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Alors Jean dit au Patriarche : Saint pere, j'ai quelque chofe à vous dire en fecret, après quoi fi vous me jugez digne, je recevrai l'ordination le Patriarche l'aiant tiré à part, Jean le pria de lui garder le fecret, autrement qu'il abandonneroit le païs. Elie le lui aiant promis, il dit: Mon pere, j'ai été ordonné Evêque d'une ville mais à caufe de la multitude de mes pe chés, je m'en fuis fuy bien loin, & j'ai demeuré dans le defert, attendant la vifite du Seigneur. Le Patriarche fort furpris appella faint Sabas, & lui dit il m'a dit quelque chofe en fecret, il n'eft pas poffible de l'ordonner; qu'on le laiffe c.8. en repos deformais fans que perfonne l'inquiéte: il les renvoia ainfi. Saint Sabas fort affligé fe retira hors de la laure, & demanda à Dieu avec larmes de lui découvrir ce myftere. Il l'apprit par revelation; & étant venu trouver Jean, ils convinrent qu'il demeureroit feul dans fa cellule, fans même venir à l'Eglife.

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Saint Jean le filencieux étoit né vers l'an 452. à Nicopolis en Armenie d'une famille noble. A l'âge de 18. ans il fonda un monaftere dans fa ville, & s'y retira. Mais les habitans de Colonie l'aiant demandé pour Evêque, il fut obligé d'en fortir & de recevoir l'ordination. Il continua toutefois de pratiquer la vie monaftique. Son beau-frere Pafinique Gouverneur d'Armenie, entreprenant fur l'administration des biens Ecclefiaftiques, & fur le droit des afyles, Jean alla s'en plaindre à C. P. für la fin du regne de Zenon, & on lui fit juftice. Alors il conçut le deffein de fe mettre en liberté; & aiant congedié les Prêtres qui l'accompagnoient, il s'embarqua fecretement, & vint à Jerufalem; d'où il fe retira dans la laure de faint Sabas.

Après qu'il fut reconnu, il demeura quatre ans dans fa retraite, & n'en fortit qu'une feule

fois, pour venir voir le Patriarche Elie, à la dedicace de la nouvelle Eglise : car la Theoctifte eftant deformais trop petite pour une fi grande communauté, faint Sabas la laiffa aux Armeniens, & fit bâtir une grande Eglife en l'honneur de la fainte Vierge. Le Patriarche vint la Sab. n. 32• dédier, & y confacrer un autel, le premier jour de Juillet, indiction neuviéme : c'est-à-dire, l'an 501. S. Sabas étant dans fa foixante & troifiéme année.

Vita S.

XV.

cement de

La grande laure & le monaftere de Caftel Commen- profperoient ainfi, quand il s'éleva un grand la nouvelle orage contre faint Sabas. Les faux freres qui l'alaure. voient autrefois accufé, n'étoient point appain. 33. fez, & ils confpiroient contre lui au nombre de quarante. Lui qui étoit accoutumé à ceder aux hommes & à combattre les démons, fe retira vers Scythopolis dans une caverne, habitée par un grand lion qui lui quitta la place. Il lui vint là plufieurs difciples, dont l'un nommé .34.p.268. Eumathius changea la grotte en un monaftere, dont il devint Abbé. Saint Sabas importuné des vifites que lui attiroient fes miracles, retourna à fa laure. Mais trouvant que le nombre des revoltez étoit augmenté jufques à foixante il quitta encore & fe retira au quartier de Nicopolis, où on lui bâtit une cellule, qui devint enfuite un monaftere. Cependant fes ennemis publierent que les lions l'avoient mangé, & allerent à Jerufalem demander un autre Abbé : mais le Patriarche les envoia le chercher. La fête de la dedicace du faint Sepulchre étant venuë faint Sabas vint à Jerufalem fuivant la coutume des Abbez; & le Patriarche Elie, bien n.35. joieux qu'il fût retrouvé, le renvoia à fa laure. n. 36. Les feditieux fe retirerent, & s'établirent près de Thecué dans des cellules abandonnées, qui furent depuis la nouvelle laure. Mais faint

,

Sabas

Sabas aiant appris où ils demeuroient, les alla trouver, remedia à leurs befoins, & par les bien-faits du Patriarche, leur bâtit une Eglife qui fut dédiée la foixante & neuviéme année de fon âge; c'est-à-dire en 507. Il les gagna ainfi par fa charité, & leur donna un fuperieur nommé Jean, le premier de fes difciples. Il fonda encore d'autres monafteres à l'occafion de fes diverfes retraites, & en gouverna jufqu'à fept. Tel étoit faint Sabas, quand le Patriarche Elie l'envoia vers l'Empereur Anaftafe, avec le fuccès qui a été dit.

maque aux

L'Eglife Orientale ainfi affligée, implora le XVI fecours du Pape Symmaque, par une grande Lettres du lettre, qui femble auffi s'adreffer aux autres Evê- Pape Symques d'Occident, fuivant l'ancien ufage. Les Orientaux. Orientaux demandent à être rétablis dans la com- To.4.conc. munion du Pape fans être punis pour la faute P. 1304. d'Acace, puifqu'ils n'y prennent point de part, & reçoivent la lettre de faint Leon, & le concile de Calcedoine. Ne nous rejettez pas, difent-ils, à caufe que nous communiquons avec nos adverfaires car ceux qui le font, ne le font pas par attachement à la vie : mais de peur de laiffer leurs troupeaux en proie aux heretiques. Et tous, foit ceux qui communiquent avec eux en apparence, foit ceux qui s'en feparent, attendent après Dieu vôtre fecours, & que vous rendiez à l'Orient la lumiere que vous en avez originairement reçuë. Le mal eft fi grand, que nous ne pouvons même aller chercher le remede : il faut que vous veniez à nous. Enfin pour montrer qu'ils font Catholiques, ils finiffent par l'expofition de leur doctrine: où ils condamnent nettement Neftorius & Eutychés, & reconnoiffent en JESUS-CHRIST deux natures, la divine & l'humaine unies en une feule perfonne.

Nous avons une lettre du Pape Symmaque aux

Epift. 8. Orien- P. 1301.

Orientaux, qui semble être la réponse à celle-ci, AN. 512. quoiqu'elle n'en faffe point de mention. Le Pape les confole, & les exhorte à demeurer fermes dans ce qui a été une fois decidé contre Eutychés; & à fouffrir, s'il est besoin, pour la foi, l'exil & toutes fortes d'extrémitez. Il veut qu'ils fe feparent de la communion des Eutyquiens; & déclare qu'il n'y a aucun autre moien de rentrer dans celle du faint Siege, que de condamper ceux qu'il a condamnez : c'est-à-dire, Eutychés, Diofcore, Timothée, Pierre & Acace. Comme s'il difoit, que la confeffion de foi des Orientaux, toute catholique qu'elle eft, eft inutile fans la condamnation de ces perfonnes. La lettre eft du huitiéme d'Octobre après le Confulat de Felix: c'est-à-dire, l'an 512.

XVII.

faire en Ita

Saint Cefaire d'Arles vint à Rome quelque Saint Ce tems après, aiant été obligé de paffer en Italie, par une nouvelle perfecution. La ville d'Arles Vita S. obéiffoit au Roi Theodoric, auprès duquel il fut Caf.lib. 1. encore accufé; jusques à être pris & amené fous

lie

n.19.

bonne garde. Etant arrivé à Ravenne, il entra dans le Palais & falua le Roi qui voiant un homme fi intrepide & fi venerable, fe leva, ôta l'ornement de fa tête, & lui rendit fon falut avec beaucoup d'honnêteté. Puis il lui demanda, s'il étoit fatigué du voiage, & l'interrogea fur l'état de la ville d'Arles, & des Goths qu'il avoit dedans. Quand faint Cefaire fut forti, le Roi Theodoric dit aux fiens: Dieu puniffe ceux qui ont fait faire inutilement un fi long voiage à un fi faint homme. J'ai tremblé à fon entrée, il a un vifage d'Ange, & il n'eft pas permis de penser mal d'un perfonnage fi venerable.

Il lui envoia à fon logis un baffin d'argent, du poids de foixante livres, avec trois cens fous d'or, & lui fit dire: Le Roi vôtre fils, vous prie, faint Evêque, de recevoir ce vase qu'il vous

don

donne, & de vous en fervir pour l'amour de lui. Saint Cefaire, qui hors les cueilleres, ne fe fervoit point d'argent à fa table, fit vendre le baffin publiquement, & en délivra plufieurs captifs. On le vint dire au Roi, & que l'on trouvoit tant de pauvres à la porte du faint Evêque, qu'on ne pouvoit en approcher. Le Roi le loua fi hautement, que les Senateurs & les Grands s'empreffoient à donner leurs aumônes, pour être diftribuées par les mains de faint Cefaire, & difoient publiquement, que Dieu leur avoit fait une grande grace, de voir cet homme apoftolique. Il délivra ainfi tous ceux qui avoient été pris de là la Durence, principalement de la ville d'Orange: & leur donna des voitures & de quoi retourner chez eux.

A Ravenne même, il y avoit une veuve dont ". 10. le fils encore jeune fervoit fous le Prefet du Pretoire, & la faifoit vivre fur fes gages. Il tomba malade à l'extremité; & la mere courut implorer le fecours du faint Evêque, qui ne pouvant la refufer, vint à son logis, & après s'être profterné en priere, y laiffa le Prêtre Meffien, alors fon Secretaire, avec ordre de l'avertir fi-tôt que le jeune homme reviendroit à lui. Il revint au bout d'une heure, ouvrit les yeux, & dit à sa mere: Allez remercier le ferviteur de Dieu, dont les prieres m'ont rendu la vie. Elle y courut, s'expliquant plus par fes larmes que par fes paroles, & pria le faint d'emmener fon fils avec lui en Gaule, pour s'attacher à son service. Ce miracle fe répandit non feulement dans toute la ville, mais dans toute la province; & la reputation de faint Cefaire s'étendit jufques à Rome, où il étoit déja cheri & defiré de tout le monde, du Pape, du Clergé, des grands & du peuple.

y alla en effet, & fe prefenta au Pape Symmaque, qui lui donna le Pallium, & permit à fes

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