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L'an 559.

jours repouffés. Les Huns voulurent faire un dernier effort. Ils raffemblerent une grande quantité de ro- Après J. C. feaux qu'ils entrelacerent, & dont ils formerent cent cinquante barques. Ils y firent embarquer environ six cens hommes qui avoient ordre de s'approcher des endroits les moins fortifiés; mais Germanus avec vingt vaiffeaux bien armés les furprit en mer & culbuta en un moment toute cette flotte; on fit enfuite une fortie fur le refte des Huns, dont on tua un grand nombre. Germanus fut bleffé dans cette action, mais cet échec ne découragea point les Barbares ; & on ne parvint à les faire décamper qu'à force d'argent.

Il y avoit dans l'armée de Zambergam un chef des Menandre. Huns Outigours, nommé Sondikle ou Saldick, qui étoit attaché à Juftinien. Dans le tems que les Huns s'en retournoient, ce Prince qui craignoit que les Cutrigours ne revinffent en Thrace, après avoir fait des reproches à Saldick au fujet de cette incurfion, effaya de l'engager à faire la guerre à Zambergam, lui promettant la penfion annuelle qu'il donnoit à celui-ci. Saldick quoiqu'ami des Romains ne voulut point accepter ces offres, ni contribuer à la ruine de fa nation; mais il y a beaucoup d'apparence qu'il fe laiffa fléchir dans la fuite. En effet dans le tems que les Cutrigours alloient repaffer le Danube, il leur enleva tout le butin qu'ils avoient fait, ce qui fit naître des divifions qui furent fuivies de guerres civiles. Les Huns fe détruifirent d'eux-mêmes; leur nom s'est insensiblement perdu & ils ont été foumis à d'autres nations avec lesquelles on les a confondus depuis. Ainfi ces peu- Reb. get. ples, comme le dit Jornandes, venus des Palus Méotides, pafferent dans la Mesie, la Thrace & la Dace, d'où ils retournerent en Scythie. Ils y fubfifterent pendant long- Niceph de tems fous la conduite de leurs chefs; dans la fuite l'un Conftant. d'eux vint à Conftantinople & demanda à être baptifé. L'Empereur Heraclius y confentit & lui donna le titre de Patrice: la plupart des Grands de la nation imiterent cet exemple & profefferent avec leurs femmes le Christianifme.

Jornand. de

L'an 18.

Après J. C.

Thurocz.

Ce que je viens de rapporter de la grande invasion des Huns en Europe, nous fait voir que ces peuples n'y formerent point un empire; mais que difperfés au nord du Pont-Euxin, de la Géorgie & de la mer Cafpienne, ils y vivoient fous la conduite de différens chefs qui furent soumis pendant un tems à Attila, & qui après fa mort rentrerent dans leurs droits. L'incurfion de ce barbare qui a ravagé l'Italie, la Gaule & la Germanie, ne différe point de celle que Batou-khan fit dans la fuite en Hongrie. Après la mort d'Attila, les Huns qui ne furent plus commandés par un feul chef, & qui par conféquent n'étoient plus fi puiffans, n'oferent faire des courfes dans l'occident & fe firent la guerre les uns aux autres. Il vint de la Tartarie d'autres barbares avec le'quels ils furent confondus, & qui firent oublier le nom des Huns. Si l'on peut ajouter quelque foi au recit des Hiftoriens Hongrois, trois mille Huns refterent dans la Pannonie & fe cantonnerent d'abord dans un lieu appellé Czyglamezew ; mais dans la fuite craignant que les nations voifines ne vouluffent fe vanger fur eux des ravages qu'Attila avoit faits, ces Huns fe retirerent dans un autre endroit nommé Erdewelwe en Pannonie & y prirent le nom de Zekel ou de Sicules. Ils ont confervé dans ce pays leur ancienne coutume de faire des incifions fur le bois au lieu d'écriture, fuivant l'ufage des Scythes, & dans la fuite ils fe font joints aux Hongrois.

I I.

LES HUNS EUTHALITES.

ENDANT que l'Europe étoit défolée par les ravages Après J. C: PENDANCO que que étoit de dés palus Mévades

1.2.

y faifoient, la Perfe étoit pareillement obligée de fe défendre contre les entreprifes d'une autre efpéce de Huns que nos Hiftoriens ont appellé Huns blancs. Ils étoient Procop. de cantonnés dans le Maouarennahar, dans le Kharifme, bel. Perf & le long de la côte orientale de la mer Cafpienne. Leur capitale fe nommoit Korkandge. La couleur de leur visage, & la maniere dont ils vivoient, les rendoient différens de ceux qui demeuroient dans le nord, dont le teint étoit bafané. Beaucoup plus policés qu'eux, ils habitoient dans les villes, ils étoient en commerce & contractoient des alliances avec leurs voifins, ce qui contribua beaucoup à les dépouiller de cette barbarie, que ceux du nord avoient confervée. On les a encore appellés Euthalites, Haïatelites (a), Nephtalites, Atelites, Abtelites & enfin Ci- Theop.le Confeffeur. darites. Les Hiftoriens orientaux leur ont donné le nom Prifcus. de Turcs, qui eft chez eux le même que celui de Huns. Pherdoufi. Après que les anciens Huns (b) eurent été chaffés du nord de la Chine, la plus grande partie se retira, comme je l'ai rapporté, dans les pays feptentrionaux voisins de l'Europe: le refte paffa directement à l'occident vers Akfou & Kafchgar, de-là fe répandit dans les plaines qui

(a) D'Herbelot les nommé Haïatelah, & croit qu'ils font les Indofcythes des anciens. Il fe trompe à cet égard. Voyez ce que j'ai dit des Yue-chi Liv. I. p. 42 il ajoute qu'il y a apparcace que ces peuples habitent dans le Tibet, & que Barantola capitale de ce pays, eft une corruption

u mot Haiahelah. Cette conjecture ne

peut avoir lieu, les Euthalites n'ayant ja.
mais demeuré dans le Tibet.

(b) Toutes les époques que j'ai mar-
quées dans cet article ne doivent être
regardées que comme une indication gé-
nérale & vague. Le défaut d'Hiftoriens
ne nous permet pas de fixer plus exacte-
ment tous ces événemens.

Après J. C.

Ven-bientum-kao.

D'Herbelot
Pherdoufi.

s'étendent jufqu'à la mer Cafpienne & aux frontiéres de la Perfe, & comme ces Huns portoient le nom de Te-le ou Tie-lé & qu'ils demeuroient le long du fleuve Oxus ou Gihon, on les a nommés Ab-te-le ; c'eft-à-dire les Telites d'eau. De-là fe font formés les noms d'Abtelites, & par corruption d'Euthalites & de Nephthalites, ce qui a fait croire à quelques-uns qu'ils étoient des Juifsde la Tribu de Nephthali qui avoient été tranfportés dans ce pays dans le tems de la captivité. Toute la nation des Huns en général étoit donc cantonnée & di perfée dans les vaftes contrées qui font à l'orient, au nord & à l'occident de la mer Cafpienne, & s'étendoit depuis Kafchgar jufqu'aux Palus Méotides, & dans le nord ju qu'à Tobolsk en Siberie. Ce n'eft pas que les Huns fuffent les feuls maîtres dans ces vaftes contrées ; il devoit s'y trouver un grand nombre d'autres Scythes qui y demeuroient auparavant. Depuis long-tems le Maouarennahar avoit été la retraite de plufieurs nations orientales. Les Sfu, les Yue - chi, les Ou-fiun étoient venus y habiter fucceffivement. Les Yue-chi qui s'appelloient auffi Getes y devinrent particuliérement très-puiffans, & s'étendirent jufques dans l'Inde. On feroit tenté de les regarder comme les ancêtres de ces Getes qui ont été connus en Europe par plufieurs incurfions qu'ils y ont faites. Quelques bandes des Sfu auroient pû paffer également dans le nord de l'Europe, d'où, après un féjour affez long pour leur faire adopter les mœurs des peuples feptentrionaux, ils feroient defcendus vers le midi fous le nom de Sueves. Quoiqu'il en foit, ces Scythes étoient difperfés dans le Maourennahar, & les Huns, en y arrivant, ont dû fe confondre avec eux; au moins il y a lieu de croire que les Hiftoriens, peu inftruits de la différence qu'il y avoit entre ces peuples, les ont tous défignés fous le feul nom de Huns. C'est en vain que l'on entreprendroit de les diftinguer ici : ils ne font connus des Hiftoriens Perfans & Romains qu'à l'occafion de quelques courfes paffageres qu'ils ont faites dans le Khorafan & dans les environs.

La Perfe étoit alors fous la domination des Princes

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defcendus de Saffan & que l'on appelloit par cette raifon Saffanides. Le premier de ces Souverains dont l'hiftoire rapporte une guerre avec les Huns étoit nommé Bahram-gour. Les Auteurs orientaux rapportent que pendant qu'on étoit encore occupé en Perfe des fêtes qui avoient fuivi le couronnement de ce Prince les Turcs ou Huns, perfuadés que les Perfans, dans la furprise où ils feroient ne se trouveroient point en état de les repouffer rassemblerent une puiffante armée, qui après avoir passé le Gihon à Termed se répandit dans les provinces voifines. Bahram avec le petit nombre de troupes qu'il put ramasser à la hâte fe rendit dans l'Adherbidjan; mais il étoit fi peu accompagné en fortant de Madain, que fa marche fut regardée comme une fuite. Plufieurs firent fçavoir au Roi des Huns que Bahram fe fauvoit dans l'Arménie, & les Huns croyant fe rendre maîtres de la Peren y entrant, marcherent fans ordre & fans précau

tion.

L'an 420.

Après J. C.

Bahram s'avançoit toujours vers le Derbend (a), & fuivant le bord de la mer Ca pienne, il fe rendit dans le Kharifme, furprit les Huns par derriére & les attaqua fi brufquement qu'il en tua un grand nombre avant qu'ils euffent eu le tems de fe mettre en défense. Les Huns abandonnerent leur Roi qui fut tué dans fa tente par Bahram & fe fauverent en défordre. Le Roi de Perfe les pourfuivit jufques fur le bord du Gihon : il paroît qu'il fit un traité avec eux, dont les conditions étoient que le Gihon ferviroit de limite entre les deux nations. Il fit éléver fur le bord de ce fleuve près de Pherbar un monu- Aboulfed ment qui défignoit plus particuliérement ces bornes. Cette expédition qui paroît avoir été faite fi rapidement, parce que les Hiftoriens ne nous en ont confervé aucune circonftance, a dû cependant exiger un tems affez con

(a) Suivant d'Herbelot qui rapporte ce fait, Bahram en prenant par le Derbend auroit fait le tour de la mer Cafpienne, marche trop fatigante, & qui auroit éxigé beaucoup de tems. On pou

voit croire que Bahram auroit feint
d'aller par le Derbent, d'où il feroit-
revenu fur les pas, en fuivant la côte
méridionale de la mer Cafpienne pour
fe rendre dans le Kharisme.

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