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IV.

LES MOGOLS DU TOURAN.

ETTE branche des Mogols ayant régné dans des pays Apr. J. C. Céloignés des peuples qui fe font appliqués à tranf

mettre à la postérité les événemens de leur Hiftoire, & ces Tartares étant trop ignorans pour les tranfmettre euxmêmes, leur Hiftoire nous eft inconnue. Aboulghazi nous a cependant confervé quelques détails que nous ne négligerons pas, & qui fuffifent au moins pour nous inftruire en partie de la fucceffion des Princes, & des différens démembremens de cet Empire, qui s'étendoit jufques dans la Sibérie.

Après que

Batou fut de retour de l'expédition, qui le ren- Hift.géné. dit maître des pays Septentrionaux, il donna à fon frere des Tatars Scheibani une grande partie des places qui avoient été conquifes fur les alliés des Ruffes, avec quantité de Mogols des Hordes de Kuriff, de Naimans, de Carliks, & d'Igours. Orda-itzen autre frere de Batou, y ajoûta quinze mille familles de Mogols, à condition que Scheibani s'établiroit entre les pays foumis à Batou, & ceux qui étoient de la dépendance d'Orda-itzen. En conféquence, Scheibani fes habitations d'été les environs des montagnes d'Arall & du Jaïck, & pour celles d'hyver les pays de Kara-koum & d'Ara-koum, vers les bords des rivieres de Sirr & de Sarefou, & il envoya un de fes fils avec plufieurs troupes pour occuper les villes que Batou lui avoit données. On ignore quel étoit ce pays; mais on prétend que les Khans des Nemets font iffus de cette branche des defcendans de Scheibani. On pourroit foupçonner ici que ces Nemets qui nous font inconnus feroient les Khans de Crimée. Scheibani (a) qui mourut dans les pays voisins du

choifit

pour

(a) Il laiffa douze fils; 1. Bainal, z. Bahadour, 3. Carak, 4. Balka, §. Ziik, 6. Mergan, 7. Kuntga, 8. Ajazi, 9.

Sagilgan, 10. Bajandfar, 11. Madfar
12. Conzi,

L'an 1266.

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Apr. J. C. Jaïck, eut pour fucceffeur fon fils Bahadour-khan, auquel le Khan du Kaptchac Mangou-timour, donna la Ak‐orda, c'eft-à-dire, la Horde blanche. A ce dernier (a) fuccéda Zuzi-bouga (b) fon fils, & après celui-ci Badakoul son fils, enfuite Mangou-timour, fils de Badakoul. Celui-ci, à cause de fon courage & de fon efprit, fut furnommé Coutlouk (c). Fulat-khan fuccéda à Mangou-timour fon pere, & laissa deux fils Doulet Scheik-aglen & Arabschah, qui partagerent entre eux fes Etats. Ce dernier étoit le Chef de la Horde bleue. Il fit une irruption en Ruffie, & alla attaquer L'an 1377. Nizni-novogorod, d'abord les Ruffes l'obligerent de se retirer, Anu. Ruff. & le poursuivirent; mais lorsqu'ils furent arrivés proche la riviere Piana, comme ils ne fe tenoient point fur leurs gardes, les Tartares revinrent, & les envelopperent de tous côtés, les Ruffes prirent la fuite, & les Tartares allerent brûler Nizni-novogorod. Doulet Scheikh-aglen eut pour fucceffeur fon fils Aboulkhair-khan, qui fut craint & respecté Hift. géné. de tous fes voifins. Le fucceffeur d'Arabschaĥ eft fon fils Hadgi-touli, & après celui-ci régna Timour-fcheikh (d). Sous le regne de ce dernier, deux mille Calmouks firent une irruption dans fes Etats qu'ils ravagerent, & Timour-scheikh en voulant les poursuivre fut tué dans le combat, & ne laissa point d'héritiers. La plupart de fes Sujets fe retirerent vers d'autres Princes; les Igours étoient les feuls qui restoient, quand on découvrit qu'une de fes femmes étoit enceinte ils ne voulurent point l'abandonner, & les Naimans qui étoient déja partis, s'arrêterent dans l'endroit où ils fe trouverent lorfqu'ils apprirent cette nouvelle; ils réfolurent d'y refter jufqu'à l'accouchement de la femme de Timourscheïk, déterminés à revenir fi elle accouchoit d'un Prince. Cette femme ayant mis au monde un enfant que l'on nomma Jadigar, les Naimans reconnurent ce jeune Prince pour leur Khan. Pour marquer la joye que les Igours avoient de cette réunion, ceux-ci cédèrent aux Naimans la gauche,

des Tatars.

(a) Il avoit un fecond fils nommé Coutlouk bouga.

(b) Celui-ci eut quatre fils; Badakoul, Biktimour; Jancazar, & Jeffubouga

(c) Il eut fix fils; 1. Ilfak, 2. Dlang ta, 3. Fulat, 4. Siuntz, 5. Temur bung ga, 6. Bekkondi.

(d) Fils d'Hadgi touli.

de

de forte que depuis, dans toutes les occafions, les Igours ne font plus qu'à la droite, qui eft le côté le moins honorable. Apr. J. C. Jadigar-khan laiffa quatre fils (a), dont l'aîné appellé Burga Sulthan étoit un Prince qui avoit beaucoup de courage, il vivoit du tems d'Aboulkhair-khan, fils de Doulet Scheikhaglen, qui étoit plus âgé que lui.

Aboufaid-mirza defcendu de Tamerlan, régnoit alors dans le Maouarennahar, & venoit de s'emparer de tous les pays qui étoient poffédés par Abdallathif-mirza, autre Prince de la même famille, & le fils de ce dernier nommé Mirza-mohammed Dgiouki, s'étoit réfugié auprès d'Aboulkhair-khan fon allié. Pendant qu'il étoit auprès de ce Prince, on apprit qu'Aboufaid-mirza étoit entré avec toutes fes forces dans le Khorafan, & enfuite dans le Mazanderan, laiffant le Gouvernement du Maouarennahar à l'Emir Mafiet, Chef de la horde des Arlats. Mirza-mohammed Dgiouki engagea Aboulkhair à lui fournir des troupes pour rentrer dans fes Etats, & Burga fulthan fut chargé de le conduire avec une armée de trente mille hommes. Les deux Princes fe rendirent du côté de Taschkunt qui leur ouvrit auffi-tôt fes portes. Enfuite ils s'emparerent de Scharokhia, & après avoir paffé le Sirr ou Sihon, ils marcherent vers Samarcande, où ils fe hâterent d'accepter le combat que le Gouverneur de cette ville vint leur offrir. Burga fulthan commanda l'aîle gauche, Gischkhan-aglen la droite, & Mirzamohammed Dgiouki le centre. Le Gouverneur de Samarcande fut battu, & se retira en diligence dans la place, d'où il fit fçavoir cette nouvelle à Abousaid-mirza, qui reprit promptement le chemin de fes Etats. Les troupes d'Aboulkhair étoient maîtresses alors de toutes les villes du pays de Cuzin, de Karminia & de Maouarennahar, à l'exception de Samarcande & de Bokhara, dont elles n'ofoient faire le fiége. Burga fulthan ayant appris que ce Prince marchoit vers Balkh, il fut d'avis qu'on évitât le combat, & qu'on fe rendît auprès de la rivière d'Amou ou Gihon pour en difputer le passage; mais les partisans de Mirza-mohammed Dgiouki

(4) Burga fulthan, Abulak, Amunak, Abak.

Tome III.

Iii

crurent qu'il étoit plus à propos de repaffer le Sirr, & de Apr. J. C. fe retirer vers Scharokhia, ce qui fut exécuté malgré l'oppofition de Burga fulthan. Alors un grand nombre de déferteurs pafferent du côté d'Aboufaid-mirza ; & Burga fulthan, après avoir fait main-baffe fur tous ceux qu'il put rejoindre, s'en retourna dans fon pays, laiffant Mirza-mohammed Dgiouki avec fés partisans fe renfermer dans Schahrokhia, où après un fiége de quatre mois il fut obligé de fe rendre à fon enL'an 1456. nemi (a).

Quelque tems après, Khodgiafch-mirza & Mufabi, deux Emirs voifins des Etats de Jadigar-khan, ayant eu quelques démêlés ensemble, & s'étant livrés un combat, le fecond fut contraint de se retirer auprès de Burga fulthan son ami. Comme le pere de ce dernier, quoique reconnu Khan, n'étoit pas encore en poffeffion de la fouveraineté, Burga fulthan qui ne pouvoit alors rien entreprendre en faveur de Mufabi, fit affembler les principaux de la Nation, & parvint à les engager à déférer unanimement la fouveraineté à fon pere; il leva enfuite des troupes, & marcha avec Mufabi contre Khodgiasch-mirza. On étoit alors dans l'hyver, les neiges avoient rendu les chemins impraticables & on ne pouvoit faire venir des provifions, la plupart des Officiers vouloient qu'on fe retirât. Burga fulthan s'obftina à continuer fa marche malgré la rigueur de la saison. Mufabi lui-même, convaincu que tout étoit perdu fi l'on alloit plus avant, le follicita plufieurs fois de remettre cette expédition à l'été fuivant. Tout ce qu'il put obtenir fut, que fi dans deux jours on n'avoit aucune nouvelle des ennemis, on prendroit le parti de fe retirer. Bientôt on rencontra une haute montagne, du haut de laquelle Burga fulthan découvrit les ennemis qui étoient dans des vallons, il fit avancer fes troupes, & donna fi brufquement fur celles de Khodgiaschmirza qu'il les mit en déroute, Malai khan Zadé, fille de cette Emir, fut faite prifonniere, & devint la femme de Burga fulthan.

Aboulkhaïr d'un autre côté étoit devenu fi puiffant, que tous les Princes fes voifins fe liguerent contre lui, & lui (a) L'an 860 de l'Hegire.

déclarerent la guerre, il fuccomba fous le nombre, & fut mis à mort avec quelques-uns de fes enfans (a) qui étoient Apr. J. C. tombés entre les mains de fes ennemis; les autres furent difperfés. Au milieu de tous ces troubles, Burga fulthan s'empara de quelques provinces de la dépendance d'Aboulkhaïr; mais dans la fuite Schaibek fulthan, petit-fils de ce Prince, étant rentré dans les Etats de fon grand-pere, tous les peuples se soumirent à lui. Schaibek dissimula pendant quelque tems fon mécontentement contre Burga fulthan, & attendit une occafion favorable pour fe venger. Un jour qu'ils campoient l'un & l'autre aux environs de la riviere de Sirr, Schaibek raffembla un certain nombre de fes gens, fous prétexte d'aller à la chaffe, & les conduifit vers le campement de Burga fulthan, en leur recommandant de ne point s'attacher au butin, mais de faire tous leurs efforts pour fe faifir de fa perfonne. Il furprit le camp; au premier bruit, Burga fulthan s'étoit déguilé pour aller fe cacher dans des rofeaux qui étoient fur le bord d'un étang, où il se bleffa très-dangereusement, & on le chercha inutilement. On amena à Scheibek un des Chefs des Igours nommé Manga, qui fe difoit être Burga fulthan, mais on reconnut l'impofture. Ce Chef n'avoit pris le nom de Burga que dans l'efpérance de fauver ce Prince, auquel il avoit de grandes obligations. Schaïbek admira la générofité de cet Igour, & fit chercher de nouveau Burga fulthan; comme il y avoit alors beaucoup de neiges, on découvrit les traces d'un homme qui avoit marché pieds nuds, enfuite quelques gouttes de fang; toutes ces indications conduifirent à l'endroit où ce Prince étoit caché. Il fut conduit devant Schaibek qui le fit mourir (b). Khodgia-mohammed fulthan (c), appellé par les Uzbeks Khodgia Amtintak à cause de fon imbécilité, accompagna fon neveu Schaïbek dans cette expédition, & L'an 1482. époufa Malai-khan Zadé, femme de Burga qui étoit grosse, & qui accoucha d'un enfant nommé Dgianibek, que Khodgiamohammed voulut que l'on crut qu'il étoit fon fils.

(a) Il en avoit onze, dont l'aîné étoit appellé Schabadach, & par d'autres, Boudak ou Borak. C'est lui qui est le

pere de Schaibek khan.

(b) L'an 886 de l'Hegire.
(c) Il étoit fils d'Aboulkhair.

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