Chez DELALAIN, rue & à côté de la Comédie
Le Théâtre repréfente une partie de la maifon des Confuls fur le Mont Tarpeien: le Temple du Capitole fe voit dans le fond. Les Sénateurs font affemblés entre le Temple & la maison, devant l'autel de Mars. Brutus & Valerius Publicola, Confuls, préfident à cette affemblée; les Sénateurs font rangés en demicercle. Des Licteurs avec leurs faisceaux font debout derriere les Sénateurs,
Eftructeurs des tyrans, vous qui n'avez pour Rois Que les Dieux de Numa, vos vertus & nos lois, Enfin notre ennemi commence à nous connaître. Ce fuperbe Tofcan, qui ne parlait qu'en maître ims Porfenna, de Tarquin, ce formidable appui,alb serie Ce tyran, protecteur d'un tyran comme lui,
Qui couvre de fon camp, les rivages du Tibre, Refpecte le Sénat, & craint un peuple libre. Aujourd'hui devant vous abaiffant fa hauteur, Il demande à traiter par un Ambaffadeur. Arons, qu'il nous députe, en ce moment s'avance; Aux Sénateurs de Rome il demande audience!; Il attend dans ce Temple: & c'est à vous de voir S'il faut le refufer, s'il faut le recevoir.
VALERIUS-PUBLICOLA,
Quoi qu'il vienne annoncer, quoiqu'on puiffe en attendre,. Il le faut à fon Roi renvoyer, fans l'entendre ;- Tel eft mon fentiment. Rome ne traite plus
Avec les ennemis, que quand ils font vaincus. il sit Votre fils, il eft vrai, vengeur de fa patriea en ar A deux fois repouffé le tyran d'Etrurie;
Je fai tout ce qu'on doit à fes vaillantes mains;
Je fai qu'à votre exemple il fauva les Romains;
Mais ce n'eft point affez. Rome, affiégée encore,il Voit dans les champs voifins ces tyrans qu'elle abhorre, Que Tarquin fatisfaffe aux ordres du Sénat, Exilé par nos loix, qu'il forte de l'Etat, De fon coupable afpect qu'il purge nos frontieres Et nous pourrons enfuite écouter fes prieres.
Ce nom d'Ambaffadeur a paru vous frapper;
Tarquin n'a pu nous vaincre, il cherche à nous tromper. L'Ambaffadeur d'un Roi m'eft toujours redoutable, Ce n'eft qu'un ennemi, fous un titre honorable, Qui vient, rempli d'orgueil, ou de dextérité, Infulter ou trahir avec impunité..
Rome! n'écoute point leur féduifant langage; Tout art telt étranger, combattre eft ton partage; Confonds tes ennemis, de ta gloire irrités; Tombe, ou punis les Rois; ce font là tes traités. BRUTU S.
Rome fait à quel point fa liberté m'eft chere, Mais, plein du même efprit, mon fentiment differe; Je vois cette ambaffade au nom des Souverains, Comme un premier hommage aux citoyens Romains; Accoutumons des Rois la fierté defpotique, A A traiter en égale avec la République,
Attendant que du Ciel rempliffant les décrets, Quelque jour avec elle ils traitent en fujets. Arons vient voir ici Rome encor chancelante, Découvrir les refforts de fa grandeur naiffante Epier fon génie, obferver fon pouvoir; Romains, c'eft pour cela qu'il le faut recevoir. L'ennemi du Sénat connaîtra qui nous fommes Et l'efclave d'un Roi va voir enfin des hommes. Que dans Rome à loifir il porte fes regards; Il la verra dans vous, vous êtes fes, remparts. Qu'il révere en ces lieux le Dieu qui nous raffemble Qu'il paroiffe au Sénat, qu'il l'écoute, & qu'il tremble. (Les Sénateurs fe levent, & s'approchent un moment, pour donner
VALERIUS-PUBLICOLA
Je vois tout le Sénat paffer à votre avis.
Rome & vous l'ordonnez, à regret j'y foufcris; Licteurs, qu'on l'introduife; & puiffe fa préfence. N'apporter en ces lieux rien dont Rome s'offenfe
A Brutus. C'eft fur vous feul ici que nos yeux font ouverts; C'est vous qui le premier avez rompu nos fers:
De notre liberté foutenez la querelle; Brutus en eft le pere, il doit parler pour elle.
SCENE I I.
LE SÉNAT, ARONS, ALBIN, SUITE.
Arons entre par le côté du Théâtre, précédé de deux Liteurs & d'Albin fon confident; il paffe devant les Confuls & le Sénat ↳ qu'il falue, & il va s'affeoir fur an fiege préparé pour lui fur le devant du Théâtreatne ༦༽༼
Onfuls,&ous Sénat, qu'il m'eft doux d'être admis Dans ce Confeil facré de fages ennemis !
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