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d'être emmené avec eux. Il fouffrit beaucoup dans la fuite, & fut envoié en exil après une rude prifon. Le peuple accouroit de tous côtez pour voir les faints Confeffeurs : les chemins étoient trop étroits, & les fideles couvroient les vallées & les montagnes, portant des cierges à leurs mains, & jettant leurs enfans aux pieds des Saints. Ils leur crioient: A qui nous laiffez-vous en courant au martyre, qui baptifera ces enfans? qui nous donnera la penitence & la reconciliation? qui nous enterrera après la mort? qui offrira le divin facrifice avec les ceremonies ordinaires? que ne nous eft-il permis d'aller avec vous?

On remarqua une femme qui portoit un fac & tenoit un enfant par la main, & lui disoit: Cours mon petit maître, vois-tu tous ces Saints, comme ils fe preffent d'aller recevoir la couronne? Ceux qui accompagnoient les Confeffeurs la reprirent de ce qu'elle vouloit aller avec tant d'hommes. Elle leur dit: Priez pour moi & pour cet enfant, qui eft mon petit-fils. Jefuis fille du défunt Evêque de Zurite, j'emmene cet enfant, de peur que l'ennemi ne le trouve feul, & ne l'entraine à la mort. Les Evêques lui répondirent, baignez de larmes : La volonté de Dieu foit faite. Ils marchoient de nuit plus que de jour, à n. 11. caufe de l'ardeur du foleil, & logeoient avee grande incommodité dans des caves qui leur étoient preparées. Pendant la marche quand les vieillards ou les jeunes gens les plus foibles n'en pouvoient plus, on les piquoit avec des lards, ou on leur jettoit des pierres pour les preffer. Enfuite on commanda aux Maures de lier par les ". 12, pieds ceux qui ne pouvoient marcher, & de les trainer comme des bêtes mortes, par des lieux rudes & pierreux, où d'abord leurs habits furent déchirez, & enfuite leurs membres. L'un avoit la tête caffée, l'autre le côté fendu plufieurs A 4

mou

IV. Conferen

Bée.

2.13.

moururent, que l'on enterra comme l'on pût le long des grands chemins. Les autres arriverent dans le defert où on les menoit, & on leur donna pour nourriture de l'orge comme à des chevaux; encore leur ôta-t-on enfuite. Ce lieu étoit plein de fcorpions, & d'autres bêtes venimeufes, qui ne firent toutefois mourir aucun de ces ferviteurs de Dieu.

Le jour de l'Afcenfion 483 en presence de Rece ordon, ginus, Ambaffadeur de l'Empereur Zenon, Huneric envoia à l'Evêque Eugene un édit, pour le faire lire dans l'Eglife; & il l'envoia auffi par des couriers dans toute l'Afrique. Il y parloit ainfi : An. 483. Huneric Roi des Vandales & des Alains, à tous les Evêques Homooufiens. Ils vous a été fouvent défendu de tenir des affemblées dans le partage des Vandales, de peur que vous ne feduifiez les Ames chrétiennes. On a trouvé que plufieurs y ont celebré des Meffes, au mépris de cette défenfe, foûtenant qu'ils confervent l'integrité de la foi chrétienne. C'eft pourquoi ne voulant point fouffrir de fcandale dans les provinces que Dieu nous a données, nous avons ordonné du confentement de nos faints Evêques, que vous veniez tous à Carthage le jour des calendes de Février prochain pour difputer de la foi avec nos Evêques, & prouver par les Ecritures la créance des Homooufiens, que vous foûtenez. Donné le treiziéme des calendes de Juin, la feptiéme année du regne d'Huneric; c'est-à-dire, le vingtié7.14. me de Mai 483. Les Evêques qui fe trouverent prefens furent étrangement confternez à la lecture de cet édit: il leur parut être le fignal de la perfecution, particulierement ces paroles: Ne voulant point fouffrir de fcandale dans nos provinces comme s'il difoit : Nous n'y voulons point fouffrir de Catholique. Après avoir deliberé, ils ne trouverent point d'autre remede, que

de

de tenter d'amolir ce cœur barbare, en lui faifant presenter une remontrance dreffée par l'Evê- AN. 483. que Eugene.

:

Elle contenoit en fubftance, que s'agiffant de la caufe commune, il falloit auffi appeller les Evêques d'outre mer. La réponse du Roi fut: Soumettez toute la terre à ma puiffance, & je ferai ce que vous dites. Eugene repliqua Il ne faut pas demander l'impoffible, j'ai dit que fi le Roi veut connoître nôtre foi, il peut envoier à fes amis, c'est-à-dire, aux Princes catholiques: j'écrirai auffi à mes confreres, afin qu'ils vien nent, pour vous montrer avec nous nôtre foi commune, & principalement l'Eglife romaine, qui eft le chef de toutes les Eglifes. Eugene parloit ainfi, non que l'Afrique manquât de perfonnes capables de refuter les objections de leurs adverfaires, mais pour faire venir des Evêques, qui n'étant point fujets des Vandales leur parlaffent avec plus de liberté, & qui puffent témoigner à toute la terre l'oppreffion que fouffroient les Catholiques. Huneric n'eut point d'égard à n. 16. cette remontrance: mais il chercha divers pretextes, pour perfecuter les Evêques qu'il apprenoit être les plus fçavans. Il envoia une feconde fois en exil l'Evêque Donatien, après lui avoir fait donner cent cinquante coups de bâton. Il bannit de même Prefidius de Suffetule. Il fit battre Manfuetus, Germain, Fufculus, & plufieurs autres. Cependant il défendit qu'aucun des fiens ne mangeât avec les Catholiques, qui se réjouirent de cette défense.

V.

Miracle de

Il y avoit à Carthage un aveugle nommé Felix, très-connu dans la ville. La nuit de l'Epiphanie, faint Eugeil lui fut dit en fonge: Leve-toi, va trouver mon ne. ferviteur l'Evêque Eugene, & lui dis que je t'ai ". 17. envoié à lui. Et à l'heure qu'il benira les fonts

baptismaux, il touchera tes yeux, & tu recou- AN. 484.

A 5

vreras

vreras la vûë. L'aveugle croiant que c'étoit un AN. 484. fonge ordinaire ne voulut pas fe lever; s'étant r'endormi il reçut le même ordre une feconde fois, & enfin une troifiéme avec de grands reproches. Il éveille le garçon qui luy donnoit la main, il va en diligence à la bafilique de Faufte, & après avoir prié avec beaucoup de larmes, il s'adreffe à un Soûdiacre nommé Peregrin, le priant d'avertir l'Evêque qu'il avoit un fecret à lui dire. L'Evêque dit qu'on le fit entrer. Le peuple chantoit déja par toute l'Eglife les prieres nocturnes. L'aveugle declare à l'Evêque fa vifion, & lui dit Je ne vous quitterai point, que vous ne m'ayez rendu la vûe, comme le Seigneur vous l'a ordonné. Eugene lui dit : Retirez-vous, mon frere; je fuis un pêcheur & le dernier des hommes, puifque Dieu m'à reservé à ces malheureux tems. L'aveugle lui tenant les genoux, repetoit la même priere. Eugene voiant fa foi, & preffé par l'heure de l'office, marche avec lui vers les fonts accompagné de fon Clergé. C'étoit la coutume d'Afrique, comme de quelques autres Eglifes, de donner à l'Epiphanie le baptême folemnel, comme à Paques & à la Pentecôte.

:

L'Evêque Eugene étant arrivé aux fonts, fe mit à genoux, & avec de grands gemiffemens fit la benediction de l'eau, & aiant achevé la priere, il fe leva, & dit à l'aveugle: Je vous ai déja dit, mon frere Felix, que je fuis un homme pecheur; mais je prie le Seigneur, qui a daigné vous vifiter, de vous donner felon vôtre foi, & de vous ouvrir les yeux. En même tems il fit fur fes yeux le figne de la croix, & l'aveugle recouvra la vûë. L'Evêque le retint auprès de lui, jufques à ce que tous fuffent baptifez, de peur que le peuple ne l'écrasât en s'empreffant pour le voir; enfuite on fit connoître le miracle à toute l'Eglife. Felix accompagna l'Evêque, mar

chant

chant à l'Autel, & fit fon Offrande en action-degraces. L'Evêque l'aiant reçue la mit fur l'Autel, AN. 484, & le peuple témoigna fa joie par de grands cris. Auffi-tôt on en porta la nouvelle au Roi, qui fit prendre Felix pour fçavoir de lui la verité de la chofe. Il raconta tout comme il s'étoit paffé. Les Evêques des Ariens difoient, qu'Eugene l'avoit fait par malefice : & s'ils avoient pû, ils auroient fait mourir Felix car il étoit fi connu, qu'on ne pouvoit cacher le miracle.

:

VI:

n.171

Le premier de Février, jour marqué pour la conference, étant proche, les Evêques vinrent Conferen non feulement de toute l'Afrique, mais des îles ce rompuë. fujettes aux Vandales. Ils étoient accablez de douleur. On garda le filence pendant plufieurs jours, jufqu'à ce qu'Huneric eut feparé les plus habiles, pour les faire mourir fur des calomnies. Il fit brûler un des plus fçavans nommé Letus, après l'avoir tenu long-tems en prifon : penfant intimider les autres par fon exemple. Enfin, on vint à la conference, dans le lieu marqué par les Ariens ; les Catholiques choisirent dix d'entre eux, qui devoient répondre pour tous afin d'ôter aux Ariens le pretexte de dire, qu'ils les avoient accablez par leur multitude. Cyrile étoit affis avec les fiens, en un lieu élevé fur un trône magnifique au lieu que les Catholiques étoient debout. Ils dirent: On doit garder l'égalité dans une conference, & il doit y avoir des Commiffaires pour examiner la verité. Qui fera ici cette fonction? Un notaire du Roi répondit: Le Patriarche Cyrile a dit... Les Catholiques l'interrompirent, & demanderent par quelle autorité Cyrile prenoit ce titre. Alors les Ariens commencerent à faire du bruit, & à calomnier les Catholiques; & parce qu'ils avoient demandé, que s'il n'y avoit point de Commiffaires, du moins les plus fages du peuple fuffent fpectateurs on ordonna de don

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