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LI.

S. Irenée de Sirmium.

employé en vain les promeffes & les menaces; les
voyant fermes à refuser de facrifier, emplirent le fépul-
cre de farment & d'épines féches, le fermerent fur el-
les, y mirent le feu, & fe retirerent. Ainfi le même jour
,y
fainte Afre avoit été enfevelie, fa mere & fes trois
fervantes fouffrirent auffi le martyre. Les fépulcres
des anciens étoient des bâtimens élevés, fouvent affez
grands pour contenir des logemens.

que

A Sirmium, ville célébre dans la Pannonie, le gouverneur Probus commença la perfécution par le clergé. Atta finc. Il prit Montan prêtre de l'église de Singidum, & le Ibid p. 432. fit mourir. Enfuite Irenée évêque de Sirmium fut aufsi

P. 430.

arrêté; & comme il refufoit conftamment de facrifier aux idoles, Probus le fit tourmenter cruellement. Son pere & fa mere le voyant dans les tourmens,le prioient de fe laiffer fléchir. Ses enfans encore petits le prenoient par les pieds en difant: Mon pere, ayez pitié de vous & de nous. Des femmes éplorées s'efforçoient auffi de le toucher: tous fes parens, fes domeftiques, fes voifins & fes amis l'exhortoient en pleurant à avoir pitié de fa jeuneffe. Le gouverneur lui dit: Que dis-tu? laisse-toi fléchir à leurs larmes: conserve ta jeunesse & facrifie? Il répondit: Je me conferve pour l'éternité, en ne facrifiant point. Le gouverneur le fit mettre en prifon, où il demeura long-tems, fouffrant divers tourmens. Au fecond interrogatoire, après l'avoir encore preffé de facrifier; il lui demanda s'il avoit une femme. Non, dit Irenée ; & des enfans? Je n'en ai point. Et des parens? Je n'en ai point. Et qui font donc, dit Probus, ceux qui pleuroient au premier interrogatoire ? Matth.x. 37. Irenée répondit: Mon Seigneur Jefus-Chrift a dit: Qui aime fon pere, ou fa mere, ou sa femme, ou fes enfans, ou fes freres, où ses parens plus que moi, n'est pas

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digne de moi. En difant cela, il levoit les yeux au ciel, comme pour dire, qu'il ne connoiffoit plus perfonne fur la terre. Probus dit: Sacrifie du moins à caufe d'eux. Irenée dit: Mes enfans ont le même Dieu que moi, qui peut les fauver. Probus dit: Je prononcerai ta fentence. Je vous en ferai obligé, dit Irenée. Probus prononça donc ainfi : J'ordonne qu'Irenée désobéissant aux ordres des empereurs, foit précipité dans le fleuve. Irenée dit: Après tant de menaces j'attendois de grands tourmens, & que vous me feriez mourir par le fer. Je vous prie de le faire, afin que vous voyiez combien la foi donne aux chrétiens de mépris pour la mort. Probus irrité commanda qu'on lui coupât auffi la tête. Irenée en remercioit Dieu, comme d'une feconde victoire. Etant venu fur le pont il fe dépouilla de fes habits, & dit, les mains étendues au ciel : Seigneur JefusChrist, qui avez bien voulu fouffrir pour le falut du monde, ouvrez-moi vos cieux, puifque je fouffre pour votre nom & pour le peuple de votre églife catholique de Sirmium. Daignez par votre miféricorde me recevoir & les confirmer dans votre foi. Ainfi il eut la tête tranchée, & fut jetté dans la Save le fixiéme d'Avril.

Enfuite le gouverneur Probus vint à Cibale, autre

LII.

ville de Pannonie, dont il ne reste plus aujourd'hui de S. Pullion. veftige, quoique ce fût alors une ville épiscopale. Le même jour que le gouverneur y arriva, on prit Pullion premier des lecteurs, & on le lui présenta, comme un homme qui ne ceffoit de parler infolemment contre les dieux & contre les princes. Probus lui demanda fon nom; s'il étoit chrétien; quelle charge il avoit ; ce que c'étoit que les lecteurs. Pullion répondit ; Ceux qui ont accoutumé de lire au peuple la parole de Dieu. Oui, dit Probus, ces gens qui féduisent des femmes

légeres, les empêchant de fe marier, & leur perfuadant, à ce que l'on dit, une chafteté inutile. Pullion répondit: Ceux-là font légers & imprudens, qui quittent leur Créateur pour fuivre vos fuperftitions. Mais ceux-là font fermes & fidéles à leur roi éternel, qui s'efforcent d'accomplir, malgré les tourmens, les préceptes qu'ils ont lus. Probus dit : Quels commandemens? de quel roi ? Les faints commandemens de Jefus-Chrift, dit Pullion. Quoi, dit Probus, que difent-ils? Pullion répondit: Ils enfeignent qu'il n'y a qu'un Dieu qui lance le tonnerre ; que l'on ne peut nommer Dieu ce qui eft fait de bois ou de pierre: ils corrigent les pécheurs : ils fortifient les bons dans l'innocence. Ils enfeignent aux vierges à garder l'état fublime de l'intégrité: aux femmes la continence qui convient à la production des enfans: aux maîtres, à commander avec douceur à leurs freres: aux efclaves, à fervir plus par amour que par crainte : à obéir aux rois & aux puiffances, quand ils commandent des chofes juftes: à rendre l'honneur aux parens, la pareille aux amis,le pardon aux ennemis,l'affection aux citoyens, l'humanité aux hôtes, la compassion aux pauvres, la charité à tous. Ne faire mal à perfonne, fouffrir patiem→ ment les injures, n'en faire aucune, céder fes biens, ne point defirer ceux d'autrui, pas même d'un regard de complaifance. Enfin, que celui-là vivra éternellement, qui pour la foi méprifera la mort d'un moment, que vous pouvez nous donner. Si ces maximes vous déplaifent, vous pouvez les condamner avec connoiffance de cause. Probus dit: Et que fervira tout cela à un homme mort, privé de la lumiere & de tous les biens du corps? C'eft, dit Pullion, que la lumiere perpétuelle & les biens permanens valent mieux. Que fert tout cela, dit Probus ; Fais ce que les empereurs ordonnent?

facrifie, ou tu mourras par le glaive. Pullion dit: Faites ce qui vous eft ordonné; pour moi je dois fuivre de toute ma force les traces des évêques, des prêtres & de tous les peres qui m'ont inftruit. Probus le condamna au feu. Auffitôt les exécuteurs l'emmenerent à un mille de la ville, où il accomplit fon martyre en louant Dieu, le vingt-septiéme d'Avril.

LIII.
S. Philippe

Acta finc. p.

Philippe, vieillard vénérable, étoit évêque d'Héraclée, métropole de Thrace. Il avoit été diacre, puis prê- d'Héraclée tre ; & enfin fon mérite l'éleva à l'épifcopat.Il avoit deux &c. difciples entr'autres, Sévere prêtre, & Hermès diacre, 443. qu'il confirmoit dans la faine doctrine, par de fréquens entretiens. La perfécution étant ouverte, plufieurs lui confeilloient de fortir de la ville; mais au contraire, il ne bougeoit de l'églife, exhortant les freres à la patience. Vers le faint jour de l'épiphanie, comme il leur parloit, Ariftomaque ftationaire de la ville, vint mettre le fellé à l'églife, par ordre du gouverneur. Saint Philippe dit: Homme infenfé, crois-tu que Dieu habite dans les murailles, plutôt que dans les cœurs des hommes? Le lendemain le stationaire fortit,après avoir trouvé & fellé tous les vafes facrés de l'églife. Les freres qui fe trouverent préfens, étoient abattus de trifteffe; mais Saint Philippe,appuyé fur la porte de l'église, qu'il ne quittoit point, les encourageoit & leur donnoit à chacun les inftructions convenables. Enfuite, comme ils s'étoient affemblés, le gouverneur Baffus trouva Philippe avec les autres à la porte de l'églife. Il les fit amener devant fon tribunal, & dit : Qui de vous eft le docteur des chrétiens? Philippe dit : Je fuis celui que vous cherchez. Baffus dit: Vous avez tous oui la loi de l'empereur, qui défend aux chrétiens de s'affembler, & ordonne qu'ils facrifient ou qu'ils périssent.

Apportez donc en ma préfence tout ce que vous avez de vafes d'or ou d'argent, ou de quelque métal que ce foit, & de quelque valeur; & les écritures dont vous vous fervez pour lire & pour enfeigner; de peur que vous ne le faffiez après les tourmens. Philippe dit : Si vous vous plaisez à nous tourmenter,nous fommes prêts à le fouffrir. Quant aux vases que vous demandez, nous allons vous les donner; nous méprisons tout cela: ce n'est pas par les métaux précieux que nous honorons Dieu, mais par la crainte ; & l'ornement du cœur lui plaît davantage, que l'ornement de l'églife. Pour les écritures, il ne convient ni à vous de les recevoir, ni à moi de les donner. Alors le gouverneur fit amener les bourreaux, & il en vint un nommé Mucapor très-inhumain. Le gouverneur fit entrer le prêtre Sévere, dont il ne put rien tirer. Il fit long-tems tourmenter Phi lippe; & le diacre Hermès qui étoit proche, dit: Quand vous auriez pris toutes nos écritures, enforte qu'il ne parût plus fur la terre de trace de la vraie doctrine; nos enfans feront de plus grands volumes, par le foin qu'ils auront de la mémoire de leurs peres & du falut de leurs ames, & enseigneront avec plus d'ardeur à craindre Jefus-Chrift...

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Après cela il entra dans le lieu, où on avoit caché toute l'argenterie & les écritures. Publius affeffeur du gouverneur, homme intéreffé, le fuivit, & voulut détourner quelques vafes. Comme Hermès s'efforçoit de l'en empêcher, Publius le frappa fur le vifage, jusques au fang.Le gouverneur Baffus en fut irrité contre Publius, & commanda que l'on prît foin d'Hermès : mais il fit donner à fes officiers tous les vafes, & les écritures que l'on avoit trouvées ; & fit mener à la place Philippe & les autres entourés de gardes,pour réjouir les infidéles,

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