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Que ces Meffieurs font peu d'ufage de leur Philofophie! ou que c'est une étrange Philofophie que la leur Ce Grand Géométre vous connoît bien peu, ou fait femblant de vous bien peu connoître. Vous avez eu tous les égards que l'on pouvoit avoir pour lui. Vous avez été près d'un an à ne me parler de fa Chronologie que de vive voix, & fans me la montrer. Les difficultez que j'eus l'honneur de vous propôfer, firent impreffion fur vous. Vous vous pèrfuadâtes que ce feroit faire plaifir à M. Newton que de les lui envoyer. Vous me priâtes de les mettre par écrit ; mais afin qu'elles fuffent plus juftes, vous crûtes qu'il falloit que je viffe l'ouvrage que je réfutois. Vous me le communiquâtes donc alors; mais ce ne fut qu'en vûë de rendre fervice à M. Newton. Vous exigeâtes en même tems, & vous avez continué d'exiger de moi un fecret inviolable. Vous m'êtes témoin, Monfieur, que je l'ai gardé avec la fidélité la plus fcrupuleufe, & que ce n'eft point affûrément par mon canal, qu'ont en la Chronologie de M. Newton, ceux qui l'ont traduite & publiée. Le Libraire fait même que j'ai toûjours parlé net fur cela, & que j'ai conftamment blâmé ce procédé. Mais ce n'est point à quoi je veux m'arrêter ici. Vous n'avez pas befoin M. d'Apologie, & moi je hai tout ce qu'il y a de pèrsonnel dans les querelles litéraires. Rien n'eft plus inutile, ni plus defavantageux même aux beaux Arts. On perd inutilement en plaintes & en reproches un tems & des veilles qu'on devroit employer à perfectionner les Sciences. Que le Public a-t-il befoin de nos démêlez, & quelle utilité en peut-il tirer?

Je fuis cependant bien aife que M. Newton ait répondu. Sans cela la réfutation de fon Syftême ne feroit pas complete. Sa Réponse va me fournir la matière d'une cinquiéme Differtation qui y donnera les derniers coups. Car cette Réponse ne m'a point fait changer d'avis, & ne me réconciliera jamais avec le nouveau Systême. Je conviens pourtant, puifque M. Newton nous découvre fa penfée, je conviens que je me fuis trompé au regard du point où il a prétendu placer le milieu d'Ariès pour l'année 939. avant Jésus-Chrift. Je conviens même que je fuis la première

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caufe de l'èrreur dont M. Newton fe plaint. Mais fi je me fuis trompé, & fi j'en ai trompé d'autres, n'eft-ce point un peu la faute de M. Newton ? Que ne s'expliquoit-il Cèrtainement avant fa Réponse, il n'eft venu à l'efprit de qui que ce foit de penfer autrement que moi. M. Newton lui-même, quand il eût vû mes Remarques, ne trouva point que je priffe mal fa penfee; il ne s'en plaignit pas du moins; il répondit fimplement qu'autant qu'il s'en pouvoit fouvenir les Anciens difoient que Chiron avoit trouvé l'équinoxe au 15° degré ou au milieu de la conftellation d'Ariès. Que ne marquoit-il où il plaçoit ce se degré ou milieu d'Ariès, ou du moins en quel endroit il faifoit commencer cette constellation? M. Newton n'ayant marqué ni l'un ni l'autre, que pouvois-je faire de mieux que de fuppôfer que de tous les partis que l'on peut prendre en cette matière, il avoit choifi le plus raifonnable, & le feul vray & manifeftement vray, & qu'il n'avoit point donné dans celui de tous qui eft le moins fondé & le moins foutenable?

Cependant puifqu'il nous explique enfin fa penfée, il faut s'y arrêter, & éxaminer fi elle eft folide. Je ferai plus, & pour éclaircir entièrement ce point de Chronologie, & montrer qu'il n'y a que le fentiment que j'ai fuivi qui foit raisonnable & vrai, je vais confidérer tous les partis que l'on peut prendre fur cela, c'eft-à-dire, tous les endroits où l'on peut s'imaginer avec quelque apparence de raifon que Chiron plaça les quatre points cardinaux du ciel. Vous verrez, Monfieur, fi je ne me trompe, que de tous ces partis il n'en eft aucun, qui foit tant foit peu raifonnable, qui ne foit auffi contraire au Systême de M. Newton, qu'ils y font plus ou moins contraires, felon qu'ils font plus ou moins raifonnables, & que le feul qui rentre dans le Syftême de M. Newton, non feulement eft faux, mais n'a pas même la moindre vrai-femblance.

La Réponse de M, Newton ne me fait donc rien changer à ma prémière Differtation. Elle fubfifte en fon entier, & va rentrer naturellement, comme on le verra dans ce que j'ai à dire ici. Si elle ne réfute pas ce que M. Newton penfe, elle montre que le parti le plus raifonnable &

le feul vrai que l'on puiffe prendre ici, détruit abfolument le nouveau Syftême. Reprenons maintenant la chofe au point où la Réponse de M. Newton la met, & remontons aux principes.

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I. Chiron 10. forma les conftellations, ou du moins apprit aux Grêcs à les diftinguer & à les connoître. Cela eft certain. Clément Alexandrin le dit d'après un ancien Auteur, & nous en fommes d'accord M. Newton & moi.

2o. Chiron en formant les conftellations plaça, ou trouva les quatre points cardinaux au milieu de leurs conftellations, l'équinoxe du Printems au milieu de celle qu'il appella le Belier, Ariès; celui de l'Automne au milieu de la Balance; le Solstice d'Eté au milieu du Cancre; & celui d'Hyvèr au milieu du Capricorne. On convient encore de part & d'autre de cet article. Pour moins embaraffer le discours, ne prenons qu'un des points cardinaux, l'équi noxe du Printems, & le Signe d'Ariès. C'eft la même chôfe pour tous les autres, & ils dépendent de la fituation

de celui-ci.

3o. Pour connoître donc en quel tems vivoit Chiron, en quel tems il faifoit dans le Ciel un arrangement fi utile, nous n'avons qu'à calculer le mouvement du Solstice, & à voir combien il y a d'années qu'il étoit à ce point que Chiron choifit pour être le milieu des conftellations. C'est encore un article incontestable.

ce

4o. Mais pour calculer ce mouvement & trouver tems, il faut favoir quel point du Ciel étoit le milieu d'Ariès; il faut favoir où Chiron fit commencer cette prémière constellation du Zodiaque M. Newton fuppôle que ce fût beaucoup à l'orient de la prémière étoile d'Ariès appellée l'oreille du Belier; & moi je foûtiens que c'est à cette étoile-là même que Chiron fit commencer le Signe ou la Dodécatémorie d'Ariès, & tout le Zodiaque dont elle eft la prémière partie. Lequel de nous deux dit vrai? eft-ce M. Newton? eft-ce moi? Voilà précisément l'ètat de la question.

II. Il n'eft point au refte de queftion, point d'époque plus utile ni plus importante dans la Chronologie. Chi ron vivoit au tems de l'expédition des Argonautes: il fit

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cet arangement du Zodiaque en leur faveur, & pour l'uti lité de leur navigation; il y travailla donc pendant qu'ils en faifoient les préparatifs, & que toute la Grèce étoit en mouvement pour ce voyage. Nous avons donc par là le tems de cette expédition. Cette expédition eft liée avec la prife de Troye & la prife de Troye avec le retour des Héraclides; les Anciens nous difent l'interval qu'il y a de l'une à l'autre. Nous pouvons donc fixer par là ces événemens fi fameux. La prife de Troye tient de même dans plufieurs Anciens à la Fondation de Rome, & au commencement de la guèrre du Péloponêfe. Les années de cette guèrre sèrvent à fixer celles du régne d'Artaxerxes Longimanus. Des années de ce Prince dépend le calcul des feptante Semaines de Daniel. Que d'époques confidérables, que d'événemens importans à la Chronologie & à la Religion dépendent donc de la fixation de cette inftitution de Chiron ! & par conféquent de quelle conféquence eft-il de la bien fixer.

M. Newton l'a fenti, & il a tâché d'en tirer avantage pour établir fes nouvelles idées. Voyons s'il y réüffit.

III. J'ai dit, & il eft clair que pour connoître en quef tems Chiron forma le Zodiaque & plaça ou trouva l'équinoxe au milieu d'Ariès, il faut favoir quel étoit le point du Ciel, dont il fit le milieu d'Ariès, & conféquemment où il plaça le commencement d'Ariès & du Zodiaque ; fi ce fut à la prémière étoile d'Ariès; fi ce fut à l'orient ou à l'occident de cette étoile; & combien de part our d'autre il l'en éloigna. Sans cela comment connoître combien cette étoile a avancé in confequentia Signorum, ou combien l'équinoxe a rétrogradé depuis Chiron jufqu'à nous & fi l'on ne fait de combien de degrez, de minutes & de fecondes eft l'un ou l'autre de ces mouvemens, comment le réduire en années, & trouver le tems de Chiron La fixation du commencement d'Ariès eft donc abfolument néceffaire. M. Newton ne nous l'apprend point. Il dit fimplement que Chiron plaça ou trouva l'équinoxe au milieu d'Ariès, & ne dit point quel point du Ciel occupoit ce milieu d'Ariès, ou le commencement d'Ariès.

Mais quoique M. Newton ne fixe point le commence

ment d'Ariès, cependant puifqu'il détèrmine le tems de Chiron, il y a néceffairement un point du Ciel, auquel il fuppôle que cet ancien Aftronome plaça le commencement d'Ariès; & il eft aifé de le trouver par le calcul.

Au refte, dans les calculs que je vais faire, comme dans ceux que j'ai faits dans ma prémière Differtation, je me fuis fervi des Tables de M. De la Hire & de celles du St Royer ou plutôt du P. Anthelme Chartreux, faites les unes & les autres pour 1700. complet. Il y a pourtant quelque différence entre ces Tables; mais cette différence n'en peut mettre dans le calcul aucune qui foit favorable à M. Newton. D'ailleurs, c'est à celles de M. De la Hire que je m'en tiens pour le point capital, je veux dire, pour la longitude de la prémière étoile d'Ariès, appellée l'oreille du Belier. Je me sèrs auffi quelquefois de celle de Street; mais ce n'eft que pour les diftances des étoiles entre elles. On verra dans la fuite que je me sèrs encore de celles de MM. de l'Obfervatoire, que M. Maraldi m'a fait la grace de me communiquer. Je l'aurois toûjours fait, fi je les avois euës plûtôt.

Il y a encore une Remarque à faire ici avant d'enque trer en matière. M. Newton croit que la prémière étoile d'Ariês étoit l'oreille du Belier; mais au vrai l'oreille du Belier n'étoit point alors la prémière étoile d'Ariès. J'ai trouvé que dans ces tems-là il y avoit au pied de devant du Belier une étoile de la prémière grandeur, qui étoit la prémière de cette conftellation

& le commence.

ment de tout le Zodiaque. Cette étoile étoit par fon af cenfion droite à 45'. & par fa longitude environ à 40'. à l'occident de l'oreille du Belier. C'eft Hipparque & Hygin qui me l'ont fait connoître. Hipparque dans fon Ouvrage fur les Phénoménes d'Aratus, L. III. C. 11. dit que l'étoile du Belier qui fe leve la prémière, eft celle du pied de devant Καὶ οἱ μὲν ἀτὶς ἀνατέλλει ὁ ὅπὶ τῇ ἐμπροςίς ποδός. Hygin qui la compte auffi parmi les étoiles du Belier Poët. Aftron- L. III. §. xIx. dit qu'elle étoit de la prémière grandeur. Aries.... habet in capite ftellam unam.

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in pede priore de PRIMIS unam. Enfin Hipparque au chap. 18. dit que la précédente des trois

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