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DISCOURS PRÉLIMINAIRE SUR la maniere d'écrire l'Hiftoire de l'Aftronomie, & d'expofer les progrès de cette science.

TANDIS

ANDIS que les grands hommes font marcher les fciences, augmentent le nombre des vérités, par des découvertes nouvelles, l'histoire répand ces vérités, elle fait descendre les connoiffances, comme les eaux amaffées fur la cime des montagnes, que la pente diftribue dans les plaines par des canaux. Ce bienfait des hauteurs appartient aux campagnes; les connoiffances les plus élevées appartiennent également à tous les hommes. Nous y fommes parvenus par degrés ; les moyens de recherche ont été pris dans la nature l'avons foumise en employant fa puiffance contre elle-même; les découvertes font les œuvres des hommes : il n'y a donc rien dans ces connoiffances, dans ces moyens, dans ces découvertes, qui ne puisse être saisi par des lecteurs attentifs. La lecture de l'histoire des sciences ne demande pas que l'on

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foit favant, elle eft un moyen de le devenir. La vérité a des traits qui doivent frapper tout le monde, quand elle est expofée fans voile; ce voile qui la cache, qui rend fon accès difficile, c'est un langage convenu, c'eft l'expreffion abrégéc, qui écrit cette vérité dans la tête des inventeurs. On peut la dépouiller d'une expreffion abftraite pour la montrer fous une expreffion fenfible: tout eft phyfique, tout peut se revêtir d'images; le ftyle peut être animé, vivant, décrivant un univers plein de mouvement & de vie. L'hiftorien a devant lui un grand tableau, les traits, les couleurs y font, il n'a befoin que de le copier fidellement pour le placer fous les yeux de fes lecteurs. L'efprit humain a été jeune, il a été pauvre avant d'être riche, il a été ignorant de ce qu'il ne favoit pas, comme ceux des hommes qui lifent aujourd'hui pour s'inftruire. Les idées fe font fucceffivement amassées, mutuellement engendrées, l'une a conduit à l'autre. Il ne s'agit donc que de retrouver cette fucceffion, de commencer par les idées premieres ; la route eft tracée, c'est un voyage qu'on peut refaire, puisqu'il a été fait : l'individu doit marcher dans fa lecture de quelques heures, comme l'espece a marché dans une longue fuite de fiecles.

Cet ouvrage a plufieurs objets importans : il appartient d'abord aux aftronômes, curieux de voir l'ensemble & l'enchaînement des faits qui leur font connus ; il eft encore destiné aux jeunes gens qu'il faut enflammer de l'amour de la fcience. Quand ils verront la nature, ils l'admireront; elle a des fecrets qui leur font réservés; la gloire pafiée

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laiffe à l'avenir beaucoup de gloire. Tant de myfteres approfondis, expliqués, tant de réponses favorables de la nature enhardissent à l'interroger. Ce spectacle doit exciter l'émulation, développer le génie; & s'il eft un jeune homme, qui, lifant cette hiftoire de l'Aftronomie, puiffe voir fans une admiration active & ambitieufe les reffources & les fuccès de l'esprit humain, ce jeune homme n'est point fait pour entrer dans la carrière. Mais la principale utilité de l'histoire d'une science eft de convenir aux gens inftruits, qui veulent s'inftruire davantage; elle doit faire connoître la fcience à ceux qui n'en ont aucune idée. Les hommes se font partagés les foins & les travaux ; chacun a fon diftrict, fes devoirs & fa gloire : l'hiftoire eft un moyen de communication entre les différentes claffes; c'eft un compte rendu devant l'efpece humaine des travaux de quelques individus. Elle est un témoignage de la hauteur où l'efprit humain eft parvenu; & en communiquant à tous les idées acquifes par un petit nombre d'hommes, elle éleve la génération vivante à ce niveau de connoiffances qui fait les fiecles éclairés.

Ces différens objets d'un même ouvrage en rendent la compofition difficile; ils multiplient les écueils dont l'écrivain eft entouré. Il faut des détails pour les aftronômes confommés, qui veulent y retrouver tout ce qu'ils favent, pour les jeunes gens qui ont besoin d'apprendre ces détails ; il faut à une autre forte de lecteurs des vues générales & intéresfantes, qui foutiennent la curiofité contre la féchereffe de ces détails. L'astronomie eft en partie phyfique & en partie

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mathématique; ces deux parties doivent être unies dans l'hif toire, comme elles l'ont été pour les progrès de la science. Mais nous ne montrerons de la partie mathématique que ce qui est absolument nécessaire pour faire connoître les moyens des découvertes, pour établir la foi due aux vérités obtenues. On ne se propose point ici de former des aftronômes; on ne doit donc expofer que les méthodes fondamentales; le reste appartient aux livres élémentaires. Le phyfique de l'aftronomie eft notre premier objet; il doit dominer, animer tout nous nous propofons de dire comment & par quel moyen l'homme s'est afsujetti l'univers.

Mais les faits de la nature font infinis comme elle, & les récits de l'histoire ne peuvent l'embraffer toute entiere ; l'étendue des explications eft également difficile à fixer; cette étendue pourroit varier autant que les lecteurs. Suivant le degré de leurs lumieres, il leur faut une inftruction plus ou moins développée, il faut leur présenter des faits plus ou moins ferrés. Dans une nation éclairée, les claffes inftruites forment comme une échelle affez large par sa base, étroite à fon fommet: en montant, la lumiere des individus augmente, & leur nombre diminue; un homme unique fait peutêtre à lui seul la plus haute claffe & le fommet de la chaîne des êtres intelligens. Dans les vues de la nature il faudroit ne lui montrer que celles qui ont faifi les grandes maffes: il est accoutumé à franchir les intervalles, à réduire beaucoup de chofes dans un petit espace, à ne voir que leurs fommités; il n'a befoin que de quelques faits pour embrasser l'histoire

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