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rien de diftinct à l'efprit, & qu'une chofe ne peut être ni objectivement, ni de telle ou telle maniere dans l'efprit, lors qu'elle n'y eft point du tout; puifque la modalité d'une fubftance ne peut être la maniere d'être d'aucune autre fubftance, & que l'infini ne peut être éminemment dans le fini.

Seconde preuve tirée de la Réponse à la 2. Object. à la fin de l'Eclairciffement fur la nat. des Idées, Liv. 3.

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VII. Certainement on peut affeurer «< ce que l'on conçoit clairement. Or on « conçoit clairement, que l'étendue que « l'on voit, eft une chofe diftinguée de « foi. On peut donc dire, que cette éten- « due n'eft point une modification de fon être, & que c'eft effectivement quel- « que chofe de diftingué de foi. Car il « faut prendre garde, que le Soleil, par « exemple, que l'on voit, n'eft pas celui « que l'on regarde. Le Soleil & tout ce « qu'il y a dans le monde materiel, n'eft « pas vifible par lui-même ; je l'ai prouvé « ailleurs. L'ame ne peut voir que le Soleil « auquel elle eft immediatement unie. Or « nous voyons clairement, & nous fen- « tons diftinctement, que le Soleil eft « quelque chofe de diftingué de nous, «

»Donc nous parlons contre nôtre lumiere & contre nôtre confcience, lorf» que nous disons que l'ame voit dans " fes propres propres modifications tous les

» corps qui l'environnent.

VIII. Lors qu'un homme dort, ou lors qu'il a une fiévre chaude, il voit, par exemple, devant lui un Centaure. Mr. Arnaud prétend, que la realité objective, on l'idée de ce Centaure, en un mot, l'objet immediat de l'efprit, n'eft qu'une de fes modalitez effentiellement reprefentatives. Mais qu'un chacun examine le fentiment interieur qu'il a de luimême, lors qu'il voit quelque objet fenfible, foit que cet objet foit ou non devant fes

yeux.

IX. Lorfque je voi ce Centaure, je remarque en moi deux chofes. La premiere, c'eft que je le voi; la feconde, c'est que je fens bien que je le voi. Je le voi, mais comme un être diftingué de moi. Ce n'eft donc pas une modification de ma fubftance, qui eft un être particulier qui ne renferme point éminemment les perfections de tous les êtres, ni ce Centaure. Car je ne puis connoître la modification d'une fubftance, comme un être diftingué de cette fubftance : je ne puis , par exemple, voir le cercle, com

me un être different de l'étenduë, dont il eft la modalité.

X. En fecond lieu, je fens que je voi ce Centaure, que c'eft moi qui le voit, que la perception que j'en ai m'appartient, & que c'est une modification de ma fubftance. Je dois donc conclurre, que l'objet immédiat de ma perception n'eft point une modification de mon amẹ, mais feulement que la perception que j'en ai, eft une modification de ma fubftance. Voilà ce qu'apprend la raifon & le fentiment interieur qu'on a de foi-mê

me.

Troifiéme preuve tirée de la même Réponse à la feconde Objection.

XI. L'ame apperçoit un triangle, ou « un cercle en general, quoi qu'il y ait « contradiction que l'ame puiffe avoir une « modification en general. Les fenfations « de couleur que l'ame attache aux figu- « res, les rendent particulieres, parce que nulle modification d'un être particulier ne peut être generale. J'ai encore « donné la même preuve, Chap. 6. de la feconde Partie du 3. Liv. de la Recherche de la verité.

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XII. Il est évident, que toute modalité d'un être particulier ne peut être generale.

Or je penfe à un cercle en general: la realité objective de ma pensée pensée, c'eft un cercle en general. Donc la realité objective, ou l'idée de ce cercle, ne peut être une modalité particuliere de mon efprit. Je ne puis pas deviner ce qu'il plaira à Mr. Arnaud de nier dans cet argument. Mais je le prie d'éviter dans fes Réponfes les termes generaux qui ne réveillent aucune idée dans l'efprit.

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XIII. Je dis enfuite, » que ce font les » couleurs que l'ame attache aux figures, qui les rendent particulieres, à l'égard » de celui qui les voit. Car lorfque fur du papier blanc, j'y vois un corps noir, cela me détermine à regarder ce corps noir comme un corps particulier, qui fans fa couleur differente, me paroîtroit être le même. Ainfi, la difference des idées des corps vifibles, ne vient que de la difference des couleurs. De même, la blancheur du papier fait que je le distingue du tapis, la couleur du tapis me le fepare de la table, & celle de la table fait que je ne la confonds pas avec l'air qui l'environne, & avec le plancher fur lequel elle eft appuyée. C'eft la même chofe de tous les objets vifibles. Ainfi l'étendue conçûë fans couleur, eft l'idée de tous les corps fans cette modification

de l'ame. Car encore un coup, Mr. Arnaud convient, que la couleur est une -modalité de l'ame. L'idée de l'étenduë eft donc generale, & toûjours la même: elle peut être vûë par tous les esprits, parce qu'effectivement l'étenduë intelligible, auffi-bien que les nombres, ne font point des êtres créez & particuliers. Mais la couleur rend particuliere cette étendue intelligible, parce que, comme je viens de dire, toute modification d'une créature, ou d'un être particulier, ne peut être generale. J'apprehende fort que Monfieur Arnaud, qui n'a pas voulu comprendre ces veritez, ne s'écrie, comme il a fait fur le même fujet. Je ne sçai, pag. 119 Monfieur, que vous dire fur un tel difcours : j'en fuis effrayé. Car je trouve qu'il enferme tant de brouilleries & de contradictions, que toute ma peine fera d'en démêler les équivoques, & d'en découvrir les paralogifmes.

XIV. C'est, dit-il, un manifefte paralogifme , que de conclure de ce que Dien voit en lui-même toutes chofes, qu'il y a en Dieu de l'étendue, des moucherons des puces, des des crapaux. Mais qui le conclut? Il y a en Dieu de l'étendue intelligible, celle que je voi immediatement & directement quand je regarde les

corps.

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