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la nation des Mogols, & mourut avant que d'en avoir va la fin.

Siuntz-Khan, fils de Baidou. Il fut obligé de foutenir la guerre que fon pere avoit commencée : mais il en fortit victorieux, comme j'aurai occafion de le dire dans la fuite.

Mogol-Khan & fa poftérité formerent un puiffant Empire, qui fubfifta en même tems que celui des Tartares. Le nom de Mogull eft une corruption de celui de Mung'l qui fignifie Trifte, parce que ce Prince étoit naturellement trifte: Mung dans la Langue Chinoife eft pris encore aujourd'hui dans la même acception. Le fucceffeur de Mogull-Khan (a) eft Cara-Khan (b) fon fils, Prince fort puisfant, qui pendant l'été faifoit fa réfidence aux environs des montagnes Ouloug-tag & Kioutchoux - tag, & pendant l'hiver fur les bords de la riviere de Sirr ou Jaxartes, au pied des montagnes qui font au Nord. Sous fon regne il ne refta plus de traces de l'ancienne & vraie Religion, L'idolatrie regnoit par-tout.

(a) Mogelkhan laiffa quatre enfans. 1. Curakhan, 2. Auwas-khan. 3. Cauwaskhan, 4. Carvarkhan. D'Herbelot les nomme Karakhan, Azarkhan, Ghezkhan & Orkhan. De l'aîné defcend Genghizkhan fuivant la tradition de ces Peuples.

(b) D'Herbelot dit que fa Capitale fe nommoit Cara-coum, ville fituée dans une grande plaine de fable noir, ce qui lui a fait donner le nom qu'elle porte Cara noir, coum fable. Il dit qu'elle eft dans la partie de la Scythie la plus avancée vers l'Orient, qui eft bornée par deux grandes chaînes de montagnes que l'on appelle Ar-tag & Gher-tag. L'une étoit fon campement d'hiver l'autre celui d'été. C'est ce que les Turks appellent Jailak & Kifchlak. Son fils Ogouz fut, à ce que la tradition rapporte,pendant trois jours fans fe vouloir laiffer allaiter fa mere. Pendant la nuit la Princeffe cut des fonges effrayans, & crut entendre dire à fon fils, qu'il ne tetteroit point qu'elle n'eût quitté l'idolatrie: ce qu'elle fit feerettement. A la fin de fa premiére an

,

Ogouz-Khan

née, comme toute fa famille étoit assemblée pour lui donner un nom, on vit cet enfant fe lever deffus fon berceau & dire hautement que fon nom étoit Ogouz. En âge d'être marié, Carakhan lui donna la fille de Ghazkhan fon frere; mais quoi. qu'elle fût très-belle comme elle étoit Idolatre, Ogouz ne la voulut point voir. La fille d'Azer-khan fon autre frere ne fut pas plus heureuse pour la même raison, & celle d'Or-khan troifiéme frere de Cara-khan auroit éprouvé le même fort fi Ogouz ne l'eût rencontrée étant à la chaffe & ne l'eût engagée à abandonner le culte des Idoles. Dans l'abfence d'Ogouz,' Carakhan affembla fes premiéres femmes & leur demanda le fujet de l'averfion du jeune Prince à leur égard. Elles lu apprirent que la Religion en étoit la caufe, & qu'elles n'avoient pas voulu avoir la complaifance d'abandonner celle du Roi. Cette réponse mit la divifion entre le Pere & le Fils, & fit naître des guerres dans lesquelles Cara-khan perdit la vic.

(c) Ogouz-khan, fon fils & fon fucceffeur eft un Prince au fujet duquel on a rapporté un grand nombre de fables. Sa naiffance fut merveilleufe, & dès le berceau il ne fembloit occupé que du foin de ramener les hommes à l'ancienne Religion. Il eut plufieurs femmes, mais il nè voulut avoir de commerce qu'avec celle qui étoit attachée au culte d'un feul Dieu. Cela fut caufe que fon pere Cara-khan entreprit de le faire périr. Ogouz informé de ce deffein par fa femme, raffembla tous les amis qui fe trouverent en petit nombre. Parmi eux étoient les neveux de Cara-khan Ogouz leur donna le nom d'Ouïgour (b), c'est-à-dire, qui vient au fecours. De -là defcend la nation des Ouïgours, fort célébre dans la Tartarie.

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Cara-khan, quoiqu'avec une armée fupérieure à celle de fon fils Ogouz, fut battu & atteint d'une fleche dans fa déroute. Il mourut peu de tems après de cette blesfure laiffant le Thrône à Ogouz.

(a)ly a quatre Tribus ou Aimaks qui prétendent être defcendues de cet ancien Prince Ogouz-khan. Les Kanklis, les Kipzacs, les Kallats & les Carliks. Les Ouigours qui font la cinquiéme des anciennes Tribus font iffus de Mogoulkhan.

Ogouz-khan, dans une de fes guerres, fit un fi grand buttin qu'il fe trouva fort embaraffé pour le faire emporter; un homme de fon armée inventa à cette occafion les chariots, & comme ils faifoient beaucoup de bruit on les appella Kunneck, & l'Inventeur Kankli. Sa poftérité a confervé ce nom d'Herbelot les appelle Cankeli ou Cangheli. Un de fes Officiers qui fut tué dans un combat laiffoit fa femme enceinte, pendant la marche ne fçachant en quel lieu accoucher elle fe retira dans un tronc d'arbre. En vieux langage Turk Kipzak fignific un arbre vuide. Ogouz - khan informé de fon avanture, donna à l'enfant le fürnom de Kipzak qui a été tranfmis à toute fa poftérité. On les appelle encore Cabgiack ou Kaptchaq.

Tome I.

Un autre Officier du même Prince s'étant arrêté pour donner du fecours à fa femme qui venoit d'accoucher pendant la route, le trouva manquer de tout: fa femme fut fi extenuée qu'elle reita fans lait. Pour nourrir la mere & l'enfant l'Officier alla à la chaffe ; on l'amena enfuite en préfence d'Ogouz-khan mais s'étant excufé fur la cause, de fon retardement, Ogouz-Khan le renvoya lui donnant le furnom de Kall-atz, Kall, fignific refte, & Atz qui a faim: d'Herbelat l'appelle Khaladje pour Cal-adje. Le méme Prince ayant trouvé dans fon armée quelques Soldats qui étoient arrivés long-tems après les autres parce qu'ils avoient été arrêtés par les neiges, leur impofa le nom de Karlik qui fignifie la neige. Ils font les ancêtres des Karliks, d'autres Ecrivains les appellent Cazlak ou Khaflak, cette différence vient de la fituation des points diftinctifs des lettres mal placés dans les manufcrits que les Ecrivains ont eu devant les yeux.

(b) On écrit encor Jgour & Aigour.

B

Ce Prince, ennemi déclaré de l'Idolatrie, n'accorda point de grace à ceux de fes fujets, qui, malgré fes ordres, voulurent y perfifter; mais cette perfécution, qu'il avoit •commencée par fon. propre pere, occafionna de fréquentes défertions; plufieurs fe retirerent chez les peuples voi-fins. Ogouz-khan ne tarda pas de les y pourfuivre, il les foumit, de même que ceux qui leur avoient donné retraite. Cette efpéce de guerre de Religion dura, dit-on, douze ans. On prétend qu'il conquit enfuite l'Empire du Khatay ou de la Chine, le Royaume de Tangout, le Carakhatay dont le Khan étoit appellé Itburak.

Ce fut dans cette occafion que la femme d'un de ses principaux Officiers qui avoit été tué dans un combat, s'arrêta dans le tronc d'un arbre pour accoucher d'un fils auquel on donna le nom de Kiptchaq, c'est-à-dire, Arbre creux. Cet enfant eft le fondateur de la Horde des Kiptchaq. Dans la fuite Ogouz le mit à la tête d'une armée considérable, & l'envoya foumettre les Ourous, les Wlaks,les Madgiares ou Hongrois,& les Bafchkirs qui habi*Tin c'eft- toient fur les bords des rivieres de Tin,* d'Atel & de Jaik.

à-dire le Tanais.

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Itburak-khan qui regnoit dans le Cara-khatay, c'eft-àdire dans le pays de Kafchgar & d'Aкfou, attira une seconde fois fur lui la colere d'Ogouz, dix - sept ans après la premiere expédition. Il perdit la vie dans cette guerre, & Ogouz refta maître de fes Etats. Ce Prince marcha enfuite vers Taraz, Seiram, Taschkond, Samarkande & la grande Bukharie; il s'empara de Seiram & de Tafchkond, pendant que fon fils prenoit les villes de Turkestan & d'Andifchan. Ogouz conquit ainfi toute la Bukharie Balkh, Khor, Kaboul, Ghazna & le Kafchmir où il y avoit un Prince fort puiffant nommé Iagma. La résistance des habitans de ce pays fut caufe qu'Ŏgouz les paffa tous au fil de l'épée. Après cette grande expédition il retourna dans fes Etats héréditaires.

Dans la fuite, il réfolur de porter la guerre dans les pays que les Orientaux appellent Iran, c'eft-à-dire dans la Perfe, & les autres lieux voifins. Après avoir paffé le fleuve Amou ou Oxus, il entra dans le Khorafan, founit cette Province

2

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enfuite l'Iraque, l'Adherbidgiane, l'Armenie & s'avança jufqu'à Scham ou la Syrie, où il fit un affez long féjour. De-là il revint dans fon pays, & il y mourut après un regne de cent feize ans. On compte depuis ce Prince jufqu'à Genghizkhan environ quatre mille ans; ainfi, Ogouz auroit vécu vers l'an deux mille huit cens avant Jefus-Chrift. (a) Mais une époque auffi reculée,accompagnée de tant de détails qui ne font rapportés que par des Hiftoriens modernes, femble être une preuve du peu de fond que l'on doit faire fur ces traditions, & fi elles ont quelque certitude, il faut les placer dans un tems moins ancien,

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bati, 4. Karedi, 5. Sultanli, 6. Okli,
7. Kukli, 8. Sultzli, 9. Harasanli,
10. Jurazi II. Zamzi 12. Turun-
co, 13. Kumi, 14. Surki ou Surchi,
15. Kortzik, 16. Suerzik
, 17. Cara-
fih, 18. Kafquet, 19. Kergis, 20. Ta-
kan, 21. Za, 22. Zama, 23. Murda, 24.
Schui.

(b.) Ogous-khan (c) laissa fix enfans (d) qui avoient cha(a) Les grandes Conquêtes d'Ogouzkhan dans la Perfe furent faites, à ce que prétendent quelques Ecrivains orientaux, fous le regne de Giamfchid troifiéme Rof de Perfe. Ali-jezdi, dans d'Herbelot, les place depuis la mort de Caioumarrath premier Roi de Perfe jufqu'au regne d'Houfchenk qui lui fuccéda. C'eft un intervalle de deux cens ans, pendant lequel il n'eft fait mention d'aucun événement; mais le regne de ces Rois de Perfe eft encore plus incertain que les traditions Tartares & ne peut nous indiquer l'époque d'Ogouz. Je n'en parle que pour en faire connoître la fauté.

(b) Les fix enfans d'Ogouz-khan font Kiun-khan, Ay - khan, Jouldouz-khan, Kuk-khan, Tag-khan & Zingis-khan que d'Herbelor appelle Tenghin. Ils curent chacun quatre fils legitimes & quatre fils naturels, Kiun fignifie le Soleil Ay, la Lune, Jouldouz, l'Etoile, Kuk, le Ciel, Tag, montagne & Zingiz, la mer. Ces mots fe trouvent encore dans la langue des Turcs de Conftantinople. Les fils de Kiun-khan font Kagi, Baïat, Alkaaduli, Carajuli; ceux d'Aykhan font Jazir, Japhir, Dodurga, Dugar. Ceux de Jouldouz font Ufchar, Kafik, Begdali, Karkin. Ceux de Kuk- khan font Bagender, Bazina, Ziuldor, Zabni. Ceux de Tagkhan font Salur, Imar, Alajunti, Ufgar. Ceux de Zingiz-khan font Igder, Baydus, Auwa, Kannek.

Les fils naturels des fix fils d'Ogouzkhan font 1. Kana, 2. Luna, 3. Tur

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(c) Mirkhond rapporte que des 24 Peuples qui tirent leur origine des fix enfans d'Ogouzkhan, une partie alla prendre des quartiers dans le Berangar & les autres dans le Givangar, c'est-à-dire que les uns allerent à droite & les autres à gauche; les trois aînés furnommés Bu zuk ou Bujuk, c'est-à-dire, Grands, curent le commandement de la droite ou du Berangar, les trois autres nommés Ugiuk ou Kugiuk commanderent la gauche ou le Givangar.

(d) On prétend que ces fix enfans d'Ogouzkan étant un jour à la chaffe trouverent un arc & trois fléches d'or qu'ils apporterent à leur pere. Ogouz donna l'arc aux trois aînés & les flèches aux trois autres; les premiers furent appellés Bouzouk, les feconds Ougiouk ou Outchouk. Bouzouk fignifie rompu parce qu'ils partagerent l'arc entre eux, Ougiouk ou Outz - ock fignific trois fléches. Ock encore dans la langue des Turcs de Conftantinople, défigne une fléche. Relativement à cette tradition, les Annales Chinoifes rapportent plufieurs divifions des Turcs par fléches; c'est àdire, qu'une fléche répondoit alors au

cun quatre fils légitimes & quatre fils naturels : l'aîné арpellé Kiun - khan (a) lui fuccéda, & regna foixante & dix ans. Il eut pour fucceffeur fon frere Ay-kan; après lui regna avec beaucoup de conduite & de prudence Louldouzkhan (b) qui laiffa le Thrône à fon fils Mengli ou Mengheli-khan de celui-ci il paffa à fon fils Tingis-khan (c) qui abdiqua l'Empire en faveur de fon fils Ill-khan (d) contemporain de Siuntz-khan Empereur des Tartares dont j'ai déja parlé. Ces deux Princes fe firent continuellement la guerre, & Siuntz - khan toujours vaincu, fut obligé d'implorer le fecours du Khan des Kergis; avec ce renfort l'armée d'Ill-khan fut battue, & l'Empire des Mogols détruit; la postérité d'Ill-Khan se retira dans des montagnes efcarpées, d'où elle ne fortit que long-temps après, comme on le verra dans la fuite.

Telles font en peu de mots les Traditions (e) qu'un Hif torien Tartare nous a confervées touchant l'origine (f) de fa Nation. Tout incertaines ou fabuleufes qu'elles puiffent paroître, elles doivent être néceffairement placées à

terme de horde ou tribu. Les fléches défignoient auffi la fervitude, & l'arc la supériorité.

(a) D'Herbelot le nomme Ghunkhan.

(b) D'Herbelot le nomme Ilduz khan. Jlduz ou Jouldouz fignifie encore dans la langue des Turcs de Conftantinople une étoile.

(c) D'Herbelot l'appelle Tonghourkhan; mais la plupart de ces differences ne viennent que de la pofition des points.

(d) D'Herbelot le fait, fils & fucceffeur immédiat de Mengli-khan au titre d'Illkhan, mais ailleurs il eft conforme à Aboulghazi & il le fait fucceffeur de Tonghour le même que Tingis.

(e) Beidawi autre Hiftorien Perfan rapporte d'une maniere plus abrégéc & peut-être en même-temps plus véritable l'origine des Turcs. Il dit que Noë en-, voya fon fils Japhet dans l'Orient, où il engendra Dibbacaoui qui fut pere de Gour-khan. Celui-ci abandonna la Religion de fes Ancêtres ; mais fon fils

Ogouz-khan le tua, s'empara du Royaume & rétablit l'ancienne Religion. Il divifa les Turcs en différentes hordes, & après un intervalle de quatre mille ans, ou felon, un autre manufcrit de quatre cens ans feulement,ces. Peuples furent défaits par un Roi du Khatay qui avoit pouffé fes conquêtes jufques au Gihon. Ce recit de Bedawi paroît avoir beau coup de rapport avec ce que nous lifons dans l'hiftoire Chinoife, comme nous effayerons de le faire voir dans la fuite; ainfi il eft néceffaire de ne pas perdre de vûe cette note.

que

(f) Plufieurs Ecrivains tels Pof tel & furtout Menaffé Docteur célébre parmi les Juifs rapporte l'origine des Turcs & Tartares aux dix Tribus des Juifs emmenées en captivité par almanafar. Menaffé prétendoit même qu'elles avoient paffé la grande muraille & s'étoient établies à la Chine. Le nom de Tatars fuivant les Auteurs de cette opinion venoit du mot Hébreux Totar, qui fignifie refte.

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