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la tête de cette Hiftoire. Les Grecs, les Romains, les Chinois & quantité d'autres Peuples ont leurs tems fabuleux, qui ont été fuivis d'un fecond tems, où l'Hiftoire, quoi que vraie,eft encore obfcure & pleine de difficultés. Ce n'est que dans une troifiéme époque que la vérité historique commence à se manifefter ; je m'y arrête, & je n'ai plus d'autre garant, pour tout ce qui va fuivre, que des monumens sûrs & de la derniere authenticité.

Au Nord des frontieres Septentrionales des Provinces 'de Chenfi, de Chanfi & de Petcheli, habitoit autrefois une Nation célébre, qui a donné naiffance à celles que nous avons connues depuis fous le nom de Huns, de Turcs, de Mogols, de Hongrois & de Tartares: elle paroît commencer avec la Monarchie Chinoise, puifque dès le tems de l'Empereur Yao qui fleuriffoit vers l'an deux mille avant Jefus-Chrift, les Hiftoriens Chinois nous apprennent qu'elle étoit appellée Chan - yong, c'est-à-dire, Barbares des Monta- Ven-bienSous la premiere Dynaftie Impériale de la Chine gnes. nommée Hia, ces Barbares porterent le nom de Tchong-yo.. Les Empereurs de la Dynaftie de Cham connoiffoient ce pays fous le nom de Kuei-fang ou la Contrée des Efprits : ceux de Tcheou fous le nom de Hien-yun, & enfin ceux de Han fous le nom de Hiong-nou, (a) mot corrompu par les Chinois, & dont la vraie prononciation, qui nous est également inconnue, a formé le nom de Huns, Hunni, devenu célébre en Europe, par les incursions que ces Peuples y ont faites.

tum-kao. 9 Катто.

Anciennement tous les habitans de la Tartarie étoient 'divifés en Barbares d'Orient & en Barbares d'Occident. Les premiers, qui font les Ancêtres des Tartares Orientaux, habitoient au Nord de la Province de Petcheli, &

(a) Hiong-nou, ce mot en Chinois peut être traduit par malheureux Efclaves; mais je le crois un mot Tartare que les Chinois auront exprimé par deux caractères qui formoient le même fon.Il eft altéré, comme le font tous les mots étrangers qu'ils veulent exprimer dans leur langue. Cependant il pour

roit être Chinois d'origine;il n'eft pas rare
de voir dans la langue Tartare de ces for-
tes de noms. On peut citer pour exem-
ple celui de Mogol pour Mung', venu
de Mung qui en Chinois fignifie trifte,
& celui de Ung-khan pour Ouang-khan;
c'eft-à dire, le Roi que les Chinois ex-
priment par Ouang.

s'étendoient vers l'Eft jufqu'à la mer Orientale. Les feconds étoient campés dans les plaines & les vallées qui font au Nord du Chenfy, du Chanfy, & même du Pétchéli, sous la conduite de différens Chefs, où ils étoient uniquement occupés du foin de faire paître des troupeaux nombreux. Ils vivoient fous des tentes qui étoient pofées fur des chariots. Avec ces maifons ambulantes, ils fe transportoient facilement aux bords des rivieres & dans les plaines qui leur paroiffoient les plus propres à la nourriture de leurs beftiaux. Les Tartares modernes confervent encore Voyage de ces anciens ufages. Ils font errans : pendant l'hiver ils haRubruquis. hitent dans les plaines qui font au Midi, & pendant l'été Hift généal. ils remontent vers le Nord. Leurs tentes, dont quelquesunes ont vingt ou trente pieds de long, font faites de feutre blanc, enduites de chaux ou de terre, & terminées en une pointe qui eft ouverte. Elles font pofées fur des roues & traînées par un grand nombre de bœufs. C'eft de l'affemblage de ces tentes rangées par ordre, que formées les villes de la Tartarie. Les chevaux & les troupeaux fourniffent à ces peuples la nourriture & le vêtement. La principale de leurs boiffons eft faite de lait de jument qu'ils préparent de différentes façons, pour en faire plufieurs fortes de liqueurs qui enyvrent.

des Tatars.

font

Ven-bien- Les Anciens Huns vivoient de la chair de leurs beftiaux;ils tum-kao prenoient les peaux pour en faire des habits & des étendars ;

Sfu-ki. Ven-bientum-kao.

ils cultivoient les terres qui leur étoient échues en partage.
Ils n'avoient aucune connoiffance de l'art d'écrire,mais leur
bonne foi étoit fi connue que dans leurs traités, tout bar-
bares que ces peuples nous paroiffent, leur parole fuffifoit..
La mort étoit le fupplice de celui qui avoit fait un meur-
tre ou un vol confidérable. Ils apportoient quelques foins
à l'éducation de leurs enfans, & les élevoient d'une ma-
niere relative à l'intérêt général de la Nation
, c'est-à-
dire, qu'ils les exerçoient à chaffer & à faire la guerre
ces enfans affis fur des moutons, qu'ils regardoient alors
comme des chevaux,,tiroient fur les oifeaux & fur les
fouris avec de petits arcs. Devenus plus grands ils al-
loient à la chaffe des liévres & des renards, qui leur fer,

voient de nourriture, & lors qu'ils étoient en état de maniere des armes plus fortes & plus péfantes, ils prenoient le parti de la guerre. Ainfi ils n'étoient cenfés hommes que quand ils en avoient tué, ou qu'ils étoient devenus affez forts & affez habiles pour le faire. La guerre étoit alors leur unique occupation, & le feul moyen d'acquérir l'eftime de toute la Nation. Les jeunes gens jouiffoient de tous les avantages. Les vieillards, dont on oublioit les fervices paffés, étoient exposés au mépris de cette jeuneffe guerriere, qui ne prévoyoit point que le même fort l'attendoit.

En tems de paix, les Huns faifoient des courses fur les su-ki. terres de leurs voisins, & particulierement fur celles des Chinois : la Chine, par fa fertilité & ses richesses, étoit pour eux un tréfor inépuifable qu'ils ne ceffoient de piller. Tant que la fortune les favorifoit, ils s'avançoient dans les terres au moindre défavantage, ils ne rougiffoient pas de prendre la fuite, mais ils n'en étoient alors que plus redoutables. C'eft dans ces déroutes fimulées que l'Ennemi 'devoit employer la prudence. Il étoit ordinaire de voir ces Huns revenir fubitement à la charge pour tourner auffi-tôt le dos. L'agilité de leurs chevaux leur étoit d'un grand fecours pour cette maniere de combattre, & les troupes reglées, telles que font celles de la Chine, ne leur réfiftoient que difficilement. Dans d'autres occafions, ces armées innombrables de Tartares, poursuivies de trop près, fe diffipoient dans les déferts comme la pouffiere, & leurs Ennemis qui étoient entraînés dans ces folitudes affreufes y périffoient de mifere.

Celui qui pouvoit enlever le corps de fon camarade tué Su-ki, dans un combat, devenoit fon héritier & s'emparoit de fon bien. Au refte, ces peuples s'attachoient, comme ils le font encore, à prendre le plus de prifonniers qu'ils pouvoient. Ces captifs, faifoient leurs principales richeffes: ils les employoient auprès de leurs troupeaux & de leurs beftiaux. Leurs armes confiftoient dans un arc, des fléches & un fabre. Ils étoient tous voleurs & brigands à l'égard de leurs voifins, mais d'une fidélité à toute épreuve entre

eux. Le nombre de leurs femmes n'étoit point fixe, ils en prenoient autant qu'ils pouvoient en nourrir, fans avoir aucun égard aux degrès d'alliance ni de parenté qui pouvoient fe trouver entre eux. Il n'étoit point extraordinaire de voir un fils époufer les femmes de fon pere, & un frere celles de fon frere. Telles font en peu de mots les mœurs de ces anciens Huns,qui s'étoient rendus formidables aux Chinois, & qui par les fréquentes incurfions qu'ils faifoient dans les Provinces Septentrionales, c'eft-à-dire dans celles de Chenfi, de Chanfi & de Petcheli, les ont fouvent réduits à l'extrémité.

*

J'ai déja dit que les Huns n'étoient pas moins anciens que les Chinois, qui les ont connus avant même que la Dynaftie de Hia, qui commença à regner vers l'an 2207 avant Jefus-Chrift, montât fur le Throne; mais l'Hiftoire ne nous a confervé que l'époque de quelques invasions de ces peuples, ou plûtôt des Tartares en général, & encore n'en eft-il rapporté aucunes de celles qu'ils ont faites Ven-hien- fous cette premiere Dynastie Chinoise. On en cite queltum-kao. ques-unes, mais en petit nombre, pendant le regne de la Dynastie de Cham; elles fe faifoient pendant les chaleurs de l'Été, qui étoit le tems le plus propre. L'Empereur Vou-tim (a) fut obligé d'envoyer contre eux fes armées. Sous Vou-ye (b) ils recommencerent leurs courses, & ils furent chaffés. Dans la fuite, & après que Vou-vam (c) fe fut rendu maître du trône Impériale & qu'il eut établi la Dynaftie des Tcheou, tous les peuples barbares du Midi & de l'Occident, les Huns & les Tartares de Niu-ché lui envoyerent des tributs & fe foumirent. Mais du tems de Y-vam (d) les Huns firent des courfes jufqu'à Kim - yam au Nord de la riviere Kim, dans le territoire de Fongtciang- fou une des villes du Chenfi. Les Ecrivains Chinois regardent ces incurfions comme une punition du ciel

(a) Ce Prince eft mort l'an 1266 avant Jefus-Chrift.

(b) Ce Prince eft mort l'an 196 avant Jefus-Chr.ft.

de

(c) Mort l'an 1116 avant Jefus Christ. (d) Mort l'an 910 avant Jefuse Christ.

de ce que l'Empereur & fes fujets abandonnoient la vertu 'dont leurs ancêtres leur avoient laiffé de si beaux models. Ces anciens Chinois étoient perfuadés que la conduite de leur Monarque contribuoit beaucoup au bonheur ou au malheur de l'Empire, & les Princes qui avoient adopté ces maximes ne trouvoient leur bonheur & celui de leurs fujets que dans la pratique de la vertu. Depuis le regne de Y- vam les Huns ne cefferent de faire des courfes. Un autre Empereur auffi nommé Y-vam (a) les chaffa des environs de Ta-yuen - fou où ils s'étoient établis, & leur enleva un grand nombre de chevaux; mais un fi foible fuccès n'étoit pas capable de dédommager les Chinois des pertes que ces barbares leur faifoient fouffrir depuis long-tems.

Prefque tous les Empereurs de la Chine, depuis les regne de Tchim-vam (b) & de Kam-vam (c) s'étoient livrés å la débauche. Ils étoient devenus cruels; les peuples les avoient imités, & la vertu bannie de l'Empire, le laissoit exposé aux incursions des Huns. Ces Barbares n'y entrerent que pour y exercer toutes fortes de brigandages, défoler fes Provinces & s'en retourner chargés de butin dans la Tartarie. Lorfque Siuen-vam fut monté sur Thrôil rétablit le bon ordre, & arrêta cette Nation qui avoit pénétré fort avant dans l'Empire. Le Général chargé de cette expédition remporta de grands avantages fur Les Barbares, & les Poëtes du tems fe font empreffés de mettre en vers le récit de fes belles actions. Mais nous paffons légerement fur tous ces événemens qui ne font qu'indiqués dans les Annales.

ne,

La Chine étoit alors dans ces tems malheureux où l'autorité du Souverain, méprifée & prefque annéantie, ne pouvoit reprimer les Auteurs d'une guerre civile qui défoloit l'Empire & les peuples. Les Provinces étoient devenues la proye de plufieurs petits Tyrans qui s'y étoient établis. L'origine de tous ces défordres venoit de plus

( a ) Mort l'an 879 avant J. C.
(b) Mort l'an 1079. avant J. C.

(c) Mort l'an 1053. avant J. C.

C

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