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5.p.106.

Chr.

6.16.

biens de l'Eglife, il avoit répondu : De peur que Theoth an. Juftin, la pefte du genre humain, ne les enle ve. Enfin Anaftafe répondant à la lettre fynodique de Jean nouveau patriarche d'Alexandrie, avoit taxé dans fa lettre Jean d'Alexandrie & Jean de C. P. fon confecrateur: qui aiant grand credit à la Cour, pouffa fans doute la dépofition Niceph. d'Anaftafe. Apollinaire patriarche d'Alexandrie étoit mort vers l'an 570. après dix-neuf ans de Evagr. V. pontificat, & Jean lui avoit fuccedé. ld. c. 6. A la place d'Anaftafe, Gregoire fut patriarche d'Antioche. Il pratiqua la vie monaftique dés fa premiere jeuneffe, dans le monaftere des Byzantins aux environs de Jerufalem, & s'y diftingua tellement, qu'aiant à peine de la barbe, il en fut fuperieur. Il gouverna enfuite le mo naftere de Pharan : puis il fut Abbé du Mont-Sina, par ordre de l'Empereur Juftin ; & y fut expofé à de grands perils, jufques à foûtenir un fiege des Arabes du defert: mais il fit fi bien, qu'il procura à ce monaftere une paix profonde. Il en fut tiré pour être mis fur le fiege d'Antio che. Il avoit une grande force d'efprit, l'ame très-ferme, & une induftrie finguliere pour reüffir en toutes fes entreprises. Ses liberalitez étoient fi grandes, que toutes les fois qu'il fortoit il étoit fuivi d'une grande multitude. Il avoit tout ce qui fait aimer, & faifoit plaifir à voir & à entendre. Quoique d'un naturel ardent, il ne laiffoit pas d'avoir beaucoup de douceur & Prat. Spir. de modeftie. Il oublioit aifément les injures, avoit grande compaffion pour les pecheurs, & le don des larmes.

C. 140.

6.7.

La premiere année de fon pontificat, les haEvagr. V. bitans de la grande Armenie, nommez alors Perfarmeniens, fecouerent le joug des Perfes dont ils étoient fujets depuis qu'ils furent cedez à Sapor par l'Empereur Philippe. Comme

ils étoient Chrétiens, & que les Perfes les maltraitoient, principalement au fujet de la reli- AN. 572. gion: ils députerent fecretement à l'Empereur Juftin, le fuppliant de les recevoir pour sujets, afin qu'ils puffent fervir Dieu librement. Juftin Faiant accepté & traité avec eux par écrit, ils tuerent leurs Gouverneurs, & fe declarerent = pour les Romains. Le Roi de Perfe Cofroës s'en plaignit mais Justin lui envoia dire la que treve étoit expirée; & qu'il n'étoit pas raifonnable d'abandonner des Chrétiens, qui avoient recours à des Chrétiens en tems de guerre. Ainfi la paix fut rompuë la septiéme année de Juftin, 572. de JESUS-CHRIST. Mais au lieu Theoph. de fe preparer à la guerre, il continua de s'aban- p.205. donner à fes plaifirs. Il ne fçavoit pas même ce 6.9. qui fe paffoit en fon armée, & ce fut par le patriarche Gregoire qu'il apprit le mauvais état du Siege de Nifibe, formé par les troupes Romaines. L'Evêque de Nifibe étoit ami de Gregoi- · re, dont il avoit reçu de grandes liberalitez; & d'ailleurs il voioit avec indignation l'infolence des Perfes, dont il étoit fujet, envers les Chrétiens. Il defiroit donc de voir fa ville fous l'obéiffance des Romains, & avertiffoit ponctuellement Gregoire, de tout ce qui fe paffoit chez les ennemis. Mais l'Empereur Juftin ne vouloit point croire ces nouvelles defagréables; & en profita fi mal, que les Perfes ravagerent impunément les terres des Romains, brûlant & tuant par tout fans refiftance. Ils s'avancerent jufques à Antioche, qui fut abandonnée prefque de tous les habitans, & demeura fans défenfe. Le Patriarche s'enfuit, emportant le tréfor de l'Eglife: l'Empereur Justin aiant enfin appris ces fâcheufes nouvelles, fans en pouvoir douter: en c. 11. fut tellement consterné, qu'il en perdit l'efprit.

Après Gregoire, faint Jean Climaque fut Abbé XXIII.

S. Jean du Climaque

Boll. 30.

7.834.

Vita ap. du Mont-Sina, foit immediatement ou quelque Rader.fag. autre d'eux : car on n'en fçait pas précisément le Mart to.8. tems. Il étoit entré dans ce monaftere dès l'âge de feize ans ; mais il ne reçut la tonfure monaftique, & ne s'engagea que quatre ans après. Il eut premierement pour maître un Moine nommé Martyrius: après la mort duquel il fe retira feul au bas de la montagne, en l'hermitage nommé Tole, & y mena la vie d'anacorete. Dans la fuite il reçut auprès de lui un moine nommé Moife. Quelques envieux aiant publié que Jean n'étoit qu'un caufeur, & ne s'appliquoit qu'à des chofes vaines: il répondit à cette calomnie par le filence, & fut un an fans parler à perfonne. Après quarante ans de folitude, il fut élu malgré lui Abbé du Mont-Sina.

Jean Abbé de Raïthe l'aiant prié d'écrire quelque traité fpirituel pour les Moines, il compofa fon échelle du ciel, très-fameufe entre les ouvrages de pieté; qui lui a fait donner le furnom de Climaque car climax en grec fignifie échelle. Elle eft compofée de trente degrez, qui contiennent tout le progrès de la vie interieure : depuis la fuite du monde jufques à l'oraifon la plus fublime, & la plus parfaite tranquilité de l'ame. En parlant de l'obéiffance, il raconte les exemples qu'il avoit admirez dans un monaftere d'Egypte pres d'Alexandrie, habité de trois cens trente Moines, fous la conduite d'un Superieur d'une fageffe confommée. On y voioit des vieillards après quarante ou cinquante ans de profeffion, obéir avec une fimplicité d'enfans: les railleries, les conteftations, les difcours inutiles en étoient bannis : chacun s'étudioit à édifier fon frere. L'Abbé maltraitoit souvent les plus parfaits, fans aucun autre fujet que de les exercer, les faire avancer dans la vertu, & inftruire les autres par leur exemple.

A un

A un mille de ce monaftere, il y en avoit un XXIV. petit nommé la prison, où s'enfermoient volon- Prifon des tairement ceux du grand monaftere, qui depuis penitens. leur profeffion, étoient tombez dans quelque peché confiderable. C'étoit un lieu affreux, tenebreux, fale, infect : tout y infpiroit la penitence & la trifteffe. On n'y allumoit jamais de feu, on n'y ufoit ni de vin, ni d'huile, ni d'aucune autre nourriture que de pain & de quelques herbes. Depuis qu'ils y étoient renfermez, ils n'en fortoient plus jufques à ce que Dieu fît connoître à l'Abbé qu'il leur avoit pardonné: on exigeoit d'eux une oraifon prefque continuelle: toutefois pour éviter l'ennui, on leur donnoit quantité de feuilles de palmes à mettre en œuvre. Ils étoient feparez un à un, ou tout au plus deux à deux, & avoient pour Superieur 1 particulier un homme de vertu finguliere nommé Ifaac. S. Jean Climaque aiant prié l'Abbé de lui faire voir cette prifon y demeura un mois, & voici comme il en parle.

J'en vis qui paffoient la nuit à l'air tout de bout, forçant la nature pour s'empêcher de dormir, & fe reprochant leur lâcheté, quand le fommeil les preffoit. D'autres les yeux tournez triftement vers le ciel demandoient du fecours, avec des gemiffemens & des foupirs. D'autres les mains liées derriere le dos, & le vifage panché vers la terre, crioient qu'ils n'étoient pas dignes de regarder le ciel, & n'ofoient parler à Dieu dans leurs prieres, tant ils fentoient leur confcience troublée. Quelques-uns affis à terre fur un cilice & de la cendre, cachoient leur vifage entre leurs genoux, & frapoient la terre de leur front, ou fe battoient la poitrine: avec des foupirs qui fembloient leur arracher l'ame. Les uns trempoient le pavé de leurs larmes, les autres fe reprochoient de n'en répandre pas af

fcz.

Pf.37.&

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fez. Ler uns crioient, comme on fait à la mort des perfonnes cheres : les autres retenoient audedans leurs gemiffemens. J'en vis qui paroiffoient hors d'eux-mêmes, endurcis par la douleur, & comme infenfibles. D'autres affis triftement, les regards arrêtez à terre branlant.continuellement la tête, & pouffant du fond du cœur des rugiffemens de lions.

Les uns pleins d'efperance, demandoient ardemment la remiffion de leurs pechez : les autres par un excès d'humilité, s'en croioient indignes d'autres demandoient d'être tourmentez en cette vie, pour obtenir mifericorde en l'autre. La plupart accablez de remors, difoient qu'ils feroient contens d'être privez du roiaume celefte, pourvu qu'ils fuffent exemts des peines éternelles. Je leur ai ouï tenir des difcours capables d'exciter à componction les pierres mêmes. Nous fçavons, difoient-ils, qu'il n'y a point de fupplices dont nous ne foions trèsdignes; & que nous ne pouvons fatisfaire à la multitude de nos dettes, quand nous assemblerions toute la terre pour pleurer avec nous. Nous vous fupplions feulement, Seigneur, de ne nous pas punir dans toute la rigueur de vos jugemens, mais avec mifericorde : car nous n'ofons demander d'être entierement délivrez des peines. De quel front le pourrions-nous faire après avoir manqué à nos promeffes, & abufé du premier pardon?

Là on voioit accompli au pied de la lettre, ce que dit David. Des hommes courbez & abatus de trifteffe, dont les corps étoient déja pleins de corruption; & qui n'en prenant plus aucun foin, oublioient la nourriture, mêloient de leurs lar mes l'eau qu'ils buvoient, & mangeoient la cendre avec leur pain: leur peau étoit attachée aux os, & fechée comme l'herbe. Vous n'y entendiez

que

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