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loin, & il la faut rechercher dans le tems même de l'établif fement de la Dynaftie qui regnoit alors, c'est-à-dire celle de Tcheou. Ven-vam & fon fils Vou-vam, (a) qui en font les Fondateurs, confulterent moins leur propre intérêt & celui de leurs Succeffeurs qu'une reconnoiffance indifcrette & fans borne. Pour monter fur le Thrône & chaffer la Dynaftie de Cham, ils avoient eu befoin du fecours de plufieurs braves Officiers dont il falloit récompenfer les fervices. Ils leur diftribuerent les Provinces de l'Empire à titre d'Appanages & de Fiefs. Sous les regnes fuivans,les Defcendans de ces petits Princes tributaires ne vou→ lurent plus reconnoître l'autorité Impériale, & de vaffaux qu'ils étoient ils entreprirent de fe rendre abfolus dans leurs Provinces: l'Empereur ne fut plus qu'un phantôme fans pouvoir, & fouvent obligé de fuivre les caprices de ces Tyrans. Telle fut la premiere caufe des malheurs de la Chine. Mais il en exiftoit encore une autre, & celle-ci eft la principale ; c'est la mauvaise conduite des Empereurs eux-mêmes. Les vices & la débauche avoient fuccédé à la pratique de la vertu, difent les Chinois; ces Monarques ne connoiffoient plus les fages maximes de leurs ancêtres; les Grands, auxquels une pareille conduite eft prefque toujours avantageufe, en profiterent; mais une fois affermis, ils oublierent qu'ils ne devoient leur puiffance qu'à la foibleffe de l'Empereur. Ils devinrent ambitieux, fe firent la guerre les uns aux autres; alors les Etran gers & principalement les Huns, qui ne pouvoient trouver un tems plus favorable pour s'enrichir aux dépens de la Chine, recommencerent leurs incurfions. Sous le regne d'Ouon-vam (b) Empereur des Tcheou, ils pénétrerent Ven-bien- jufques dans le Royaume de Tcy qui eft fitué dans la Lie-tai-ki Province de Chantong. Le Roi de Tçy, aidé des trouSu. pes d'un autre petit Royaume voifin, deffit les Huns, & fit prisonniers deux de leurs Chefs. Sous Hoei-vam (c) ils entrerent dans le Royaume de Yen, aujourd'hui la

Kam-mo.

tum-kao.

(a) Mort l'an 1116. avant J. C.
(b) Mort l'an 697. avant J. C.

(c) Mort l'an 652. avant J. C.

Province de Petcheli; mais le Roi de cette contrée, qui avoit été fecouru par les troupes de Ouon-kum Roi de Tçy les chaffa & mit les États à couvert.

peut re

Prefque tous les regnes de ces Empereurs font marqués Ven-bienpar les courses des Huns; mais quelque fréquentes qu'el- tum kao. les ayent été, elles font fi peu détaillées dans le petit nombre de monuments qui nous reftent, & ces évenemens font fi peu intéreffants par eux-mêmes, que je crois devoir me transporter tout d'un coup au tems où l'Hiftoire commence à entrer dans de plus grands détails; c'est-à-dire, à ces tems fâcheux où les Chinois,fatigués par les fréquentes incursions des Huns, prirent la réfolution de conftruire ce fameux boulevart dont on a tant parlé, & que l'on garder comme une des merveilles du monde. C'est de la grande muraille de la Chine dont il s'agit. On en a fait honneur à Chi-hoam-ti (a) qui réduisit fous fa puiffance ceux de ces petits Royaumes qui s'étoient maintenus jufques à fon tems; mais ce Prince, tout grand qu'il ait été,n'en eft point entiérement l'auteur. Avant lui un Roi de Tchao, après avoir fait une incurfion dans le Nord & repouffé les Huns, Ven-bienavoit fait conftruire une muraille le long des frontiéres Kam-mo. Septentrionales de fes Etats, afin d'empêcher que les Ski Barbares y pénétraffent : elle commençoit au Royaume de Tai aujourd'hui Ta-tum-fou dans la Province de Chanfi; elle cotoyoit la montagne In-chan & s'étendoit vers l'Occident jufques à Kao-kouon, éloigné de Ta-tum-fou de quatre cent vingt lis vers le Nord-oueft. Le Roi de Yen, dont le Général avoit furpris & défait les Tartares Orientaux en avoit auffi bâti une femblable depuis Tcao-yam Sfu-ki. dans le pays appellé aujourd'hui Pao-gan-tcheou jusques à Siam-pim dans le Leao-tong.

tum-kao.

Han-chou.

De tous les Royaumes qui depuis longtems partageoient Su-ki la Chine, sept subsistoient encore : & de ceux-ci trois confinoient aux frontières des Huns. Ils portoient le nom de Yen, fitué dans la Province de Peking, de Tchao dans la Province de Chanfy & les environs, & enfin de Tsin dans la Province de Chenfy. Ce dernier qui étoit le plus

(a) Mort l'an 210. avant J. C.

Sfu-ki.
Kam-mo.

Sfu-ki.
Kam-mo.
Ven-bien-
tum-kao.

L'an 210.
Teou-man

puiffant, fubjugua tous les autres, & la Chine, délivrée de la tyrannie, fous laquelle elle gémiffoit depuis plus de huit cens ans, fut gouvernée par un feul Monarque qui prit le titre de Hoam-ti; c'est-à-dire, Augufte, Empereur. Jufqu'alors ces Princes s'étoient bornés au fimple titre de Vam ou de Roi.

Après que Chi-hoam-ti eut pacifié l'Empire, il fongea à le garantir des incurfions des Huns. Il envoya contre eux à cet effet un de fes Généraux appellé Mum-tien (a) à la tête de trois cens mille hommes. Les Chinois reprirent dans cette expédition tout le pays d'Ortous (b), & les Huns furent obligés de fe retirer plus au Nord. Mais pour empêcher qu'ils ne rentraffent dans le pays dont on venoit de les chaffer, l'Empereur Chinois fit conftruire fur les bords du fleuve Hoam,quarante-quatre villes fortifiées de bonnes murailles, & de fortes garnifons: il fit garder avec foin tous les défilés & les endroits par lefquels on pouvoit entrer. Ensuite, à l'imitation des Rois de Tchao & de Yen, il fit élever une grande muraille qui commençoit à Min-tcheou, ville du diftrict de Lin-tao-fou dans la Province de Chenfy. Elle couvroit toute cette Province & alloit rejoindre les deux murailles que les Tchao & les Yen avoient fait conftruire, ce qui formoit une vafte muraille qui fe terminoit dans le Leao-tong. En même tems le Général Chinois fe dans la Province de Cham, aujourd'hui, campa Yen-gan-fou dans le Chenfy, pour être plus à portée de repouffer les Huns en cas d'invafion.

Ces Peuples avoient alors pour Empereur un Prince Avant J.C. nommé Teou-man, qui, contraint de céder aux grandes armées des Chinois, s'étoit retiré plus au Nord où il étoit refté pendant environ dix ans. Après la mort de l'Empereur Chi-hoam-ti & celle du Général Mum-tien arrivée dans le même tems, la Chine fut expofée à de nouveaux troubles. Les Grands de l'Empire fe revolterent contre le nou

Sfu-ki.

Kam-mo.
Ven-bien-

tum-kao.

Lic-tai-ki

Su.

(a) Le Sfu ki ne met que cent mille hommes.

(b) Il portoit alors le nom de Ho nan c'est-à-dire, qui eft au midi du fleuve

Hoam-ho.Il ne faut pas le confondre avec la Province de Honan fituée au m.di du Petcheli, quoi que ces noms foient écrits de la même façon.

l'an 210.

vel Empereur; toutes les garnisons, qui avoient été mises fur les frontiéres abandonnerent leurs poftes: les Huns Avant J. C. repafferent le Hoam (a), rentrerent dans le pays d'Ortous Teou-man & reprirent tout ce qu'ils poffedoient avant qu'ils eussent été chaffés par les Tsin.

tum-kao.

C'eft à cette époque que les Chinois commencent à nous donner des détails plus exacts & plus circonftanciés fur l'hiftoire des Huns, & Teou-man eft le premier Empereur de cette Nation dont le nom foit parvenu jufques à nous. On prétend qu'il tiroit fon origine d'un Prince Chinois, Ven-hiennommé Chun-goei (b) de la famille Imperiale de Hia, qui Sfu-ki. s'étoit retiré dans la Tartarie (c). On n'a aucune connoif- Han-chou fance de ses fucceffeurs jufqu'à Teou-man, qui, felon le rapport des Hiftoriens, regnoit mille ans après. Ainfi l'époque de l'établissement de l'Empire des Huns doit être remonté jusques vers l'an douze cens trente avant J. C. Je dis environ, parce qu'on ignore combien Teou-man a regné, & que les Chinois femblent n'indiquer que d'une maniere trop générale le nombre des années qui fe font écoulées entre ces deux Princes.

Quoi qu'il en foit, Teou-man avoit un fils aîné auquel

(4) Hoam grand fleuve de la Chine qui prend fa fource à l'Occident de la Province de Chanfy remonte vers le Nord, entre dans la Tartarie, puis defcendant au midi, traverse enfuite la Chine & va fe jetter dans la mer Orientale. Les anciens Chinois croyoient qu'il tiroit fon origine des montagnes qui font à l'Ouest de Khoten dans la petite Bukharie, qu'il traverfoit le lac de Lop où il fe perdoit fous terre, & qu'enfuite il reparoiffoit à quelque diftance de-là, formoit le Hoamho; c'est-à-dire, le Fleuve Jaune ou bourbeux. Les Tartares le nomment Caramouran ou le Fleuve noir, & Marc-Paul, Cara-moran.

(b) Parmi les Fondateurs de l'Empire Turc l'Hiftorien Beidawi nomme Dibbacaoui defcendu de Turk, fils de Japhet; d'un autre côté les Chinois font remonter l'origine des Huns jufques à la Dynaftic de H.a par Chun-goci qui defcen

doit de l'Empereur Yu, Fondateur de
cette Dynaftie. Yu étoit encore appellé
Ta-yu ou Ta-yu-heou. Je ferois fort
porté à croire que Dibba - caoui n'est
qu'une altération de ce dernier. Au lieu
du D les Chinois fe fervent du T, L'Y &
le B chez les Tartares font fouvent em-
ployés l'un pour l'autre, comme dans
Yefou - kai ou Bifou-kai & l'H afpiré
fortement devient un K. Ainfi Ta-yu-
heou fait Da-bou - keou. Peu différent
dans le fond de Debbacaoui ou Dibba-
coui. Dans les manuscrits Perfans ce mot
étoit écrit fans les points voyelles, &
par conféquent le véritable fon a dû être
ignoré. Dabbou-kou ou Dibba-cou étant
écrits avec les mêmes confonnes font le
même mot. Ainfi l'Hiftorien Perfan fe
trouveroit conforme aux annales Chi-
noises.

(c) Aprèsla deftruction de la Dynaftic
de Hia arrivée l'an 1122 avant J. C.

Avant J. C.

l'an 210.

Sfu-ki.

l'Empire devoit appartenir legitimement après fa mort. Ce jeune Prince appellé Me-té vivoit tranquillement à la Cour de fon pere, lorfqu'une femme vint mettre entre Tcou-man eux la divifion (a). Epoufe de Teou-man, elle en avoit eu un fils, fur la tête de qui elle vouloit faire paffer la Couronne au préjudice de l'aîné, & Teou-man, qui n'eut point affez de fermeté pour réfifter aux follicitations d'une femme qu'il aimoit, dépofa Me-té, l'éloigna de la Cour & l'envoya comme en ôtage chez des Peuples voifins nommés Yue-chi. Dans ledeffein de le faire périr chez ces Barbares il leur déclara la guere, perfuadé que les Yue-chi s'en vengeroient fur ce fils; mais il en fut la principale victime. Lie-tai-ki- Les Tartares Yue-chi, battus par Teou - man, man, chercherent en effet Me-té pour le faire mourir; mais ce dernier, qui fut inftruit affez à tems de ce que l'on tramoit contre lui, s'échappa par une prompte fuite & regagna les Etats de fon pere, où fe laiffant entraîner à tout ce que la vengeance peut infpirer de plus cruel, il commit des forfaits que les fuccès effacerent de la mémoire des hommes: & l'on ne vit plus en Me-té qu'un héros, fondateur en quelque façon de l'Empire des Huns.

Han-chu. Kam-mo.

Su.

Sfu-ki.
Han-chu.
Ven-hien-
tum-kao.

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Me-té,connu & chéri des Peuples à cause de sa bravoure, trouva le moyen de fe former une troupe de dix mille hommes de Cavalerie & fe mit à leur tête pour reclamer fes Lie-tai-ki- droits. Lcs Hiftoriens rapportent qu'il inventa une forte de flêches auxquelles il donna le nom de Flêches - refonnantes. Il exerça fes Cavaliers à les lancer d'abord fur des oifeaux, enfuite fur les plus beaux chevaux qui se recontroient, & la mort étoit la punition de celui qui ne touchoit point au but: enfin, pour s'affurer de plus en plus du courage & de la fidélité de fes foldats, il porta la cruauté jufqu'à faire tirer fur celles de leurs femmes qu'ils chériffoient le plus. Il n'admit à fa fuite que ceux qui éxécuterent fes ordres ; les autres furent mis à mort. Me-té fondit avec fa troupe fur Teou-man, le poursuivit, le tua avec tous fes gens, & n'épargna en cette occafion ni l'Im

(a) Les impératrices femmes des Tanjou portoient le titre de Yen-chi.

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