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vous pouvez paffer en Afie, vous avez Ephese ; fi vous êtes près d'Italie, vous avez Rome, dont nous, c'est-à-dire, les Africains, prenons auffi l'autorité. Quelle eft heureuse cette églife! où les apôtres ont répandu toute leur doctrine avec leur fang: où Pierre a fouffert comme le Sauveur: où Paul a été couronné comme Jean-Baptiste : où l'apôtre Jean, après avoir été plongé dans l'huile, fans en fouffrir de mal, a été relégué dans une isle.

C. 22.

Les hérétiques de ce tems-là foutenoient que les apôtres n'avoient pas tout fçu, ni enseigné tout ce qu'ils fçavoient. C'eft pourquoi Tertullien s'applique à montrer qu'ils n'ont rien ignoré de la doctrine du falut, ni rien caché à leurs difciples: que cette doctrine c. 25. n'a point été altérée par les églifes, dans la fuite des tems, puifqu'elle eft encore par-tout uniforme. Si l'on c. 27. s'eft trompé, dit-il, l'erreur a donc regné par-tout, jufqu'à ce que les hérétiques fuffent venus délivrer la vérité. Cependant on prêchoit mal, on croyoit mal: tant de milliers de milliers ont été mal baptifés: tant d'œuvres de foi mal adminiftrées : tant de miracles mal opérés: tant de facerdoces & de ministeres mal exercés: tant de martyrs enfin mal couronnés. En toutes chofes la vérité eft devant l'image. Il marque c. 30. le tems de chaque hérétique en particulier, & conclut: que ce qui a été enseigné le premier eft vrai & c. 31. divin : ce qui a été ajouté depuis est faux & étranger. Il veut que les hérétiques prouvent leur miffion, com- c. 35. me les apôtres, par des miracles. Ayant une fois établi qu'ils font hérétiques, on a montré qu'ils n'ont aucun c. 36. droit à nos écritures: on doit préfumer qu'ils les ont « 37corrompues, pour les ajuster à leur doctrine nouvelle:

c. 38. ceux qui les ont dès le commencement,n'ont eu aucun intérêt de les corrompre. Il marque que dans les fuc. 4o perstitions païennes, il y avoit des imitations de plufieurs cérémonies de la vraie religion des Juifs & des Chrétiens: ainfi les hérésies font de mauvaises copies du chriftianifme.

XXX. Mœurs des

hérétiques.

c. 41.

Pour le faire mieux voir, il montre la différence de leurs mœurs: combien la morale des hérétiques eft méprifable, terreftre, humaine, fans gravité, fans autorité, fans difcipline. Premierement, dit-il, on ne fçait qui eft catéchumene, ou qui eft fidéle? ils entrent également, ils écoutent, ils prient fans diftinction: ils admettent les païens même, & traitent d'affectation notre attachement à la difcipline: ils donnent la paix à tout le monde indifféremment. Ils ne fe mettent point en peine de la diverfité des fentimens, pourvû que l'on s'accorde à combattre la vérité. Tous font enflés & promettent la science : les catéchumenes font parfaits, avant que d'être inftruits. Quelle eft l'infolence de leurs femmes ! elles ofent bien enfeigner, difputer, exorcifer, promettre des guérifons peut-être même baptifer. Leurs ordinations fe font au hasard, légerement, inégalement : tantôt ils élevent des néophytes, tantôt des gens engagés au fiécle, tantôt de nos apoftats, pour les attacher. Aujourd'hui ils ont un évêque, demain un autre : celui qui eft aujourd'hui diacre, fera demain lecteur : aujourd'hui prêtre, demain laïc: car ils donnent même aux laïcs les fonctions facerdotales. Ils fe font une affaire, non de convertir les païens, mais de pervertir les nôtres : ils ne font humbles, flateurs & foumis que pour cela.

Au

Au refte, ils ne portent point de respect même à leurs prélats: & c'eft par cette raison, qu'il n'y a guères de fchifmes chez les hérétiques, parce qu'ils n'y paroiffent pas. Ils varient entr'eux, s'écartant de leurs propres regles: chacun tourne à sa fantaisie la doctrine qu'il a apprife, comme celui qui l'a enseignée, l'avoit compofée à fa fantaisie. Les Valentiniens & les Marcionites ont autant de droit d'innover à leur gré dans la foi, que Valentin & Marcion: fi l'on y regarde, on trouvera que toutes les héréfies s'écartent en plufieurs points des sentimens de leurs auteurs. La plupart n'ont pas même d'églises, & font errans & vagabonds, fans mere, fans demeure fixe, fans foi. Les hérétiques font 45 encore notés par le commerce qu'ils ont avec les magiciens, les charlatans, les aftrologues, les philofophes. Par leurs moeurs on peut juger de leur foi ils difent qu'il ne faut point craindre Dieu : auffi fe donnent-ils toute liberté. C'est ainsi que Tertullien nous décrit les hérétiques.

C.

XXXI.

Tertullien

c. I. 30%

Un autre ouvrage excellent compofé certainement depuis fa chute, eft celui qu'il écrivit contre Praxéas, contre pour défendre la foi de la Trinité, fur laquelle les xas. Montaniftes convenoient avec l'églife catholique. Il emploie expreflément le mot de Trinité, & marque que les hérétiques affectoient de relever le nom de Monarchie pour impofer aux fimples, & faire croire qu'ils ne défendoient que l'unité de Dieu. Pour prou- c. j..., ver la diftinction du Pere & du Fils, il examine tout ce qui eft dit du Fils, Dieu, dit-il, étoit feul avant la création du monde, parce qu'il n'y avoit rien hors de lui. Mais en lui étoit fa fageffe, fa raifon & fa parole intérieure, qui se produisit ensuite au dehors, & deTome II.

I

c. S.

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vint fa parole extérieure. Il aime mieux ne la nommer parole qu'après cette production, fuivant le style des anciens théologiens: toutefois il reconnoît que l'usage étoit déja, de la nommer parole, dès le commencement qu'elle étoit en Dieu, & admet ces expreffions comme indifférentes. Et ceci fert à expliquer ce qu'il dit ailleurs: Que le Fils n'a pas toujours été; parce qu'il nomme génération cette prolation extérieure du Verbe, par laquelle Dieu dit: Que la lumiere foit, fans préjudice de l'éternité du Verbe intérieur, qui eft la fageffe.

C'eft, dit-il, cette parole que je dis être une perfonne, & à qui j'attribue le nom de Fils; & le reconnoiffant pour Fils, je foutiens qu'il est le fecond après le Pere: il a toujours été dans le Pere, & a été produit de lui fans en être féparé. Il en a été produit comme la plante de fa racine, le fleuve de fa fource, le rayon du foleil. Je déclare donc que je les nomme deux, Dieu & fon Verbe; le Pere & fon Fils : & le troifiéme après Dieu & fon Fils, qui eft l'Esprit. Souvenez-vous toujours de la regle que j'ai établie, que le Pere, le Fils & l'Efprit font inféparables l'un de l'autre. Quand je dis que le Pere eft autre que le Fils & que le SaintEfprit, je le dis par néceffité : non pour marquer di verfité, mais ordre: non divifion, mais diftinction: il eft autre en perfonne, non en substance. Le Pere eft toute la fubftance, le Fils eft un écoulement : auffi dit-il: Le Pere eft plus grand que moi.

Autre est celui qui engendre, & celui qui est engendré: autre celui qui envoie, & celui qui eft envoyé : autre celui qui fait, & celui par qui il fait. Le Seigneur même a usé du mot d'autre en la personne

du Paraclet, en difant: Je prierai mon Pere, & il vous Jo. xiv. 16. envoierra un autre confolateur. Il infifte fur la nature des relations. Dieu conserve ce qu'il a inftitué: pour «. toi être pere il faut avoir un fils, & pour être fils il faut avoir un pere; autre chofe eft d'avoir un pere, autre chofe de l'être: & il eft impoffible étant seul, ni d'avoir un fils ni de l'être. Cependant c'étoit la prétention de Praxéas, que Dieu étoit lui-même fon fils. Dieu Pf. 2. devoit donc dire, dit Tertullien: Je fuis mon fils : je Pf. 109. me fuis engendré avant l'aurore : je me fuis produit au Prov. VIIII commencement de mes voies: or il dit tout le contraire. Que craignoit-il? finon de mentir & de nous tromper: comme il auroit fait, fi n'étant qu'une même perfonne, il fe parloit à lui-même, & de lui-même. Et enfuite:

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22.

c. 13.

c. 18.

Jamais le nom de deux Dieux & de deux Seigneurs ne fortira de notre bouche : non que le Pere ne foit c. 19. Dieu, & le Fils Dieu, & le S. Efprit Dieu. Mais parce que le Fils n'eft nommé Dieu que par l'union avec le pere: donc pour ne pas fcandalifer les gentils, j'imiterai l'apôtre, & fi je dois nommer ensemble le Pere & le Fils, j'appellerai le Pere Dieu, & le Fils notre Seigneur Jefus-Chrift; mais quand je nommerai Jesus-Christ seul, je pourrai le nommer Dieu. Quand l'écriture dit qu'il n'y a qu'un Dieu, c'eft contre les païens, qui admettent la multitude des faux dieux; ou contre les hérétiques, qui font auffi des idoles, par leurs difcours : c'eft-à-dire, ceux qui admettoient plufieurs principes, comme Marcion & les femblables. Il répond aux paffages dont abufoit Praxéas. Le Pere & Joan. x. 30. moi nous fommes un. Il ne dit pas je fuis, mais nous c. 22. fommes: Il ne dit pas unus au masculin, mais unum au

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