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neur de la province. Ils allerent le trouver en diligence, par un chemin long & difficile ; & quand ils hui eurent été présentés, on les mit dans la prifon de Lambèfe. Pendant plufieurs jours le gouverneur fit mourir un grand nombre de fidéles laïcs, avant que d'en venir à Jacques & à Marien. Les clercs étoient affligés de cette diftinction & du retardement de leur victoire. Dans cette prifon Jacques vit en dormant l'évêque Agapius qui faifoit un grand feftin, & témoignoit beaucoup de joie; lui & Marien y étoient appellés comme à une agape, & ils rencontrerent un enfant, l'un de deux jumeaux qui trois jours auparavant avoient fouffert avec leur mere. Cet enfant avoit autour du col une couronne de rofes, & tenoit à fa main droite une palme très-verte. Il leur dit: Et oùallez-vous fivite? Réjouiffez-vous, vous fouperez demain avec nous.

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que

Le lendemain Marien, Jacques & tous les autres clercs furent condamnés à mort. On les mena au lieu de l'exécution, qui étoit fur le bord du fleuve dans un vallon, avec des collines élevées des deux côtés comme pour favorifer le fpectacle. Parce qu'ils étoient en grand nombre, on les fit ranger de fuite, afin l'exécuteur ne fit que paffer de l'un à l'autre en coupant les têtes; autrement l'exécution eût été trop longue, & il y eût eu trop de corps en un monceau, s'il les eût fallu faire venir l'un après l'autre à la même place. Quand ils eurent les yeux bandés, la plupart difoient aux fidéles qui étoient proche, qu'ils voyoient en haut des chevaux blancs montés par de jeunes hommes vêtus de blanc : d'autres difoient qu'ils entendoient le frémiffement des chevaux. Marien difoit

hardiment, que la vengeance du fang innocent étoit proche, & que le monde feroit affligé de diverses plaies: de pefte, de captivité, de famine, de tremblemens de terre, d'infectes: ce qui marquoit la prise de· l'empereur Valérien, & les guerres qui fuivirent fous les trente tyrans. La mere de faint Marien nommée Marie étoit préfente, qui le voyant mort, fe félicitoit elle-même d'avoir mis au monde un tel fils; elle embrafsoit fon corps, donnoit cent baisers à son cou coupé. L'hiftoire de ces martyrs fut écrite à leur priere par un de leurs amis, qui avoit été présent à

tout.

AN. 259.
XLVI.
S. Fructueux
de Tarragone.
Acta finc.

p. 220.

Prud. peri

En Espagne, Fructueux évêque de Tarragone fut pris un jour de dimanche quinziéme de Janvier l'an 259. & avec lui deux diacres, Augure & Euloge. Comme Fructueux étoit dans fa chambre, fix foldats, de ceux que l'on appelloit bénéficiers, & qui étoient Aug. ferm. du premier rang, vinrent à sa maison. Les ayant our Our 273. frapper de leur bâton à fa porte, il se leva auffitôt & steph. 6. fortit en pantoufles. Ils lui dirent : Venez, le gouverneur vous demande avec vos diacres. L'évêque feur dit: Allons où vous voudrez, je vais me chauffer. Les foldats lui dirent: Chauffez-vous à votre aife. Sitôt qu'ils furent venus,on les mit en prifon. Fructueux affuré de la couronne, & plein de joie, prioit fans ceffe: les freres qui s'y trouvoient fe recommandoient à lui; le lendemain il baptifa Rogatien. Ils furent fix jours en prifon; le mercredi ils célébrerent folemnellement la ftation de la quatriéme férie, c'est-à-dire le jeûne avec les prieres. On les préfenta pour être ouis le V. Pagi,ani vendredi vingtiéme de Janvier. Le gouverneur Émi- 259. 8. lien dit: Amenez l'évêque Fructueux, Augurius &

Eulogius. Les officiers dirent: Les voici. Émilien dit à Fructueux: Avez-vous oui ce que les empereurs ont ordonné? Fructueux dit: Je ne fçais ce qu'ils ont ordonné; pour moi je fuis chrétien. Émilien dit: Ils ont ordonné que l'on adore les dieux. Fructueux dit : J'adore un feul Dieu, qui a fait le ciel & la terre, la mer & tout ce qui y eft compris. Émilien dit: Sçavez-vous qu'il y a des dieux? Fructueux répondit: Non, je n'en fçais rien. Émilien dit : Vous le sçaurez tantôt. Fructueux regarda vers Dieu, & commença V. Aug.ferm. à prier en lui-même. Émilien dit : Qui écoute-t-on, civ.c. 27.xxII. qui craint-on, qui adore-t-on, fi on ne fert pas Fauft. dieux, & fi on n'adore pas le vifage des empereurs?

273.n. 3. VIII.

cont.

C. 21.

les

Puis il dit au diacre Augurius : N'imite pas les difcours de Fructueux. Augurius dit : J'adore Dieu toutpuissant. Émilien lui dit : Adores-tu auffi Fructueux? Augurius dit: Je ne fers pas Fructueux : mais je fers celui qu'il fert lui-même. Émilien dit à Fructueux: Es-tu évêque? Oui, répondit-il. Émilien dit: Tu ne l'es plus, & commanda qu'ils fuffent brulés vifs.

Ón mena Fructueux avec ses diacres à l'amphithéâtre, & tout le peuple le plaignoit ; car il étoit aimé même des infidéles, à caufe de fa vertu. Les chrétiens se réjouiffoient plus de fa gloire, qu'ils ne s'affligeoient de le perdre. Plufieurs par un mouvement de charité lui offroient un breuvage, pour le fortifier, V. Thomaf. mais il dit: Il n'eft pas encore l'heure de rompre le 6. 19.&2.part. jeûne: car il n'étoit que dix heures du matin, & c'étoit le vendredi, jour de station. On voit ici l'exactitude des faints à garder ces pratiques; & qu'ils croyoient que boire rompoit le jeûne. Comme ils furent arrivés à l'amphithéâtre, un nommé Augustal, qui étoit son

jeunes, 1. part.

C. IS.

lecteur, s'approcha en pleurant, & lui dit: Permettezmoi de vous déchauffer. Fructueux répondit: Laiffez, mon fils, je me déchausserai avec joie, je fuis affuré de la promeffe du Seigneur. Après qu'il fe fut déchauffé, un chrétien nommé Félix s'approcha, & lui prit la main, le priant de fe fouvenir de lui. Fructueux lui dit tout haut, enforte que tout le monde l'entendit : Je dois avoir dans l'efprit toute l'églife catholique, étendue depuis l'orient jufqu'à l'occident. Étant à la porte de l'amphithéâtre & près d'entrer au combat, il confola encore les freres, les affurant qu'ils ne manqueroient point de pasteur. Après que les bandelettes qui leur lioient les mains furent brulées, l'évêque se mit à genoux & prioit encore, fuivant fa coutume afsuré de la résurrection. Deux chrétiens, Babylon & Magdonius domeftiques du gouverneur virent le ciel ouvert, pour recevoir les martyrs : & montrerent à une petite fille d'Émilien, l'évêque avec fes deux diacres monter au ciel couronnés, les pieux où ils avoient été attachés demeurant encore. Ils appellerent Émilien lui-même, pour lui montrer les martyrs: il ne les vit point alors, mais enfuite faint Fructueux lui apparut avec fes diacres en des habits éclatans, & lui déclara que ce qu'il avoit fait contr'eux n'avoit fervi qu'à leur gloire. Cependant les fidéles vinrent la nuit à l'amphithéâtre avec du vin, pour éteindre les corps demi-brulés. Ils en ramafferent les cendres, dont chacun prit ce qu'il put: mais faint Fructueux leur apparut, & les avertit, que chacun rendît ce qu'il en avoit pris, & qu'ils les enterraffent tout ensemble. On peut rapporter à cette perfécution de Valérien, le martyre de S.Saturnin, premier évêque de Toulouse, de Toulouse.

XLVII.
S. Saturnin

Sup. liv. vi.

n. 49.

Alta finc.

P. 110.

Saint Denis de qui s'y étoit établi environ dix ans auparavant. Les Paris, oracles des démons cefferent par fa puiffance: il découvrit leurs impoftures, & affoiblit leur autorité : & comme l'église étoit près du capitole & fa maison audelà, il passoit & repaffoit fouvent devant le capitole, & fa préfence rendoit les idoles muétes. Les pontifes païens s'en apperçurent, & réfolurent fa perte. Un jour comme ils avoient assemblé le peuple, & tenoient un taureau prêt pour appaiser leurs dieux par un facrifice, ils virent paffer faint Saturnin, qui alloit à fon ordinaire célébrer les divins offices. Voilà, dirent-ils, l'ennemi des dieux, & l'auteur de cette nouvelle religion: vengeons leur injure: qu'il facrifie ou qu'il meure. Ils l'environnent en foule & le traî¬ nent au capitole lui feul : car un prêtre & deux diacres qui l'accompagnoient s'enfuirent.

Comme on le preffoit de facrifier, il dit à haute voix: Je ne connois qu'un Dieu : je sçais que les vôtres font des démons, comment voulez-vous me faire craindre ceux que vous dites qui me craignent? Alors la multitude irritée prit le taureau que l'on alloit facrifier. Il l'entourent d'une corde, qu'ils laiffent pendre par derriere, & y attachent les pieds du faint: puis ils piquent le taureau avec des aiguillons, & le pouffent du haut de leur capitole en bas. A la defcente des premiers degrés, le faint eut la tête caffée, & fa cervelle fe répandit : puis tout le refte de fon corps fut déchiré. Le taureau ne laiffa pas de le traîner, jufqu'à ce que la corde fe rompît. Le corps y demeura, & fut enterré tout proche par le foin de deux femmes, qui le mirent dans une bierre de bois & dans une foffe profonde, de peur que les païens n'achevassent

de

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