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de tems tout ce pays changea de face, & fut orné de grandes villes & de beaux villages; la province d'Ukraine deyint une des plus belles de la Pologne.

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Les Cofaques furent regardés pendant près d'un fiécle comme un des plus fûrs boulevarts de la Pologne. Ni les Ruffes, ni les Tartares ne pouvoient faire aucun mouvement, qu'ils ne trouvaffent les Cofaques. Ces derniers alloient même braver les Turcs jufqu'au voifinage de Conftantinople, en pillant & ravageant les côtes de la Mer Noire. Ils fe fervoient avantageufement des petites ifles que forme le Boryfthene au-deffous des cataractes. Il y en a quelques-unes vers le milieu qui font tellement cachées parmi le grand nombre de celles dont elles font environnées, qu'il n'eft pas poffible d'y aborder, à moins d'avoir que une exacte connoiffance des détours qu'il faut fuivre, & il est très facile de s'égarer. C'eft dans les plus reculées d'entre ces ifles qu'ils avoient leurs chantiers & leurs magafins. Ils y équipoient de tems en tems de petites flottes, compofées d'une efpece de bâtiment qui eft une demigalere. Ils couroient toute la Mer Noire, pillant le long des côtes les villages & les bourgs où ils pouvoient aborder. Ils ne reconnoiffoient pour Officier général que leur Hetman qui commandoit en chef tant dans la province que dans l'armée. Ce Chef, indépendant du grand Général de la Couronne de Pologne, agiffoit prefque toujours féparément avec les Cofaques, mais rarement fans avoir confulté les Polonois. Ce n'étoit point un fujet ni un fubalterne, à qui on envoyât des ordres, c'étoit un allié que l'on employoit utilement, & que l'on ménageoit. Ce Général choisi par la nation, ne pouvoit être qu'un national parvenu à cette dignité, en paffant par les principaux emplois de la Milice; & fi les Polonois avoient ufé avec modération des fecours qu'ils tiroient de ce peuple, ils auroient confervé un appui fi important. Mais ces campagnes incultes qu'on lui avoit données autrefois, étoient devenues par la culture l'objet de la convoitise des Seigneurs Polonois. Ils acquirent à dans l'Ukraine des biens dont ils formerent des peu peu terres confidérables; & comme leurs acquifitions en ce paysTom. III. V v v

Apr. J. C.

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là leur rapportoient des revenus plus grands que
celles qu'ils
poffédoient ailleurs, ils s'appliquerent de plus en plus à ti-
rer de la fertilité du terroir tous les avantages qu'ils en pou-
yoient recueillir.

Accoutumés à traiter en efclaves les paysans établis dans leurs terres de Pologne, ils voulurent mettre les Cofaques fur le même pied, & exigerent de ceux qui étoient habitués dans le reffort de leurs acquifitions des corvées & d'autres travaux attachés à la fervitude. Les Cofaques paffionnés pour leur liberté ne purent fe foumettre à un joug fi contraire à leur humeur indépendante. Les Polonois youlurent les y réduire avec hauteur. Ce peuple prit les armes, & implora la protection des Turcs & de la Ruffie. Ce fut la femence d'une guerre qui dura plus de vingt ans, & qui fut d'autant plus funefte à la Pologne, que ceux qui avoient coutume de lui fervir de rempart contre les Turcs, combattoient en faveur de ces derniers, & leur ouvroient les portes du Royaume. La Ruffie trouva moyen de fe les attacher ; & comme l'Ukraine Polonoise avoit été faccagée pendant cette guerre, les Cofaques allerent s'établir dans I'Ukraine Ruffienne.

Un autre motif déterminoit encore les Cofaques à fe révolter. Accoutumés à faire des courfes chez les Turcs, ils en rapportoient fouvent un riche butin. Les Turcs s'en plaignirent à Etienne Battori, Roi de Pologne, & menacerent de faire la guerre à la Pologne, fi on ne leur en faifoit fatisfaction. Ce Monarque fit mourir le Chef des Cosaques pour avoir rompu la paix, & expofé le Royaume à une guerre. On fit enfuite des réglemens pour retenir ce peuple dans une difcipline exacte, & l'empêcher d'aller voler les Marchands fur la frontiere; mais les Cofaques ne voulant point exécuter ces ordres, il fut réfolu de les exterminer. Cependant dans la guerre que les Polonois eurent contre les Suédois, on eut befoin d'eux. Ils rendirent de grands fervices, & rentrerent en grace l'an 1601. Mais comme ils ne pouvoient être tranquilles, on fut obligé de renouveller les loix qui avoient été faites pour les retenir. Le Roi Sigifmond & la Diete de 1611. ordonnerent que les Cofaques,

à caufe de leur infupportable licence, ne feroient point employés à la guerre, finon dans le cas où la République se- Apr. J. C. roit dans un extrême danger. En 1613 on commanda aux Généraux de l'armée Polonoise de marcher contre eux, & de les traiter en ennemis de l'Etat. Il paroît qu'ils fe modérerent, puifqu'en 1618 on fe contenta d'ordonner que les Cofaques n'infefteroient point les Etats voifins. Après avoir obfervé pendant quelques années ces ordres, les Cofaques recommencerent leurs courses, & allerent en 1626 avec une flotte dans le Bofphore, entrerent dans le canal de la Mer Noire, brûlerent les villages, & répandirent l'allarme dans Conftantinople. Les Turcs leur oppoferent une petite flotte. Les deux armées navales demeurerent en préfence jufqu'au coucher du foleil; alors les Cofaques s'en retournerent chargés de butin. Ils firent plufieurs fois de femblables incurfions, profitant de la foibleffe où étoit alors l'Empire Turc, & d'Amurat IV. qui encore jeune vivoit sous la tutelle de fa mere. Peut-être n'étoit-on pas fâché qu'ils rendiffent aux Turcs les maux que les Tartares de Crimée faifoient à la Pologne par leurs courfes. Celles des Cofaques inquiétoient Amurat jufques dans fon férail. On fe plaignit d'eux à l'Ambassadeur de Pologne qui répondit affez fiérement que les Cofaques ne faifoient rien que de jufte, puifque la derniere irruption des Tartares dans la Pologne avoit été autorisée par une commiffion du Grand-Seigneur. Peu après les Cofaques recommencerent une autre course avec deux cents de leurs galeres, & quoique la flotte Ottomane fût dans le port, ils avancerent jufqu'à la colomne de Pompée. Par-là ils fermoient le paffage des vivres qui viennent journellement de la Mer Noire. En même tems les Polo nois avoient un corps de trente mille hommes fur la frontiere. La Porte fit partir un Chiaoux chargé de faire des propofitions avantageufes, à condition.qu'on réprimeroit les courfes des Cofaques. Le Chiaoux fut d'abord affez favorablement reçu, & on étoit près de conclure le traité, lorfqu'on apprit que dix mille Tartares étoient entrés en Podolie on le renvoya auffi-tôt en lui reprochant la perfidie des Turcs. La rupture paroiffoit inévitable mais un nouveau > V v v ij

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Vaivode que l'on envoyoit en Moldavie, & chargé secréte-
ment par
le Kaïm-macam de fe rendre médiateur entre la
Porte & la Pologne. Il s'acquitta de fa commiffion fi heu-
reufement, que la paix fut fignée, & que les Polonois
pro-
mirent d'arrêter à l'avenir les courfes des Cofaques, & d'en-
voyer un Ambaffadeur à Conftantinople. Les Polonois pour
donner de l'occupation aux Cofaques, les employerent con-
tre les Ruffes; & l'Ambassadeur de Pologne s'obligea pour
fa nation de donner tous les ans aux Tartares vingt mille
florins, & de leur faire délivrer, felon d'anciens traités, fix
mille paires de bottes par an; moyennant quoi les Tartares
promirent de ne point entrer en Pologne comme ennemis
& même de fervir la République dans les guerres qu'elle
auroit, pourvû que ce ne fût point contre la Cour Otto-

mane.

,

Cette guerre contre la Ruffie dura long-tems. Vladiflas le Grand y remporta des avantages fi confidérables, qu'en、 fin les Ruffes rechercherent l'affiftance des Turcs; alors les Cofaques recommencerent leurs courses en Turquie, & la paix fut rompue avec la Pologne en 1634. Cependant elle fut rétablie dans la même année, & la Diete de Pologne qui fe tint l'année suivante, défendit très-févérement aux Cofaques d'infefter les terres des Turcs. La licence qui avoit été un peu réprimée par les Edits, n'en éclata qu'avec plus de fureur, lorfqu'ils en trouverent la moindre occafion. Le plus léger refroidiffement de la Porte & de la Pologne leur fourniffoit le prétexte de recommencer leurs courfes, fans mê me attendre les ordres. Enfin Vladiflas irrité de voir que contre les articles du traité ils ne laiffoient pas de faire des courses fur les Turcs, & de lui attirer fur les bras de nouvelles affaires, prit le parti d'envoyer dans leur pays Konieczpolski, grand Général de Pologne, qui bâtit en 1637, au confluent de la Samora & du Boryfthene, la fortereffe de Hudak ou Kudak, pour mieux tenir en bride cette nation; & comme ce reméde ne produifoit pas l'effet qu'on en avoit attendu, on en employa de plus violens. L'année fuivante on condamna à mort Pauluko leur Chef, & la fentence fut exécutée à Varfovie. En même tems on leur enleva la ville de Trechti

gens

mirow, & on abolit leurs priviléges. Il est vrai que par des conventions ils demeurerent dans la foumiffion, mais ils fe Apr. J. C plaignirent fouvent qu'on ne les traitoit pas comme des de guerre, & ils ne chercherent plus que l'occafion de fecouer le joug des Polonois: elle se préfenta bientôt. Czaplinski, Vice-gouverneur du territoire de Czehrin & Chmielniski, eurent ensemble une dispute pour une terre. Ce dernier, quoique d'une grande maison de Lithuanie, étoit fi décrié dans fa patrie, que n'y pouvant plus être avec honneur, ni même en fûreté, il s'étoit retiré dans l'Ukraine; les Cofaques fe révolterent, le prirent pour leur Chef, & fe retirerent dans les bois. Ce n'étoit d'abord qu'un petit nombre de mécontens mais quantité d'autres fe joignirent à eux, & quand ils fe virent en affez grand nombre pour tenir la campagne, ils fortirent de leur retraite, battirent les Polonois, & firent un grand butin.

Le Roi Jean Cafimir ayant fuccédé à Vladiflas fon frere en 1647, fe trouva fort embarraffé de cette guerre. La Nobleffe Polonoise l'excitoit à accabler les Cofaques. Mais fentant que ces peuples n'avoient pas tort, il laiffa faire les Nobles qui furent battus. Les Cofaques qui avoient eu foin de s'affocier les Tartares toujours prêts à partager le butin, poufferent leurs courses jufqu'à Zamoska qui n'est qu'à vingt lieues de Varfovie, & fe rendirent maîtres de Kiovie, où Chmielniski établit fa cour. Le Roi accorda enfin ce que la nation lui demandoit : il marcha à la tête d'une armée contre les Cofaques, leur livra bataille, & la gagna. Ce fuccès fut fuivi d'un traité de paix, où il parut par les conditions qu'on leur fit , que le Roi étoit bien-aise de se délivrer de cette inquiétude; la Nobleffe en murmura. Les Cofaques en faifant la guerre aux Polonois, avoient toujours protefté qu'ils ne prenoient les armes que pour obtenir la jouiffance de leurs anciens priviléges, & d'une liberté telle qu'il convient à une nation militaire qui s'étoit donnée comme alliée à la Pologne, pour l'aider dans fes guerres, & non pour

être traitée en efclave. Les Polonois firent une faute inexcufable en portant leur Roi à mettre les Cofaques au défespoir; on devoit au contraire les ménager, afin d'avoir une milice

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