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20 min. de long. eft la réfidence d'un Khan des Tartares Uzbeks, qui poffede à préfent la partie méridionale de la Apr. J. C. grande Bukharie. Cette partie eft petite par rapport à tout le refte qui eft entre les mains du Khan de Bokhara, mais comme elle eft extrêmement fertile & parfaitement bien cultivée, le Khan en tire un affez grand revenu par an. On y recueille beaucoup de foie, dont les habitans fçavent faire des étoffes fort jolies. Les Uzbeks, fujets du Khan de Balkh, font les plus civilifés des Tartares Mahométans, à cause du grand commerce qu'ils ont avec les Perfans & les fujets du Grand Mogol. Au refte ils ne different des autres. Tartares de la grande Bukharie, qu'en ce qu'ils font moins voleurs & plus induftrieux.

La ville de Balkh,à préfent la plus confidérable de toutes les villes que les Tartares Mahométans poffedent, eft grande & bien peuplée, la plupart de fes bâtimens font bâtis de pierre ou de brique; fes fortifications confiftent en des remparts de terre revêtus en dehors d'une bonne muraille, qui eft affez haute pour pouvoir couvrir ceux qui font occupés à la défense du rempart. Comme en tems de paix il eft permis à tous les Marchands étrangers & aux autres voyageurs de venir faire leurs affaires dans cette ville, il s'y fait beaucoup de commerce, & Balkh eft préfentement l'entrepôt de tout le négoce qui fe fait entre la grande Bukharie & les Indes. Une belle riviere qui vient du Sud-Eft, & qui après avoir paffé par les fauxbourgs de cette ville va fe décharger dans la riviere d'Amu vers le 38 deg. 30 min. de lat. fur les confins du Kharizme & de la grande Bukharie, lui eft d'une grande utilité. Le château du Khan est un grand bâtiment à l'orientale, prefque tout bâti de marbre dont on trouve des carrieres fort belles dans les montagnes voisines. C'est la feule jalousie qui a confervé jufqu'ici le Khan de Balkh dans la poffeffion de fes Etats, & qui lui fait toujours trouver de l'appui chez l'une des puiffances voisines, dès que l'autre paroît dans la difpofition de vouloir l'attaquer.

Toutes les villes de la grande & de la petite Bukharie, depuis les frontieres du Kharizme jufqu'à celles de la Chine, font habitées par les Bukhares qui font à l'égard des Tar Tom. III,

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tares, les anciens habitans du pays. Les Tartares les appelApr. J. C. lent communément Tadfiks, mot qui défigne un peuple qui habite dans des villes. Les Bukhares font généralement d'une taille ordinaire, mais bien prife. Ils ont le teint fort beau, eu égard au climat. Ils ont pour la plûpart les yeux bien fendus, noirs & vifs, le nez aquilin, le tour du vifage bien formé, les cheveux noirs & fort déliés, la barbe épaiffe, & ne tiennent en rien de la difformité des Tartares parmi lefquels ils habitent. Leurs femmes font communément grandes & bien faites. Ils portent, hommes & femmes, des chemises & des caleçons de toile de coton, mais les hommes portent de plus un caftan,piqué de quelque étoffe de foie ou de coton, qui leur descend jusqu'au gras de la jambe, avec um bonnet rond de drap fait à peu près à la Polonoise. Quelques-uns d'entre eux portent auffi des turbans dans le goût de ceux des Turcs; ils attachent ces caftans fur les reins avec une ceinture d'une efpece de crêpe de foie qui leur fait plufieurs tours à l'entour du corps, & lorfqu'ils fortent de la maison ils mettent fur le caftan une longue robe de drap, bordée, & même doublée de fourrure en hyver; leurs bottes font faites à la façon des bottines des Perfans, mais moins propres. Ils poffedent pour cet effet le fecret de préparer le cuir de cheval d'une maniere toute particuliere. Les femmes portent de longues robes de toile de coton, ou de quelque étoffe de foie, qui font affez larges & qui leur pendent négligemment fur le corps. Leurs mules font faites dans le goût de celles que les femmes portent dans le Nord des Indes, & fur la tête elles mettent un petit bonnet plat de couleur, laiffant pendre leurs cheveux en plufieurs treffes ornées de perles & d'autres bijoux. Les Bukhares fuivent la Religion Mahometane, & font, à quelques petites cérémonies près, de la même fecte que les Turcs. Ils habitent tous dans les villes & villages, & ne fubfiftent que des métiers qu'ils exercent, ou du commerce dont ils font les maîtres, parce que les Calmouks & les Tartares Uzbeks ne s'y adonnent point. Les Bukhares vont en foule faire leur négoce dans la Chine, les Indes, la Perfe & la Sibérie, avec un profit fort considérable. Ils payent aux Calmouks & aux Uz

beks qui font en poffeffion du pays, un certain tribut réglé, & ne fe mêlent point des armes, raison pour laquelle les Apr. J. C Tartares les méprisent, & les regardent comme des lâches (a).

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LES KHANS de Taschkunt qui font aujourd'hui maîtres 'des pays occupés par les Tartares de Cafatfchia orda & par les Carakalpaks, font defcendus de ces Mogols qui demeuroient vers le Jaïck, & qui y font reftés pendant que Schaibek khan faifoit fon irruption dans les pays plus méridionaux, c'est-à-dire, dans le Maouarennahar; mais nous n'avons aucuns détails hiftoriques fur la fucceffion de ces Princes qui fubfiftent encore dans ces pays. Tous ces Tartares que l'on appelle aujourd'hui de la Cafatschia orda & CaraKalpaks, font des reftes des Kanglis, des Cataguns (b), des Mankats, & autres qui s'y font établis depuis Genghizkhan, ou qui y demeuroient auparavant.

Les Tartares de la Cafatfchia orda habitent dans la partie orientale du pays de Kaptchac, entre la riviere de Jemba & celle de Sirth ou Sirr. Ils reffemblent beaucoup aux Calmouks leurs voisins. Ils ont une moyenne taille, mais extrêmement quarrée, le vifage large & plat, le teint fort brûlé, des petits yeux noirs, très brillans, & fendus à peu près dans le goût de ceux des Calmouks. Ils coupent leurs cheveux, qu'ils ont extrêmement noirs & forts, à quatre doigts de la tête, & portent des bonnets ronds d'un gros drap ou feutre noir, avec un bord de pelleterie. Leur habillement confifte

(a) On ignore l'origine des Bukhares, & ils l'ignorent eux-mêmes. Ils fçavent par tradition qu'ils font venus de bien loin. Ils ne font point partagés en Tribus comme les Tartares & comme plufieurs autres peuples Orientaux. Quelques Sçavans ont prétendu qu'ils

étoient un refte des dix Tribus que Sal-
manaffar, Roi d'Affyrie, fit transporter
dans le pays des Medes.

(b) Les. Cataguns tirent leur origine
de Bocum catagun, l'aîné des trois fre
res jumeaux dont les Tartares préten-
dent qu'Alançava accoucha.

Apr. J. C.

dans une chemise de toile de coton, des culottes de peaux
de mouton, & dans une vefte piquée de toile de coton,
appellée kitaika par les Ruffes; en hyver ils mettent par-
deffus ces veftes une longue robe de peaux de mouton qui
leur fert en été de matelas ; leurs bottes font fort lourdes
& faites de peaux de cheval, groffiérement travaillées, parce
que chacun les fait pour foi. Leurs armes font, le fabre, l'arc
& la lance; les armes à feu ont été jufqu'à préfent fort peu
en ufage parmi eux. La plupart des femmes des Tartares
de la Cafatfchia orda font grandes & bien faites, & au tour
du vifage près, qu'elles ont fort plat & quarré, elles ne font
pas defagréables. Leur maniere de s'habiller eft à
peu près
la même que celle des femmes des Calmouks, excepté
qu'elles portent des bonnets hauts & pointus qu'elles re-
plient fur le côté droit, & des efpeces de mules affez grof-
fieres.

Quoique ces Tartares occupent de fort beaux cantons le Long de la riviere de Jemba, & vers les montagnes qui féparent leur pays d'avec celui des Calmouks, ils n'en fçavent pas profiter, parce qu'ils font tous voleurs. Ils ne cultivent de leurs terres qu'autant qu'il leur en faut abfolument pour leur fubfiftance, ce qui se réduit à peu de chose, d'autant plus que les troupeaux & la chaffe leur fournissent leur principale nourriture, & que le pain n'eft guere en usage: chez eux. Ils font toujours à cheval, & lorfqu'ils ne font pas en course, ils vont à la chaffe, laiffant le foin de leurs troupeaux & de leurs habitations à leurs femmes & à quelques efclaves. Leurs chevaux qui n'ont pas beaucoup d'extérieur, font affez vigoureux & les meilleurs coureurs de tous les chevaux Tartares qu'on trouve à l'Orient de la Mer Cafpienne. Ces peuples errans campent pour la plûpart fous des tentes ou huttes, vers les frontieres des Calmouks & la .riviere de Jemba, pour être à portée de profiter des occafions de voler. Ils font continuellement en guerre avec tous leurs voifins. Les Tartares Uzbeks qui font Mahometans comme eux, font les feuls avec lefquels ils vivent ordinairement en bonne intelligence, parce que la néceffité les y oblige. Dans l'hyver ils volent d'un côté les Calmouks fujets

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du Contaïsch qui viennent chercher les frontieres de la gran-
de Bukharie & les autres quartiers du Sud; & de l'autre,
ils incommodent continuellement les Cofaques du Jaik, les
Tartares Nogais & les Hordes des Calmouks qui obéissent
à l'Ajuka khan; dans l'été ils paffent fouvent les montagnes
des aigles vers la fource du Jaïk, & viennent faire des cour-
fes jufques bien avant dans la Sibérie, à l'Ouest de la riviere
d'Irtifch. Comme ces pays font les mieux cultivés de toute
la Sibérie, on eft obligé pendant tout l'été de faire la garde
dans les villages & dans les bourgades, le long de la To-
bol, de l'Ifchim & de la Tebenda, afin d'être en état de
s'oppofer à eux en cas de quelque invasion. Quoiqu'ils foient
fort fouvent maltraités dans ces courfes, & qu'ils auroient
plus d'avantage à cultiver leurs terres qui font très-fertiles,
teur inclination pour le brigandage leur fait préférer ce genre
de vie, toujours accompagné de fatigues & de dangers.
Les efclaves qu'ils font font vendus dans le Kharizme &
dans la grande Bukharie, où ils trouvent toujours des Mar-
chands Perfans, Arméniens, & même quelquefois des In-
diens qui viennent les acheter. C'eft principalement dans
la vue de fe conferver les moyens de les vendre, que ces
Tartares ont foin de cultiver les Uzbeks; ils ne gardent
pour eux que ceux dont ils peuvent avoir befoin pour leurs
troupeaux, & toutes les jeunes femmes & filles Ruffes qu'ils
peuvent attraper dans la Sibérie, à moins
à moins que l'indigence

ne les oblige à les vendre.

Ces Tartares font profeffion du Mahométisme, mais ils n'ont ni Alcoran, ni Moullahs, ni Mosquées. Ils ont un Khan qui réfide ordinairement en hyver dans la ville de Taschkunt, & dans l'été vers les bords de la riviere de Sirth & les frontieres des Calmouks, mais leurs Mirzas particuliers font fort puiffans, & laiffent peu d'autorité au Khan. Ces Tartares peuvent armer tout au plus 30000 hommes, & avec les Carakalpaks 50000.

Les Carakalpaks, autrement Mankats, qui habitent la partie Occidentale de ce pays du Turkeftan, vers les bords de la Mer Cafpienne, font les fideles alliés des Tartares de La Cafatfchia orda, & les accompagnent ordinairement

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