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fchab. Ceux qui purent fe fauver, entrerent dans Karakoul, où il les fuivit, & fit brûler ce qui reftoit de maisons dans cette Apr. J. C. Aboulghaville. Dans un autre tems (a) il alla s'emparer de Zard- zi khan, fui qui dépendoit de la grande Bukharie; enfuite (b) il ravagea la province de Jaizi qui s'étend depuis la ville de Karakoul jufqu'à celle de Nerfem. Dans le tems qu'il s'en. retournoit dans fes Etats, Abdolaziz khan, accompagné de Kafim fulthan, étoit en marche avec une nombreuse armée vers le pays de Kogertlik, pour faire une diversion; mais ce Prince inftruit du retour d'Aboulghazi khan fur les frontieres du Kharizme, fe retira avec tant de précipitation que fes gens firent périr beaucoup de leurs chevaux, quoiqu'Aboulghazi ne les poursuivît point. Après cette retraite Aboulghazi fit une nouvelle invafion dans la grande Bukharie, prit Carmina qu'il mit au pillage, & s'en retourna avec un butin considérable; mais ayant traverfé une riviere, & se croyant alors en fûreté, il ordonna que tous les cha fe meaux, les chevaux de charge, le bétail, & généralement tout le bagage défilât à minuit. Il les fit fuivre par le refte de l'armée, & fe coucha tranquillement, ne gardant auprès de fa perfonne que fa garde ordinaire de cent hommes, quoique fon armée fût de plus de vingt-cinq mille hommes. A la pointe du jour, un Officier le vint avertir que les ennemis paroiffoient de l'autre côté de la rivierè ; c'étoit Abdolaziz khan qui arrivoit à la tête de toute fon armée qui étoit de foixante mille hommes. Aboulghazi fe hâta de rejoindre fes troupes occupées alors à paffer un petit ruiffeau, il les fit refter du côté où elles étoient, parce que mille cavaliers, armés de cottes de maille, qui s'étoient détachés, venoient fondre fur lui. Aboulghazi Khan gagna la tête d'un défilé qui étoit devant lui, mit pied à terre, & en fit faire autant aux cens cavaliers qui l'accompagnoient, afin qu'ils fuffent mieux en état de fe fervir des moufquets dont ils étoient armés. Il commanda en même tems à celui qui portoit l'enfeigne de s'avancer en diligence vers fon armée, dont la plus grande partie avoit déja passé le ruiffeau,

(a) L'an Bizin, ou la Guenon,

(6) L'an Touk, ou la Poule,

,

& de faire fonner la trompette pour la faire revenir. Enfuite Apr. J. C. Aboulghail détacha Jadigar atalik avec trente hommes, pour aller zi khan. charger les mille cavaliers des ennemis à l'entrée du défilé pendant qu'il fe tiendroit prêt à le foutenir avec le reftè de fes gens. Jadigar atalik s'acquitta fi heureufement de fa commiffion, qu'il difputa long-tems le paffage de ce défilé, & donna à Anoufcha mohammed bahadour fulthan fils d'Aboulghazi khan, qui n'avoit alors que quatorze ans, le tems de venir au fecours de fon pere à la tête de fix cens cavaliers, qui avoient en croupe trois cens fantaffins; cependant toute l'armée ennemie s'approchant de plus en plus, les mille cavaliers environnerent de tous côtés Aboulghazi khan. Ce Prince ordonna auffi-tôt à fon fils Anouscha mohammed bahadour fulthan de donner tête baiffée avec quatre cens hommes fur la droite d'un gros efcadron, qui empêchoit que fon armée ne pût le joindre, & alla en personne à la tête des autres fix cens hommes. L'un & l'autre enfoncerent les ennemis, & par-là rejoignirent l'armée qui venoit à leur fecours. Alors Aboulghazi khan fit avancer les premiers corps fous les ordres de fon fils Anouscha mohammed bahadour fulthan, & le foutint avec ceux qui arrivoient. L'action devint générale ; on combattit long-tems avec un avantage égal; enfin le courage d'Anoufcha mohammed bahadour fulthan fit décider la victoire en faveur d'Aboulghazi khan; l'armée d'Abdolaziz khan fut battue malgré fa grande fupériorité, & les troupes victorieufes la pourfuivirent jusqu'à la riviere. La déroute des ennemis fut fi confidérable, qu'un grand nombre d'entre eux qui ne pouvoit gagner le pont, fut noyé dans la riviere, & Abdolaziz khan lui-même, quoique bleffé, fut obligé de la paffer à la nâge, pour ne pas tomber entre les mains du vainqueur. Après avoir mis fi glorieusement fin à cette campagne, Aboulghazi khan s'en retourna à Kaïouk avec un grand nombre de prifonniers, A fon arrivée il donna une grande fête à tous les Seigneurs & aux grands Officiers de fes Etats, & combla d'éloges fon fils, auquel il céda la ville d'Haffarafap.

Depuis cette grande expédition en l'an It ou le Chien
Aboulghazi

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Aboulghazi-khan retourna (a) dans la grande Bukharie, où il s'empara de la ville de Vardanfi. Dans une autre incur Aboalgha Apr. J. C. sion (b) il s'avança jufque fous les murailles de Bokhara ca- zi khan. pitale du pays, fit détruire tous les villages des environs, & fe difpofa à prendre la ville; mais faifant réflexion que cette conquête ne lui feroit gueres glorieufe s'il fe rendoit maître de Bokhara dans l'abfence du Khan qui étoit à Samarkande, & dans le tems qu'il n'y avoit que des femmes & des Tadfiks ou Bourgeois dans la ville, il remit cette expédition à un autre tems. Comme il étoit alors âgé de foixante ans, il confidéra qu'il avoit affez répandu de fang pour venger le meurtre des Princes de fa maifon commis par Abdallah - khan. Tous les avantages qu'il pouvoit espérer, en continuant la guerre contre Abdolaziz-khan, qui étoit d'une même Religion que lui, agitoient fa confcience, & perfuadé qu'il pouvoit employer plus utilement fes armes contre les Calmouks & les Perfans, il envoya des Ambaffadeurs chargés de faire des propofitions de paix à ce Prince. Abdolaziz - khan qui avoit beaucoup fouffert dans cette guerre, les accepta ; & ces deux Princes vécurent depuis en bonne intelligence. Aboulghazi-khan céda le trône à fon fils Anufcha-mohammed Bahadour fulthan, dans le deffein de paffer le refte de fes jours à ne s'occuper que de la Religion, & à fervir Dieu; mais il mourut peu de tems après (c) ayant régné vingt ans.

Le Czar Pierre le Grand ayant deffein de rendre plus floriffant le commerce de fes Etats, vouloit établir une communication entre la Sibérie & les Etats Méridionaux de l'Afie, par le moyen de la riviere de Sirth, qui arrose le pays de Turkeftan. Suppofant, comme il étoit naturel de le faire, que cette riviere fe devoit décharger dans la mer

(a) L'an It, ou du Chien.

(b) L'an Bars, ou du Tigre. (c) Au mois de Ramadhan de l'an 2074 de l'Hegire, appellé Toufchkou, ou le Liévre. C'est la poftérité de ce Prince qui régne encore dans le Kharizme. Son petit-fils Hadgi mohamTom. III.

med bahadour khan envoya en l'an
1714 un Miniftre à Petersbourg, pour
y traiter d'une alliance avec la Cour
de Ruflie. Depuis il eft arrivé dans cet
Etat une nouvelle révolution dont on
ignore les circonstances.

Ttt

Caspienne, il fit il fit accompagner à plufieurs reprifes les CoApr. J. C. faques du Jaik, qui font accoutumés de courir le long des côtes de cette Mer, par des gens entendus dans la Marine, pour examiner en quel endroit cette riviere pouvoit avoir fon embouchure. Ceux-ci ne trouverent aucune riviere confidérable qui fe déchargeât dans la mer Cafpienne, entre la riviere de Jemba & l'Amou, que la feule riviere de Khefel (a), ils crurent qu'elle étoit celle qu'ils cherchoient, & ce qui acheva de les tromper, fut que les Cofaques les affûroient que cette riviere portoit le nom de Daria, qu'ils fçavoient être auffi celui de la riviere de Sirth. Après avoir examiné tous les bas-fonds de l'embouchure de cette riviere, avec les diverfes marques de fa reconnoiffance, ils firent leur rapport, en conformité de ce qu'ils croyoient avoir remarqué; & là-deffus le Czar prit vers l'année 1719. la réfolution d'y envoyer, par la voye d'Aftrakhan, un Brigadier nommé Beckowitz avec 2500 hommes pour s'emparer de l'embouchure de cette riviere. On choifit particulierement cet Officier pour cette expédition, parce qu'il étoit Circaffe, & que poffédant à fond la langue Tartare, il paroiffoit propre à faire réuffir cette entreprife. Mais les Tartares qui avoient pris de l'ombrage de ce qu'on étoit venu à diverses fois reconnoître la riviere de Khefel, & qui avoienr remarqué d'un au tre côté par les ouvertures qu'ils étoient obligés de faire de tems en tems à cette riviere pour abreuver leurs terres, qu'il feroit facile de la détourner & de la faire tomber dans le

lac d'Arall, par le moyen de certaines terres baffes qui fe trouvoient de ce côté, réfolurent d'entreprendre cet ou vrage. Ils faignerent la riviere en tant de divers endroits, qu'ils vinrent à bout de la conduire par trois bras différens dans ce lac; par-là le véritable lit fe trouva tellement diminué, qu'il fut aifé de le boucher. Lorsque Beckowitz arriva quelque tems après avec fes bâtimens à l'embouchure de la riviere de Khefel il la trouva à fec. Cependant pour exécuter les ordres qu'il avoit, il ne laiffa pas de faire mettre pied à terre à fes troupes, & de commencer à bâtir quelques forts aux Jaxartes. Daria fignifie en général un fleuve.

(a) Le Khefel eft le même que l'Amou ou l'Oxus; le Sir ou Sirth, eft le

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environs de-là, autant que le terrein fabloneux qu'il y trouva
le permit. Mais il s'étoit mis à peine en état de pouvoir faire
quelque réfiftance, que les Uzbeks du Kharizme le vinrent
attaquer avec une nombreuse cavalerie; Beckowitz fe dé-
fendit avec tant de réfolution, que défefpérant à la fin de
venir à bout de lui par la force, ils eurent recours à la
fraude. Le Khan des Tartares qui étoit en perfonne à la
tête de ce corps, lui fit dire en fecret qu'il étoit intérieu-
rement ami des Ruffes, & qu'il fouhaitoit de les voir éta-
blis dans fon voisinage, mais qu'il étoit obligé de s'oppo-
fer à eux dans cette occafion, à caufe des autres Princes
Tartares fes parens & fes voifins; qu'on avoit réfolu de
faire encore un dernier effort contre lui le lendemain, &
qu'en cas qu'on n'y réufsît pas mieux, on tâcheroit d'en venir
à un accommodement. Comme ce même Khan avoit fait
faire peu de tems auparavant de femblables proteftations à
la Cour de Ruffie, Beckowitz fe laiffa perfuader qu'il pou-
voit être fincere. Les Tartares ne manquerent pas, confor-
mément à l'avis qu'ils avoient donné, de venir`attaquer le
lendemain les Ruffes; mais ils furent repouffés avec perte.
Le Khan ayant alors envoyé deux de fes Mirzas pour
former du Général Ruffe, pourquoi il étoit venu se jetter à
main armée dans fes Etats, & ce qu'il fouhaitoit. Bec-
kowitz demanda qu'on fermât les ouvertures faites à la
riviere, & qu'on la débouchât entierement, afin qu'elle pût
reprendre fon cours ordinaire. Les Tartares lui repréfente-
à caufe que
rent qu'il leur feroit difficile d'y réuffir, à cause
de la riviere se jettoit toute entiere dans les trois bras qui
la portoient dans le lac d'Arall avec une fi grande rapidité,
qu'il étoit impoffible de les pouvoir boucher. Beckowitz
prit le parti de leur propofer qu'ils euffent à lui donner un
certain nombre d'ôtages pour aller le faire avec les trou-
pes; c'étoit ce que les Tartares fouhaitoient, & ils ne man-
querent pas de le lui accorder. Il fe mit auffi-tôt en marche,
après avoir laiffé quelque monde à la garde de fes forts.
Mais les ôtages qu'on lui avoit donnés, & qui lui fervoient
en même-tems de guides, le menerent par des endroits dé-
ferts où il n'y avoit que quelques marres d'eau croupiffante,

s'in

l'eau

Apr. J. C.

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