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Chilperic les embraffa & les reçut à fa table: puis il emmena Merouée à Soiffons, laiffant AN. 576. Brunehaut à Rouen. Mais aiant été attaqué peu c. 3. de tems après, il commença à fe défier de Merouée, il lui ôta fes armes & lui donna des gardes puis il lui fit donner la tonfure & l'ha- c. 18, bit clerical; & enfin il le fit ordonner Prêtre & l'envoia dans le Maine, au monaftere de S. Calais, pour apprendre les regles de la vie ecclefiaftique.

Saint Germain Evêque de Paris mourut l'an -576. le vingt-huitiéme de Mai, comme il avoit prédit: car quelques jours auparavant il fit venir fon fecretaire, & lui commanda d'écrire audeffus de fon lit ces paroles : Le cinquième des calendes de Juin, qui eft le même jour. Il vécut environ quatre-vingts ans. Il prêchoit avec une grande force: on lifoit à fa table des livres de pieté en voiage il parloit de Dieu ou chantoit fes louanges. Il difoit toûjours l'office tête nuë, même à cheval, quoiqu'il tombât de la pluie ou de la neige. Souvent il fe levoit la nuit pour chanter dans l'Eglife cinquante pfeaumes avant que d'éveiller les autres : & après avoir fouffert un grand froid, il fe recouchoit afin que perfonne ne s'en apperçût. Souvent auffi il demeuroit dans l'Eglife depuis la troifiéme heure de la nuit, c'est-à-dire, neuf heures, jufques au jour tandis que les Clercs fe fuccedoient pour chanter les nocturnes tour à tour. Après s'être ainfi fatigué, il ne laifoit pas d'écouter les plaintes des pauvres & des affligez, & d'aller même au-devant.

XXX.

Mort de S. Germain

de Paris. Greg. V. hift. c.8.

Fortun. vita in fi.

Sa vie a été écrite par Fortunat, qui y raconte plufieurs miracles, & quelques-uns dont il avoit été témoin. Il nomme les perfonnes & les lieux, & marque les circonftances. A Bour- c. 63. ges faint Germain étant venu pour l'ordination

de l'Evêque Felix en 560., un Juif nommé Sigeric fe convertit à fa prédication: mais fa femme ne vouloit point recevoir d'inftruction. Saint Germain après lui avoir fait parler y alla lui-même; & comme elle ne vouloit pas feulement le regarder, il lui mit la main fur le front. Les affiftans virent fortir de fon nez des étincelles & de la fumée ; & elle avoua jufques-là qu'elle n'avoit pû regarder le Saint en face. Elle demanda à être chrétienne avec toute fa maison, & plufieurs Juifs fuivirent l'exemple de cette famille. Vers la même année 560. il alla à Autun pour l'ordination de Syagrius, & y guérit Florentin homme illuftre, depuis Evêque de .64. Mafcon, d'un coup qui lui faifoit fortir l'œil hors de la tête. Saint Germain fut enterré dans l'oratoire de faint Symphorien près l'Eglife de faint Vincent, dans laquelle il fut transferé depuis, & qui porte aujourd'hui fon nom. Le Roi Chilperic fit fon épitaphe en vers latins. Son Succeffeur dans le fiege de Paris fut Ragnemode fon difciple, que d'autres nomment Raymond.

XXXI.

Peu de tems après fon ordination il alla à Merouée Tours, & s'y trouva quand Merouée fils de Greg. V. Chilperic vint s'y refugier. Gontran Bofon Cahif. c. 14. pitaine du Roi Sigebert, qui étoit dans l'Eglise

à Tours.

de faint Martin de Tours, aiant appris que Merouée étoit à faint Calais, lui envoia le Soûdiacre Riculfe, pour lui confeiller de venir au même afile. Merouée vint donc à Tours, & entra dans l'Eglife de faint Martin la tête couverte, & vêtu d'un habit feculier, quoiqu'il eût été ordonné Prêtre. L'Evêque Gregoire celebroit la Meffe, & les portes de l'Eglife étoient ouvertes. Après la Meffe Merouée demanda des eulogies: c'étoit ce qui reftoit des pains offerts & non confacrez. L'Evêque Gregoire le refusa : Mais

Merouée

Merouée commença à dire tout haut, qu'il ne devoit pas le fufpendre de la communion, fans AN. 577. le confentement des autres Evêques. Gregoire confulta Ragnemode Evêque de Paris, qui étoit prefent, & par fon avis donna les eulogies à Merouée, craignant d'être cause de la mort de plufieurs perfonnes, que ce Prince menaçoit, s'il le rejettoit de fa communion. Gregoire envoia au Roi un Diacre, pour l'avertir de la fuite de Merouée avec le mari de fa niece, qui avoit à faire à la Cour. Mais Fredegonde les prenant pour des efpions, les fit éxiler; & Chilperic envoia dire à l'Evêque Gregoire: Chaffez de l'Eglife cet apoftat, autrement je mettrai en feu tout le païs. L'Evêque répondit par fes lettres : Il eft impoffible que ce qui ne s'eft pas fait du tems des heretiques arrive fous un Roi chrétien. Par ces heretiques, il entendoit les Goths Ariens qui avoient refpecté l'afile de faint Martin. Sur cette réponse, Chilperic envoia une armée à Tours. C'étoit la feconde année du regne de Childebert, c'est-à-dire, l'an 577.

Merouée voiant fon pere dans cette refolu tion, s'avifa d'aller trouver Brunehaut, qui étoit dans le roiaume de Childebert fon fils. Car, difoit-il, à Dieu ne plaife qu'à caufe de moi l'Eglife de faint Martin fouffre violence, ou que l'on ufurpe fes terres. Cependant Gontran Bofon, refugié au même afyle, envoia confulter une devinereffe, qui répondit : que le Roi Chilperic mourroit cette année; que Merouée feroit enfermer fes freres, & prendroit feul tout le roiau me que Bofon gouverneroit cinq ans, & la fixiéme feroit Evêque d'une ville fur la Loire : c'eft-à-dire Tours. D'ailleurs le Roi Chilperic perfuadé que Bofon avoit tué fon fils Theodebert, dans une bataille donnée du tems de Sigebert, le vouloit tirer de l'afyle. Il envoia donc

par un Diacre nommé Baudegile, une lettre au AN. 577. fepulchre de faint Martin, par laquelle il le prioit de lui écrire, s'il étoit permis de tirer Bofon de fon Eglife, Avec cette lettre le Diacre mit fur le tombeau du Saint un papier blanc, & attendit trois jours la réponse mais n'en aiant point reçu il retourna vers Chilperic; & le Roi envoia d'autres gens, qui firent jurer à Bofon de ne point fortir de cette Eglife à l'infceu du Roi. Bofon le jura, prenant à témoin le tapis de l'autel : mais il ne comptoit pour rien fes fermens.

Meroüée de fon côté ne croiant pas à la devinereffe, mit trois livres fur le tombeau de faint Martin: le Pfautier, les Rois, les Evangiles; & veillant toute la nuit, il pria le Saint de lui faire connoître ce qui lui devoit arriver & s'il parviendroit au roiaume. Puis il paffa trois jours de fuite en jeûnes, en veilles & en prieres; & s'approchant du facré tombeau, il ouvrit le livre des Rois, & le premier verset de 3. Reg. IX. la page qu'il trouva, portoit : Parce que vous avez quitté le Seigneur vôtre Dieu, pour fuivre les dieux étrangers, il vous a livré aux mains de vos ennemis. Les paffages des deux autres livres étoient auffi funeftes: ainfi Meroüée après avoir pleuré très-long-tems au fepulcre de faint Martin, fe retira avec Bofon, accompagné de cinq cens hommes, pour aller trouver Brunehaut. On voit ici un exemple de cette divination, nommée les forts des Saints, déja défendue par tant de Conciles.

9.

XXXII.

me concile de Paris.

Cependant Chilperic aiant appris que PretexCinquié tat Evêque de Rouen, faifoit des prefens au peuple contre fes interêts, le fit venir près de lui; & l'aiant examiné, il trouva Brunehaut Greg. V. lui avoit laiffé de fes biens en dépôt. Il s'en faifit, & fit arrêter Pretextat, jufques à ce qu'il fût

Pretextat.

8. 19.

que

jugé

ld. VII.

jugé par les Evêques. Pour cet effet il en affembla à Paris jufques à quarante-cinq, qui tinrent AN. 577. le Concile dans l'Eglife de faint Pierre. Le Roi parla ainsi à Pretextat en leur prefence: Evêque c. 16. à quoi avez-vous penfé de marier mon ennemi Merouée, qui devoit être mon fils, avec sa tante? Ne fçaviez-vous pas ce que les canons ont ordonné fur ce fujet? Vous n'en êtes pas demeuré-là, vous avez de concert avec lui, donné des prefens pour me tuer. Vous m'avez fait un ennemi de mon fils vous avez feduit mon peuple par argent, pour violer la foi qu'il m'a promife, & vous avez voulu faire paffer mon roiaume en la main d'un autre. Tandis qu'il parloit ainfi, les Francs qui étoient prefens en grand nombre, fremiffoient de colere, & vouloient rompre les portes de l'Eglife, pour en tirer l'Evêque & le lapider : mais le Roi les empêcha. Et comme Pretextat nioit les faits avancez par le Roi, on fit paroître des témoins, qui montroient des chofes qu'il leur avoit données difoient-ils, afin qu'ils promiffent fidelité à Merouée. Il répondit : Vous dites vrai, je vous ai fouyent fait des prefens, mais ce n'étoit pas pour chaffer le Roi de fon roiaume. Vous m'avez donné de bons chevaux & d'autres choses pouvois-je manquer à témoigner ma reconnoiffance ?

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Le Roi s'étant retiré à fon logis, les Evêques demeurerent affis dans la fale fecrette de l'Eglife de S. Pierre ; & comme ils conferoient, Aëtius Archidiacre de l'Eglife de Paris, vint tout-d'uncoup, & leur dit: Ecoutez-moi, Evêques qui êtes ici affemblez. C'eft maintenant que vous aquerrez de la reputation & de la gloire: ou que perfonne ne vous regardera plus comme des Evêques, fi vous n'agiffez vigoureufement, & fi vous laiffez perir vôtre frere. Perfonne ne répon

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