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3.

Manichéens nommé Clementien & Moine de profeffion, avoit en écrit fur fa cuiffe: Manés difciple de JESUS-CHRIST.

à

con

L'Eglife de Carthage étoit fans Evêque depuis vingt-quatre ans : mais enfin à la priere de l'Em-. pereur Zenon & de la Princeffe Placidie, dont Huneric avoit époufé la fœur, il permit aux Catholiques d'y ordonner un Evêque. Pour affifter à l'élection Huneric envoia à l'Eglife, Alexandre, Ambaffadeur de l'Empereur Zenon, & avec lui un de fes notaires nommé Vitarit, portant un édit qu'il fit lire publiquement en ces termes: Nôtre maître à la priere de l'Empereur Zenon & de la très-noble Placidie, vous accorde d'ordonner un Evêque tel qu'il vous plaira : dition que les Évêques de nôtre Religion, qui font à C. P. & dans les autres provinces d'Orient, aient la liberté de prêcher dans leurs Eglifes, en telle langue qu'ils voudront, & d'exercer la Religion chrétienne : comme vous avez la liberté ici & dans vos autres Eglifes d'Afrique de celebrer les Meffes, de prêcher & d'exercer vôtre Religion. Car fi cela n'eft pas obfervé, l'Evêque qui fera ordonné ici & les autres Evêques d'Afrique avec leur Clergé, feront envoiez chez les Maures. Cet édit aiant été lû dans l'Eglife de Carthage le dix-huitiéme de Juin 481. les Evêques catholiques qui étoient prefens en gemirent, voiant l'artifice avec lequel on preparoit la per fecution. Ils dirent au Commiffaire du Roi: A des conditions fi dangereufes cette Eglife aime mieux n'avoir point d'Evêque, JESUS-CHRIST la gouvernera comme il a fait jufqu'ici; mais le Commiffaire ne voulut point recevoir cette proteftation, quoi que le peuple le demandât, par des cris qu'on ne pouvoit appaifer.

Eugene fut donc ordonné Evêque de Carthage avec une joie incroiable du peuple. Car il y

3

les

Woit un grand nombre de jeunes gens qui n'avoient jamais vû d'Evêques affis dans la Chaire de cette Eglife. Il s'attira bien-tôt par les vertus le refpect & l'affection, non-feulement des Catholiques, mais de tout le monde; car il étoit humble, charitable, plein de compaffion, & faifoit des aumônes incroiables. Il est vrai barbares - poffedoient tous les biens de l'Eglife, que mais on apportoit tous les jours de grandes fommes au faint Evêque, & il distribuoit tout fidelement, fans en rien referver que pour les befoins de chaque jour car il ne gardoit jamais d'argent au lendemain, à moins qu'on ne lui eût appotté trop tard, pour le donner avant la nuit. Sa reputation lui attira bien-tôt l'envie des Evêques Ariens & principalement de Cirila, le plus puiffant de tous. Ils reprefenterent au Roiqu'il étoit dangereux de fouffrir qu'Eugene continuât de prêcher. Ils vouloient qu'Eugene lui-même empêchât que perfonne, ni homme ni femme, ne parût dans l'Eglife.en habit de barbare; mais il répondit que la maison de Dieu étoit ouverte à tout le monde. Ce qu'il difoit principalement à caufe des Catholiques, qui fervant dans la maifon du Roi, étoient obligez à porter l'habit des Vandales.

II.

Préliminaires de la

perfecu

Après cette réponse de l'Evêque, Huneric fit mettre à la porte de l'Eglife des bourreaux, qui voiant un homme ou une femme y entrer avec l'habit de leur nation, leur jettoient fur la tête tion. de petits bâtons dentelez, dont ils leur entortil- n.4. loient les cheveux : & les tirant avec force arrachoient la chevelure avec la peau de la tête. Quelques-uns en perdirent les yeux, d'autres moururent de douleurs plufieurs furvécurent longtems. On menait par la ville des femmes avec leur ⚫tête ainfi écorchée, precedées d'un crieur, pour es montrer à tout le peuple; mais cette cruauté

n. 6.

ne fit quitter à perfonne la vraye Religion. Alors Huneric s'avifa d'ôter les penfions aux Catholiques qui étoient à fa Cour, & de les envoier travailler à la campagne. Ainfi des hommes nez libres & delicats furent conduits dans les plaines d'Utique pour couper les bleds à la plus grande ardeur du foleil. Un d'eux avoit la main feche depuis long-tems; & comme on le forçoit à travailler, nonobstant une excuse si legitime, il fut gueri par les prieres de tous les autres. Tel fut le commencement de la perfecution d'Huneric. Il étoit cruel même envers les fiens; car pour *furer le roiaume à fes enfans, il fit mourir fes autres parens les plus proches. Il fit brûler un Evêque Arien nommé Jocondus, qu'ils appelloient leur Patriarche, & plufieurs de leurs Prêtres & de leurs Diacres.

Environ deux ans avant la perfecution generale, plufieurs perfonnes eurent des vifions qui furent prifes pour des avertiffemens du Ciel. L'un vit l'Eglife de Faufte, alors la principale de Carthage, ornée à l'ordinaire, tapiffée & éclairée d'un grand nombre de cierges & de lampes; mais comme il s'en réjouiffoit, tout-d'un-coup ces lumieres furent éteintes, & fuivies de tenebres & de puanteur; & une multitude de gens vêtus de blanc, qui étoient dans l'Eglife, en fut chaffée par des Éthiopiens. Celui qui avoit eu cette vifion la raconta à l'Evêque Eugene, en prefence de Víctor Evêque de Vite, qui a écrit cette hiftoire. Un autre vit un grand monceau de bled encore mêlé avec fa paille, dont un grand vent d'orage emporta toute la paille, & laiffa le grain: enfuite vint un grand homme d'un vifage & d'un habit éclatant, qui commença à nettoier le grain, rejettant tout ce qui étoit maigre & mal nourri, en forte qu'il le reduifit à un petit monceau. L'Evêque Quintien crut être fur une montagne, d'où

d'où il voioit un troupeau innombrable de brebis, & au milieu deux chaudieres bouillantes, avec des bouchers qui tuoient ces brebis & les jettoient dans ces chaudieres; en forte que tout le troupeau fut confumé. Quelques autres eurent des vifions femblables.

Huneric ordonna d'abord que perfonne ne fer- .7. vit dans fon palais, ou n'exerçât de fonctions publiques, qu'il ne fût Arien : & il y eut un grand nombre qui renoncerent à leurs charges pour conferver la foi. Il les chaffa enfuite de leurs maifons, les dépouilla de tous leurs biens, & les relegua en Sicile & en Sardaigne. Il ordonna auffi que les biens des Evêques catholiques appartiendroient au fifc après leur mort; & qu'on ne pourroit ordonner le fucceffeur, qu'il n'eût paié au fifc cinq cens fols d'or. Mais fes domestiques lui reprefenterent que l'on traiteroit de même ou plus rigoureusement les Evêques Ariens en Thrace & ailleurs ce qui l'obligea à revoquer cette ordonnance. Il fit enfuite affembler les vierges facrées, les fit vifiter honteusement par des matrônes de fa nation, & les fit tourmenter pour les obliger à dépofer contre les Evêques. On les fufpendoit avec de grands poids aux pieds, on leur appliquoit des lames de fer rouge fur le dos, fur le ventre, le fein, les côtez: les preffant de dire que les Evêques & les Clercs catholiques abufoient d'elles. Plufieurs moururent de ces tourmens, d'autres en demeurerent courbées : mais elles ne donnerent aucun prétexte de calomnier P'Eglife.

111.

Confeffeurs exi

lez.

Enfuite Huneric envoia en exil dans le defert des Evêques, des Prêtres, des Diacres & d'autres Catholiques, au nombre de quatre mil neuf cens foixante & feize; entre lefquels il y avoit n.8. plufieurs gouteux, plufieurs à qui leur grand âge woit fait perdre la vûë. Felix d'Abbirite Evêque A 3

depuis

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2.10.

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depuis quarante-quatre ans étoit paralytique; en
forte qu'il avoit perdu tout fentiment & même
la parole. Les Evêques catholiques ne fachant
comment l'emmener firent demander au Roi
qu'on le laifsât à Carthage où il mourroit bien-
tôt. Le Roi répondit: S'il ne peut fe tenir à che---
val, qu'on l'attache avec des cordes à des bœufs
indomptez pour le mener où j'ai ordonné. Il fal-
lut le porter fur un mulet lié en travers comme
une piece de bois. On affembla tous ces Confef-
feurs dans les deux villes de Sicca & de Larée,
où les Maures devoient les venir prendre pour les
mener dans le defert. On les enferma premiere-
ment dans une prifon, où leurs confreres avoient
permiffion d'entrer, de prêcher & celebrer les
divins Myfteres. Il y avoit avec eux plufieurs jeu-
nes enfans, dont quelques-uns étoient tentez par
leurs meres, qui pour les tirer de ce peril vou-
loient les faire rebaptifer: mais aucun ne se laissa
feduire.

Les Confeffeurs furent enfuite refferrez dans une prifon plus étroite : on ne permit plus de les vifiter, & les gardes furent châtiez rudement. Les prifonniers étoient entaffez l'un fur l'autre, fans avoir aucune efpace, pour s'écarter en fatisfaifant aux neceffitez naturelles, ce qui produifit bien-tôt une infection & une horreur plus infupportable que tous les tourmens. Leurs confreres, & entre autres Victor l'hiftorien, aiant trouvé moien d'y entrer fecretement, s'enfoncerent dans l'ordure jufqu'aux genoux. Enfin les Maures leur ordonnerent à grand bruit de se preparer à marcher. Ils fortirent donc un dimanche, fales comme ils étoient, non feulement par leurs habits, mais par la tête & le vifage, & toutePf.549. 9. fois ils chantoient: Telle eft la gloire de tous fes Saints. Cyprien Evêque d'Unizibe les confoloit, & leur donna tout ce qu'il avoit, defirant

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d'être

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