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de couper pied à toutes ces chicanes, & de montrer combien non feulement le retranchement de 134. ans fait au tems de la Monarchie Romaine; mais la nouvelle idée qu'on nous donne d'une génération & de fa durèc, est infoûtenable. C'eft prendre la Chronologie de M. Nevvton par fes prémiers principes, & ce fera la matière d'une quatriême Differtation.

1.

QUATRIEME DISSERTATION.

Sur le fecond principe de la Chronologie de M. Newton, c'est-à-dire, fur la durée qu'il donne aux régnes, & aux fucceffions.

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Abbregé de la Chronologie de M. Nevvton commence à l'établiffement des Chananéens dans l'Egypte, après avoir été chaffez de leur pays par Jofué, ou plutôt au gouvernement du Grand Prêtre Héli, & finit à la conquête d'Alexandre. Il ne comprend donc de tout l'âge du monde que 789. ans. En ne liant point ce milieu des tems, ni avec ce qui précéde, ni avec ce qui fuit,on s'épargne bien des difficultez. On a même évité de marquer les années du gouvernement d'Héli. Ce qu'il y a de plus fingulier dans cette Chronologie, c'eft la réduction qu'on y fait des fucceffions & des régnes à une durée beaucoup moins longue que celle que les Anciens y ont donné. C'eft fur ce principe, dit M. Nevvton dans fa Préface, que j'ai bâti ce Syfteme de Chronologie, & que je l'ai rendu conforme au cours de la Nature, à l'Aftronomie, & à l'Hiftoire Sainte.

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II. Pour Hiftoire Sacrée, on ne peut guère juger fi elle eft conforme ou non à ce nouveau Syftême. 1o. Il en contient une fi petite partie, que quand il y paroîtroit conforme, il y pourroit encore être contraire en bien des chofes. 20. En ce qu'elle contient, on ne defcend dans aucun détail; on ne touche point à je ne fai combien d'endroits qui embaraffent; on ne parle point des années des Juges & des années de servitude; on ne fixe point la durée du régne de châque Roy de Juda & d'Ifrael; on n'ajuite point les an

res grecques, où M. Nevvton prétend prétend qu'ils n'avoient donné les années des régnes ni dans les unes, ni dans les autres, où il prétend feulement qu'ils ne l'avoient point fait dans l'Hiftoire Grecque. S'il entend qu'ils ne l'avoient fait ni dans les unes ni dans les autres, outre qu'il le dic fans preuves quant à la plupart de ces Hiftoriens, il le dit contre l'évidence manifefte au regard de quelques-uns qui nous reftent. Hérodote écrivoit affûrêment avant la mort & même cent ans avant la naiffance d'Aléxandre. Hérodote diftingue dans fon Hiftoire les régnes & les fuccéffions, & marque à châcun le nombre précis des années qu'il a duré, & cela non pas dans l'Hiftoire d'un peuple feu lement, mais de tous les principaux peuples dont il a parlé; des Rois des Lydiens, de ceux des Médes, des Babyloniens, des Egyptiens, des Perfes. Ctéfias en faifoit autant comme il paroît par quelques fragmens qui nous en restent, & entre autres par ceux que Diodore nous a conservez dans fon fecond Livre. On l'a donc fait ce dénombrement avant la mort d'Alexandre, au moins dans les Hiftoires étrangères.

Pour ce qui eft de l'Hiftoire Grêcque, ce que j'ai die en général eft encore vray ici en particulier. M. Nevvton avance ce fait fans aucune preuve. Il paroît que cette coûtume de marquer éxactement les années étoit fort ancienne & fort etenduë. Hérodote avoit appris ce qu'il nous en dit ou des Hiftoriens qui l'avoient précédé, ou des monumens, des Archives, des Traditions des peuples dont il parle, & de ce qu'il en avoit recueilli dans fes voyages. L'Antiquité & l'étendue de cet ufage paroît encore dans la Sainte Ecriture. Moyfe le prémier Hiftorien du monde diftingue prèfque toutes les générations & les fucceffions par les années que châcune a duré. S'il les omet quelquefois, comme dans les générations de Cain & dans les fuccéffions des Rois d'Idumée, c'eft qu'elles n'appartenoient point à l'Hiftore du peuple de Dien qu'il écrivoit, & qu'il ne touche les autres qu'en paffant. Mais on en conclueroit mal que ces peuples n'avoient pas des fuites de leurs fuc céffions diftinguées par le nombre des années comme les Hébreux. Et quand ces deux fainilles & quelques autres

encore ne les auroient pas euës, il n'en feroit pas moins vray par les autres éxemples qui fe voyent dans Moyfe,que cet ufage étoit très-ancien.Les autres Hiftoriens Sacrez pratiquent la même chôfe aprèsMoyfe.Ils comptent même fouvent les années des Rois étrangers; preuve que chez les autres peuples on les diftinguoit de même que chez les Hébreux. Et l'on peut bien croire en effer que ceux-ci n'ont pas été les feuls à pratiquer un ufage fi commode & fi naturel. Il eft certain que Moyfe n'a pû marquer fi précisément le nombre des années de tant de générations différentes qui l'avoient précédé depuis le commencement du monde, fans qu'il eût des mémoires fur lefquels il écrivoit, &-où ces années étoient marquées. Or un ufage qui a commencé avec le monde, qui continue enfuite de générations en gé nérations jufqu'à Moyfe, & après lui fous les Juges, fous les Rois Hébreux, qui fe trouve établi chez les Egyptiens, les Babyloniens, les Médes, les Affyriens, les Lydiens, les Perfes, ne peut être confidéré comme un ufage nouveau & fingulier; & quoiqu'il fe pût faire que quelques peuples en particulier ne l'euffent pas, on ne peut guères fuppôfer que les Grecs l'ignoraflent, eux à qui Cadmus avoit apporté les coûtumes de l'Orient; eux qui le voyoient établi chez leurs voifins comme les Lydiens & les autres peuples de l'Afie Mineure: eux qui le voyoient observer fi éxactement par les Egyptiens avec qui ils avoient tant de commerce. Ils avoient appris d'eux la Géométrie, l'Aftronomie, la Navigation, la Géographie, la Mufique. Dès qu'ils virent le vaiffeau fur lequel Danaüs avoit paffé chez cux, il leur prit envie d'en bâtir un femblable, & c'est fur ce modèle, dit M. Newton, que le navire Argo fut conf truit. Ils prirent d'eux leurs Oracles, leurs Divinitez, leur Religion, tout au fentiment même de M. Newton. Eft-il croyable qu'ils ne les ayent pas imitez dans l'Hiftoire, & qu'ils n'ayent pas emprunté d'eux l'ufage fi utile, fi avantageux, fi commode d'y marquer les années, s'ils ne l'avoient pas d'ailleurs. Quand ce ne feroit ici que des conjectures, quand ces conjectures ne feroient pas mieux fondées que celles de M. Newton, toûjours le feroient-elles auffi-bien pour le moins; & par conféquent en ce cas-là même les

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fiennes n'auroient plus aucune force, & ne pourroient déterminer un efprit raifonnable.

Mais Eratoftène & Apollodore cent ans après la mort d'Alexandre; donnèrent des Chronologies. J'aimerois autant que parce que le P. Daniel a donné il y a quelques années une Hiftoire de France, & que le Sieur Rapin Toi. ras vient d'en donner une d'Angleterre, on en conclut qu'avant le commencement de ce ficcle, il n'y avoit ni Hiftoire de France, ni Hiftoire d'Angleterre. Eratoftène ne put-il pas ramaffer & raffembler en un corps ce qui étoit épars çà & là en différens Auteurs; & quand il feroit le prémier qui eût donné un corps entier de Chronologie, s'enfuivroit-il que ceux qui l'avoient devancé, n'euffent point marqué les années des Rois dont ils avoient parlé ?

Mais quand nul Auteur Grec ne l'auroit fait avant lui combien de fecours trouvoit-il alors pour y reüffir, qui manquent aujourd'hui à M. Newton? Quelle foule d'Auteurs avoit-il fous les yeux, qui ne nous reftent plus Etoitil néceffaire que ces Auteurs fuffent Chronologiftes de profeffion, pour qu'on pût fur leurs écrits comparez & confrontez enfemble foriner une Chronologie? Combien tirons-nous de lumières des Auteurs qui n'ont à rien moins penfé qu'à nous donner des fuites de régnes & de fuccéfLions divifées par années? Combien établiffons-nous d'époques par de fimples Hiftoriens, par des Orateurs, des Poëtes même ? Quels fecours ne tirons-nous point d'Hérodote dans les endroits même où il n'a point marqué les fuites des régnes ou des fucceffions, ni de leur durée ? Combien en tirons-nous de Plutarque, de Strabon, de Diogene Laërce, de Suidas, de Cornelius Nepos, de l'incomparable Cicéron, de Salufte, de Céfar, &c. qui n'ont pourtant point fait de Chronologie? Combien de monumens reftoient dans les Temples, dans les Archives, dans les Places publiques, &c. au tems d'Eratoftène ? Combien de Traditions cèrtaines fur lefquelles il pouvoit compter? M. Newton eft-il plus en état qu'Eratoftène de nous donner la durée jufte de ces anciens regnes ? Quels fecours plus grands a-t-il pour cela après deux mille ans Qu'oppôfe-t-il à tout ceJa? Un calcul Aftronomique démontré faux, une régle de proportion

proportion déplacée, & qui fe tourne contre lui comme on le verra tantôt, un prétendu cours de la nature mal prouvé, ou plutôt qui fe trouve faux, toûjours au moins trèsfujet à caution & à des variations qui ôtent toute fûreté & tout appui à un Syftême.

Eratoftène & Apollodore ont été fuivis par tous les Chronologiftes poftérieurs, ce font les paroles de M. Newton. Quel préjugé contre lui? Car combien ces Chronologiftes poftérieurs, ceux principalement qui ont écrit les prémiers, étoient-ils plus en état que M. Newton de juger du travail d'Eratoftène & d'Apollodore? Et ne faut-il pas qu'il eût été généralement approuvé, puifque tous ceux qui vinrent après ne pûrent rien faire de mieux que de les fuivre & de les copier, fans que ni la Critique ou les recherches que l'on pût faire, ni la jalousie d'Auteur, ni l'ambition & les intérêts même des différens peuples de la Gréce fi envieux les uns des autres, y eût pû faire trouver du défaut, ou inventer rien de meilleur.

peu

Mais il y avoit des contradictions, & ces anciens Chronologiftes ne s'accordoient pas en tout. M. Newton en rapporte deux, l'une qui regarde Lycurge, & l'autre Solon. Et où eft l'Hiftoire, je ne dis pas de tant de différens ples; mais d'un feul peuple, d'une feule Province ou d'une Ville dans laquelle tous les Hiftoriens conviennent fur tout? Je dis dans l'Hiftoire même que M. Newton appelle l'Histoire véritable, & dont il fait la régle de l'ancienne. Ne trouve-t-on point de varietez entre les Hiftoriens de France, dans ceux d'Efpagne, d'Allemagne, d'Angletèrre, je parle de ceux même qui ont écrit depuis 200. ans & moins? Eft-ce un titre pour révoquer en général toutes ces Hiftoires en doute, & bâtir de nouveaux Syftêmes? Quels étranges principes de Critique! Voilà pour un

article.

II. Je dis en fecond lieu, qu'en quelque tems qu'on ait commencé à marquer les années des regnes & des fuccéffions; en quelque ignorance que l'on fuppôfe qu'on fût alors dans la Grêçe fur la durée de ces régnes & de ces fuccéffions, on ne les a point égalé aux générations. M. Newton le prétend; mais, 1°. Il le dit fans preuve. Il eft

N

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