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Apr. J. C.

qui ne pouvoient pas fuffire. Après cinq jours de marche; Beckowitz & fes troupes fe trouvant manquer d'eau, leurs conducteurs propoferent comme d'eux-mêmes, de fe partager en différens corps, & de marcher par diverfes routes, afin de pouvoir trouver plus aifément autant d'eau qu'il leur en falloit. Beckowitz fe voyant engagé fi avant, fut obligé de confentir à cette propofition, quoiqu'il ne laissât pas d'entrevoir ce qui en pourroit arriver, & les Ruffes s'étant féparés en différens corps, les Tartares les vinrent envelopper les uns après les autres firent mourir Beckowitz avec la plus grande partie de fes gens, & réduifirent le refte en efclavage: alors ceux qui étoient reftés à la garde des forts, fe rembarquerent au plus vîte, & s'en retournerent à Aftrakhan.

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Aujourd'hui le Kharizme eft partagé entre divers petits Princes Tartares qui font tous de la même famille; un d'entre eux porte le titre de Khan, & a une efpece de fupériorité fur les autres, autant qu'il sçait la faire valoir; celui-ci fait fa résidence dans Urghens ou dans les environs vers les frontieres de Perfe. On appelle communément les Tartares du pays de Kharizme Tartares de Chiva, à cause que l'endroit où campe leur Khan pendant l'été fur les bords de la riviere d'Amou, eft appellé Chiva. Ce Khan eft Souverain dans fes Etats, & ne dépend point de celui de la grande Bukharie, quoique les Perfans confondent les Tartares du Kharizme avec ceux de la grande Bukharie, & qu'ils les appellent tous Tartares Uzbeks.

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A

Le Kharizme eft habité par trois fortes de peuples. Les Sartes qui font les anciens habitans du pays; les Turkomans qui s'y font établis long-tems avant les Tartares, après s'être féparés des Kanklis, parmi lefquels ils habitoient auparavant dans le Turkeftan; les Uzbeks ou les Tartares qui y vinrent avec Schaibek fulthan, & les autres defcendans de Scheybani-khan, fils de Toufchi-khan.

Les Sartes & les Turkomans vivent de leurs beftiaux & de l'agriculture. La plupart des Uzbeks vivent de rapine; & comme ceux-ci font un même peuple avec les Uzbeks de la grande Bukharie, ils ont auffi le même extérieur, le

même culte, les mêmes inclinations, & les mêmes coûtumes, excepté qu'ils font beaucoup moins polis & plus in- Apr. J. C quiets. Ils habitent en hyver dans les villes & les villages qui font vers le milieu du pays de Kharizme, & en été ils viennent camper pour la plus grande partie aux environs de la riviere d'Amou, & dans les autres endroits où ils peuvent trouver de bons pâturages pour leurs befftiaux. Ils attendant continuellement quelque occasion favorable d'aller faire des courfes fur les terres voisines: parce les efclaves & les autres effets de prix qu'ils emportent que font toutes leurs richeffes. Lorfque les forces de cet Etat ne font point partagées, il peut facilement armer quarante à cinquante mille hommes d'affez bonne cavalerie. Quoique ces Uzbeks ayent des habitations fixes, ils ne laissent pas de conferver encore la coûtume de fe transporter de tems en tems en différens endroits avec tous leurs beftiaux, à l'exemple de leurs ancêtres, pour chercher de bons pâturages. Mais ils font encore fort adonnés au brigandage; c'eft pour cette raifon qu'ils négligent d'aller fur les bords de la riviere de Khefel, parce qu'ils y feroient moins à portée de faire des courfes chez leurs voifins, & parce qu'ils auroient à repouffer les Caracalpaks qui ont la même inclination. Les Sartes & les Turkomans font les feuls qui profitent des pâturages que l'on trouve fur les bords du Khefel; les Uzbeks fe retirent vers l'Amou, d'où il leur eft facile d'aller porter le ravage en Perfe.

Urghens eft encore aujourd'hui la capitale du Kharizme. Elle eft fituée dans une grande plaine au Nord de la riviere d'Amou à 39 degrés, 50 minutes de latitude, & à 25 lieues d'Allemagne du rivage Oriental de la mer Cafpienne. Elle a été fort confidérable autrefois; mais depuis que les Tartares la poffedent, & que le bras Septentrional de la riviere d'Amou, qui paffoit autrefois au pied de fes murs, a pris un autre cours, elle n'eft plus qu'un méchant village d'environ une lieue de tour, dont les murailles font de briques cuites au foleil, avec une espece de foffé fort étroit, & comblé d'ordures en plufieurs endroits. Toutes les maifons que l'on voit dans cette ville ne font que des

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chaumieres bâties de terre. Il eft vrai que l'on y trouve un château de briques, mais il eft fi délabré, qu'à peine la quatrieme partie en eft encore logeable, & les Mofquées de briques que l'on y voit font à peu-près en auffi mauvais état. Les Tartares du pays de Kharizme, auffi-bien auffi-bien que tous les autres Tartares ne fçavent que détruire, & font peu portés à élever ou à conferver les bâtimens. La feule chofe que l'on entretient encore avec quelque foin dans Urghens, eft une grande & large rue vers le milieu de la ville; elle eft couverte d'un bout à l'autre pour garantir les marchandises qu'on y étale, des injures du tems, à cause que cette rue fert de marché à toute la ville. Les environs d'Urghens font fort ftériles, parce qu'ils ne peuvent plus être arrofés par les eaux de la riviere d'Amou. Les Khans du pays de Kharizme font ordinairement en hyver leur réfidence dans la ville d'Urghens: en été, ils vont camper vers les bords de la riviere d'Amou, ou dans quelque autre endroit agréable du pays, felon les conjonctures du tems & la difpofition de leurs affaires. Il y a peu de commerce à préfent à Urghens, quoique cette ville foit fituée fort avantageusement, & qu'elle puiffe être l'entrepôt des Marchands de tous les pays voifins, & elle eft négligée par les Etrangers, à caufe du peu de fûreté qu'il y a chez ces Tartares.

L

LES COSA QUES

Es Cofaques qui font ainfi nommés du mot de Kap- Apr. J. Ci tchac que l'on a corrompu, tirent leur origine de ces vaftes plaines qui font à l'Orient du Volga, & font par conféquent des reftes d'une infinité de Hordes Turques & Tartares qui font venues s'y établir en différens tems. Au com- Bergeron mencement du treizieme fiécle, quelques Religieux Dominicains de la Hongrie y prêcherent le Chriftianifme; ils faifoient parmi ces peuples de grands progrès, lorfque Genghizkhan. vint en arrêter le cours. Les Kaptchacs, autrement nommés Kumans, vaincus par les Mogols, abandonnerent leur pays, & pafferent en partie en Hongrie, auprès du Roi Bela qui leur donna des habitations. Ceux-ci étoient au nombre de quarante mille; d'autres furent vendus comme prifonniers par les Mogols aux Princes de la famille de Aboulfedha Saladin. Ces efclaves s'emparerent dans la fuite de l'Egypte, & furent connus fous le nom de Mameluks. Nous parlerons de ces derniers dans le Volume suivant, & nous allons nous arrêter fur ceux, qui difperfés fur les frontieres de l'Europe, y ont fait de grands ravages, & ne ceffent encore d'en faire tous les jours.

des Tatarsa

La nation des Cofaques (a) eft très-étendue, & forme Hift. géné un peuple fort nombreux, que les Ruffes diftinguent en trois branches, dont chacune porte le nom des lieux qu'elle occupe. Comme ils appellent en leur langue Porovi les cataractes des rivieres, ils ont donné aux Cofaques qui habitent auprès des cataractes du Boryfthene le nom de Saporovi. Ceux-ci s'étendent depuis le 48 deg. de lat. jufqu'au 51. La feconde Branche comprend les Cofaques habitués aux deux côtés du Don; ils portent le nom de Kofakki

(a) On trouve dans l'Hiftoire de Puffendorf quelques détails fur les Cofaques, qui font tirés des notes de l'Hiftoire généalogique des Tatars. On y a fait quelques additions. Je n'ai pas

cru devoir m'écarter de ces deux four-
ces, d'autant plus que l'Hiftoire des
Cofaques mérite peu que l'on entreprene
ne de grandes recherches.

Donski; enfin ceux qui vivent autour du Jaik, compo Apr. J. C fent la troisieme, & s'appellent Kofakki Jaickzi.

COSAQUES SAPOROVI.

Les Cofaques Saporovi, voifins du Borifthene, étoient répandus vers l'an 1500 dans les vaftes campagnes qui font aux environs de ce fleuve, où ils s'étoient réfugiés dans le tems de l'irruption des Mogols. Lorfque ceux-ci commencerent à s'affoiblir, les Cofaques qui avoient eu beaucoup à fouffrir de leur part, ne manquerent point de les attaquer à leur tour. Ils eurent des fuccès affez heureux, & remporterent des avantages qui les encouragerent. Devenus hardis & entreprenans, ils attaquerent fouvent les Mogols, & les battirent en plufieurs rencontres. Les Ruffes & les Polonois voyoient avec plaifir leurs ennemis communs affoiblis par une Puiffance qui ne leur demandoit ni fecours, ni subsides. Les Cofaques vivoient alors fans aucune liaison avec leurs voifins; libres & indépendans, ils n'avoient fait la guerre aux Tartares que par un efprit de vengeance.

La Ruffie commença à fon tour à devenir redoutable à fes voisins. Le Czar Ívan Vafilovitz, que la plupart de nos Hiftoriens ont appellé Bafilides, avoit un courage féroce & une vaste ambition; les Polonois qui le craignoient autant qu'ils appréhendoient les Tartares, fongerent à s'attacher les Cofaques comme des amis qui pouvoient leur être utiles dans le befoin. Ils leur offrirent leur alliance, & les prirent folemnellement fous leur protection dans une diete tenue en 1562. Les conditions de la confédération furent que la Pologne payeroit aux Cofaques un fubfide pour tenir toujours fur pied un bon corps d'armée prêt à la défendre: on leur affigna même tout le pays qui eft entre le Boristhene & le Niefter, vers les frontieres des Tartares, avec la ville de Tretimirow qui eft fur la rive droite du Boryfthene, à dix ou douze lieues de Kiow, pour places d'armes. Cette province étoit alors déferte & inculte, à caufe des fréquentes incurfions des Tartares. Les Cofaques s'appliquerent à cultiver un terroir dont ils eurent bientôt éprouvé la bonté. En fort peu

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