il fut en quelque façon le dernier Khan des Mogols de Perse; les provinces de cet Empire furent occupées par les Grands, & fes fucceffeurs refterent fans autorité. On remarque que l'époque de fa mort eft celle de la naiffance du fameux Tamerlan. Les Arabes ont défigné cette année par ce mot de leur langue Loudh, qui fignifie refuge, pour faire voir que les hommes avoient befoin d'afyle dans de fi grandes calamités. Les lettres qui forment ce mot, en les prenant felon leur valeur numérique, défignent l'année 736 de l'Hegire.

Le fucceffeur d'Aboufaïd fut Arpah ou Arbah khan, qui defcendoit de Touli (a), fils de Genghizkhan. Il fut déclaré Khan par le crédit de la famille de Dgiouban. Mais l'Empire lui fut bientôt difputé, Aly, Chef de la Horde des Ouirats, qui avoit une grande autorité dans Bagdad, fit donner le titre de Khan dans cette ville à Moufa (6), qui defcendoit d'Houlagou, & qui vint auffitôt attaquer Arbah khan, lui enleva toutes fes provinces, & le priva de la vie., Pendant qu'on avoit proclamé Moufa à Bagdad, Scheikh haffan dgelair, furnommé Bouzrouc (a), avoit mis fur le trône Mohammed khan (d), qui affembla une grande armée, avec laquelle il marcha vers la Perfe. Il battit Moufa khan auprès de Tauriz, & l'obligea de fe fauver chez les Ouirats. Moufa perdit dans cette action l'Emir Aly qui l'avoit placé sur le trône. Le bruit de fa défaite s'étant répandu dans le Khorafan, un Emir, nommé auffi Aly (e), qui commandoit dans cette province, alla auffi-tôt à Baftan, & y

(a) Par Arigh bouga, ou Ortok bou ge, troifieme fils de Touli.

(b) Il étoit fils d'Aly, fils de Baidou khan, fils de Targai, fils d'Houlagon. HO JUIN

(c) Il defcendoit, à ce que l'on prétend, d'Argoun il khan, fils d'Aboufaid; Tangri bardi le fait fils d'Houf

fain, fils d'Acbogha, fils d'Ilkhan, &
dit qu'il defcendoit d'Argoun, fils d'A
baca, ce qui eft plus vraisemblable.

(d) Fils de Jolkouthlouk, fils de-Ti-
mour
mour, fils d'Anbardgi, fils de Man-
gou, Als d'Houlagou.

(e) Fils d'Aly Coufchdgi.

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