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AN. 1100.

c. 4.

6.5.

la vie eremitique & vivre du travail de fes mains. Il
communiqua fon deffein à un faint ermite nommé
Pierre des Eftoiles, fondateur du monastere de Font-
Gombaud, qui le mena dans un defert aux confins
du Maine & de la Bretagne, où vivoient plusieurs
ermites fous la conduite de Robert d'Arbriffelles, de
Vital de Mortain, & de Raoul de la Fuftaye. Pierre
des Eftoiles recommanda fon ami à Vital, mais fans
lui dire qui il étoit ; & le nommant Guillaume au licu
de Bernard. On lui donna à choifir entre les cellules
des ermites, & il choifit celle d'un nommé Pierre,
parce qu'elle étoit la plus pauvre, n'étant bâtie que
d'écorces d'arbres dans les ruines d'une église. Pierre
y enseigna à son nouveau difciple l'art de tourner:
ils ne mangeoient que le foir, & leur nourriture étoit
un potage d'herbes sauvages, où ils ne mettoient du
fel
que les fêtes.

Bernard avoit ainfi vêcu trois ans fous le nom de Guillaume, quand les moines de S. Savin à force de le chercher le découvrirent, car ils le vouloient toujours pour abbé ; & il fut averti qu'ils viendroient l'enlever avec des ordres de fon abbé & de fon ́évêque. Pour éviter ce peril Bernard refolut de fe cacher dans un ifle, & fe retira dans celle de Chauffey entre Jerfé & S. Malo, où il vêcut dans une parfaite folitude & dans une extrême pauvreté jufquà fe nourrir de racines cruës. Cependant les moines de S. Savin defefperant de le trouver, élurent un autre abbé. Alors Pierre des Eftoiles vint trouver S. Vital, lui deman¬ da où étoit celui qu'il lui avoit recommandé, dont il lui découvrit le vrai nom & le merite en prefence des hermites qui étoient fous fa conduite, & leur

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conseilla de le retirer de fon ifle, pour profiter de fa AN. 1100. doctrine & de fon exemple. Il fe chargea lui-même de l'ambaffade, il alla trouver Bernard, & lui aïant appris que les moines de faint Savin avoient un abbé, il lui perfuada de revenir au defert du Maine près de Vital. Là il assembla quelques difciples autour de sa cellule, & commença à prêcher avec tant de fuccès, que fa réputation s'étendit au loin, & vint jusques à Rainaud abbé de saint Cyprien de Poitiers son pre

mier maître.

Cet abbé se sentant chargé d'années, & prévoïant fa fin prochaine, fouhaitoit depuis long-tems d'avoir Bernard pour fucceffeur, & craignoit qu'on ne l'enlevât pour gouverner quelqu'autre églife. Aïant donc appris fa demeure il l'alla trouver, & fous un autre prétexte, il l'engagea à revenir avec lui & à rentrer fous fon obéiffance dans le monaftere. Il y fut reçû avec une extrême joie, mais les moines furent furpris de lui voir une grande barbe, un habit heriffé de poil & rapiecé,'fuivant l'ufage des hermites : ils en avoient horreur & fe prefferent de lui faire reprendre leur habit. Ils le firent d'abord prevôt, puis abbé après la mort de Rainaud, qui arriva l'an 1100. quatre mois depuis fon retour. Mais Bernard ne demeu ra pas long tems paisible dans son abbaïe. Car les moines de Clugny prétendant qu'elle étoit de leur dépendance, obtinrent une bulle du pape Pascal, par laquelle il ordonnoit à Bernard de fe foumettre à fous peine d'interdiction des fonctions d'abbé. Bernard aima mieux subir la peine, & fuivant fon inclination il retourna avec fes amis, Robert d'Arbriffelles & Vital de Mortain. Ils alloient tous trois nuds

eux

6.2.

pieds par les villes & les villages, invitant les peA N. 1100. cheurs à penitence, & prêchoient avec un grand zele contre le concubinage des prêtres, qui avoit paffé en coutume dans toute la Normandie: en forte qu'ils fe marioient publiquement, & juroient en présence des parens de ne jamais quitter leurs femmes: ils laiffoient leurs églises à leurs fils comme par droit hereditaire, & fouvent les donnoient en dot à leurs filles. Nos faints miffionnaires mirent leur vie en péril en s'oppofant à cet abus.

X.

Saint Anfelme en Angleterre.

Peu de jours après que faint Anfelme fut arrivé en Angleterre, il alla trouver le roi Henri, qui le reçut Edmer. 3. Novor. avec joie, & lui fit goûter la raifon qu'il avoit cuë de ne le pas attendre pour être couronné de sa main. Enfuite on lui demanda qu'il fit hommage au roi comme fes prédeceffeurs, & qu'il reçût de lui l'inveftiture de l'archevêché. Anfelme répondit qu'il ne le pouvoit, & rapporta ce qu'il avoit appris fur ce fujet dans le concile de Rome; puis il ajouta : Si le roi ne veut pas obferver ces reglemens, je ne voi pas que mon féjour en Angleterre puiffe être utile ni honnête; car s'il donne des évêchez ou des abbaïes, il faudra que je m'abstienne de sa communion, & de ceux qui auront reçû ces dignitez. Je le prie donc de s'expliquer, afin que je fçache à quoi m'en tenir.

Le roi fut embaraffé de ce difcours. D'un côté il ne pouvoit fe refoudre à abandonner les inveftitures des églifes; il lui fembloit que c'étoit comme perdre la moitié de fon roïaume: d'ailleurs il craignoit que s'il laiffoit retirer Anfelme, il n'allât trouver le duc Robert fon frere, qui étoit en Normandie au retour de la croifade, & que l'aïant rangé, comme

il feroit facile, à l'obéïffance du faint fiege, il ne le fit roi d'Angleterre. Le roi Henri demanda donc à AN. 1100. l'archevêque un délai jufqu'à Pâques, pendant lequel on envoïeroit à Rome pour prier le pape d'avoir égard à l'ufage d'Angleterre, toutes chofes cependant demeurant en état. Quoiqu'Anfelme vît bien que cette députation feroit inutile, il ne laiffa pas d'y confentir, pour ne donner au roi ni aux feigneurs aucun foupçon contre fa fidelité.

Le roi Henri avoit réfolu d'époufer Mathilde fille de Malcolme roi d'Ecoffe & de la fainte reine Marguerite; mais comme elle avoit été élevée dans un monaftere, & y avoit porté le voile, plufieurs croïoient qu'elle étoit effectivement religieufe. La princeffe alla trouver Anfelme, & lui dit : Il eft vrai que j'ai porté quelque tems fur ma tête un voile noir, mais c'étoit ma mere dont je dépendois qui m'y obligeoit malgré moi, pour me mettre à couvert des infultes des Normans. Quand j'étois hors de fa préfence, je jettois à terre ce voile & le foulois aux pieds; & le roi mon pere me l'aïant vû fur la tête, me l'arracha de colere, maudiffant qui me l'avoit mis. Anfelme connoissant l'importance de l'affaire, affembla des évêques, des abbez & des feigneurs à Lambet au diocefe de Rocheftre, où plufieurs témoins dignes de foi affurerent que la princeffe avoit dit la pure verité. La même chose fut confirmée par deux archidiacres qu'Anfelme avoit envoïez s'en informer au monaftere où elle avoit été élevée. Tout le concile de Lambet jugea que Mathilde étoit libre, & rapporta un jugement femblable de l'archevêque Lanfranc en faveur de plufieurs filles qui

Sup. liv. LX.

22 12.

s'étoient voilées de même, pour mettre leur honneur A N. 1100. à couvert contre l'infolence des Normans. Avant la cércmonie des époufailles, Anfelme dénonça encore publiquement que fi quelqu'un fçavoit quelque cmpêchement légitime, il eût à le déclarer ; & ainfi après avoir pris toutes les précautions poffibles, permit le mariage entre Henri & Mathilde, & toutefois il fut calomnié fur ce fujet, comme aïant eu Vville Malme. trop de complaifance pour le roi. Ce mariage fut celebré le jour de faint Martin onzième de Novembre

lib. 5. p. 156.

Edmer. 3. Novor.

II00.

La même année vint en Angleterre Gui archevêque de Vienne, difant avoir commiffion du pape pour exercer les fonctions de légat dans toute la Grande Bretagne. Cette prétention furprit tout le monde; car on n'avoit jamais oui parler dans le païs d'autre legat du pape que de l'archevêque de Cantorberi. Aufli perfonne ne voulut recevoir celui de Vienne en cette qualité, & il s'en retourna comme il étoit venu. Vers le même tems le pape Pascal écrivit à l'archevêque Anfelme, fe réjouiffant avec lui de fon ap. Anf. w. epiß. retour en Angleterre ; & l'exhortant à travailler efficacement auprès du roi pour l'affectionner au faint fiege, & faire païer le denier faint Pierre, dont l'églife Romaine avoit alors un très-grand befoin. Il ajoute: Le duc de Normandie s'eft plaint à nous du roi d'Angleterre, qui s'eft emparé de ce roïaume au préjudice du ferment qu'il lui avoit fait ; & vous fçavez que nous lui devons protection, pour avoir travaillé à la délivrance de l'églife d'Afie. C'eft pourquoi nous voulons que s'ils n'ont pas encore fait la paix, vous la procuriez entr'eux avec l'intervention de nos nonces,

42.

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