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AN. 1100.

digne, étant retombé dans l'excommunication pour
avoir repris Bertrade. Ives de Chartres continuë: AN.
Quant à ce que vous propofez de tenir un concile à
Poitiers, ou ailleurs dans la province d'Aquitaine, je
l'approuve entierement. Parce que s'il fe tenoit dans
la province Belgique ou dans la Celtique, il faudroit
paffer fous filence plufieurs chofes qui étant exami-
nécs cauferoient du fcandale, & étoufferoient prefque
tout le fruit du concile; mais qui étant diffimulées,
diminueroient beaucoup l'autorité de votre légation.
Quant au terme du concile que vous avez marqué
au vingt-neuviéme de Juillet, les évêques de nos
quartiers en prendront prétexte de dire qu'ils n'ont
pas le tems de faire ce voïage & de s'y préparer. Car
plusieurs d'entre eux ne pourront arriver au lieu du
concile que par des chemins détournez, & après
avoir obtenu des fauf. conduits de toutes parts. C'est
pourquoi il me paroîtroit plus convenable de le re-
mettre à l'entrée de l'automne. Nous en parlerons fi
Dieu nous fait la grace de nous voir, aufi-bien que
de plufieurs autres chofes que je ne veux pas confier
au papier.

Le concile de Poitiers fut en effet differé, & ne to.x. p. 720.722; commença que le jour de l'octave de S. Martin dixhuitiéme de Novembre. Il s'y trouva quatre-vingt prélats, évêques ou abbez, entre autres Ives de Chartres, comme il paroît par fes lettres. On y jugea la caufe de Norgaud évêque d'Autun commencée au concile de Valence. Norgaud étoit préfent, assisté de l'évêque de Challon & de celui de Die, envoïcz pour le défendre par l'archevêque de Lion, qui ne pouvoit fouffrir que les légats vouluffent juger fon fuffragant

hors de fa province. Trente-cinq chanoines d'Autun AN. 1100. vinrent à ce concile contre leur évêque : on répeta ce qui avoit été dit de part & d'autre au concile de Valence; & prefque tous les prélats du concile de Poitiers demeurerent fermes pour l'ufage de l'églife Gallicane, touchant la purgation des accufez, contre la prétention des légats. On accorda donc à l'évêque d'Autun la faculté de fe purger, & on ordonna qu'il le feroit fur le champ & avec des perfonnes capables. On recufa pour cet effet l'évêque de Challon & l'évêque de Die, qui étoient declarez pour lui. L'archevêque de Tours, l'évêque de Rennes & plufieurs autres qui étoient de la province Lionnoife, s'offrirent d'abord pour jurer avec l'évêque d'Autun. Mais les chanoines d'Autun leur dirent: Vous ne connoiffez pas le perfonnage, & vous vous exposez à un faux ferment, comme nous le rons par raison, par serment & par le jugement du feu. Cette remontrance retint l'archevêque de Tours & les autres; & l'évêque d'Autun n'aïant pû accomplir de purgation canonique, fut condamné à rendre l'étole & l'anneau pastoral. Il se retira derriere l'autel avec les fiens, & ne voulut ni obéïr à ce jugement ni rentrer dans l'affemblée. C'est pourquoi il fut depofé de l'épifcopat & du facerdoce, avec menace d'excommunication s'il n'obéiffoit. On excommunia auffi tous ceux qui lui obéiroient comme évêque, ou qui lui prêteroient fecours tant qu'il perfifteroit dans fon opiniâtreté. Il n'obéit point & garda l'étole & l'anneau; mais les chanoines fe mirent en poffeffion des biens de l'évêché, malgré l'archevêque de Lion, qui défapprouvoit le jugement des légats,

prouve

comme rendu au préjudice de fon autorité contre les

canons.

AN. 1100

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4.

En ce concile de Poitiers on fit feize canons qui portent. Qu'il n'y aura que les évêques qui donneront can. 1. la tonfure aux clercs & les abbez aux moines ; & qu'on n'exigera pour cette fonction ni cifeaux ni ferviettes. On défend de même d'exiger aucun repas pour la collation des prébendes, ni des chapes, des 7. tapis, des baffins, ou des ferviettes pour le facre des évêques ou la benediction des abbez. L'évêque seul 13. benira les ornemens facerdotaux ou les vafes facrez. Les moines ne porteront point de manipule s'ils ne font foudiacres. Les abbez ne porteront ni gans, ni 5. fandales, ni anneau, finon par privilege du faint fiege. Défense d'accorder l'inveftiture d'une prébende ou d'une église du vivant du poffeffeur. Défenfe aux clercs de rendre hommage à aucun laïque, ou de recevoir de lui aucun benefice ecclefiaftique. Il eft permis aux chanoines réguliers de baptifer, prêcher, donner la penitence ou la fepulture par ordre de leur évêque; mais ces fonctions font défenduës 10. aux moines. On n'admettra point à la prédication ceux qui portent des reliques pour quêter. Défense 12. aux avoüez ou à qui que ce foit, de s'attribuer les 15. biens de l'évêque, foit pendant fa vie, soit après sa mort, fous peine d'anathême.

6.

8.

3.

11.

L'affaire la plus importante qui fut traitée au con- Ivo. ep. 95. 100. cile de Poitiers, fut celle du Roi Philippe. Après le

concile de Valence les deux légats Jean & Benoît chr. Vird. p. 260, l'allerent trouver, & firent tous leurs efforts

pour lui

perfuader de fe corriger; mais n'en aïant plus aucune cfperance, ils prononcerent l'excommunication

contre lui à la fin du concile. Le duc d'Aquitaine y AN. 1100. étoit présent. C'étoit Guillaume IX. comte de Poitiers, de Gascogne & de Touloufe, qui s'oppola tant qu'il put à cette cenfure, tant pour l'honneur du roi fon feigneur que pour fon propre interêt : car sa vie étoit encore plus scandaleuse. Il pria donc les légats de n'en pas venir à cette extrémité, & plufieurs évêques les en prierent avec lui. Ne pouvant l'obtenir il fortit du concile avec fes gens, faifant de grandes menaces: quelques évêques fortirent auffi avec plufieurs clercs & encore plus de laïques, ce qui caufaun grand tumulte. Alors les légats & les prélats qui reftoient, prononcerent l'excommunication contre le roi Philippe & contre Bertrade. Enfuite on fit les acclamations ordinaires pour la conclufion du concile, pendant lefquelles le tumulte augmentant toujours, un homme du peuple qui étoit aux galeries hautes de l'églife, jetta une pierre voulant frapper les légats. Mais elle donna fur un clerc qui eut la tête caffee & tomba fur le pavé, où l'on vit couler fon fang. Il s'éleva de grands cris dans l'églife, & le bruit étoit encore plus grand au dehors. Toutefois les légats demeurerent fermes, & ôterent même leurs mitres, pour montrer combien ils craignoient peu les pierres qui voloient. Leur fermeté arrêta la fureur des féditieux, les comtes même & les autres qui avoient infulté les légats leur firent fatisfaction. On remarqua en cette occafion le courage Vita Bern. c. 6. de deux faints abbez Bernard abbé de faint CyBoll. 14. Apr. to. prien de Poitiers, & Robert d'Arbriffelles, dont j'ai Sup. liv. LXIV. déja parlé. Cette excommunication du roi fit une. Chr. Vird. p. 260. telle impreffion fur les efprits, qu'étant venu quel

zo. p. 233.

22.34.

que

que tems après à Sens avec la reine Bertrade, pendant quinze jours qu'ils y féjournerent, on tint fermées AN. 1100. toutes les églifes de la ville, & ils ne furent admis à aucun acte de religion. De quoi Bertrade irritée, envoïa rompre la porte d'une églife, & y fit dire la meffe par un de fes chapelains.

de

IX. Commencement

ron.

Bernard de Ti

Vita per Gauf.

ap. Boll. to. 10. p.

224. C. I.

Bernard qui avoit été élû la même année abbé de faint Cyprien de Poitiers,naquit dans le Ponticu près d'Abbeville de parens vertueux, qui le firent étudier dès la jeuneffe, & dès lors il montroit tant de modeftie & de pieté, que les autres écoliers le nommoient le moine. Après la grammaire & la dialectique, il étudia l'écriture fainte, dont il avoit déja une affez grande connoiffance à l'âge de vingt ans ; quand le defir d'une plus grande perfection lui fit quitter fon païs & paffer en Aquitaine avec trois compagnons. Ils s'arrêterent au monaftere de S. Cyprien près de Poitiers, attirez par la réputation de l'abbé Rainaud dif- Sup. liv. LXX. me ciple de faint Robert fondateur de la Chefe-Dieu, & qui avoit lui-même dans fa communauté plufieurs grands perfonnages, entr'autres Hildebert ou Aldebert, depuis archevêque de Bourges. Bernard aïant embrasse la vie monaftique à S. Cyprien, & y aïant paflé dix ans ou plus avec grande édification: Ger- ai, vais moine de la même communauté fut envoïé à faint Savin monaftere voifin, pour le réformer en qualité d'abbé; mais il ne voulut point s'en charger s'il n'avoit Bernard pour prieur.

78.

Gervais étant allé à la croifade en 1096. & y étant mort, Bernard fçut que les moines de faint Savin vouloient l'élire abbé, & fe retira fecretement pour .zi executer ce qu'il defiroit depuis long-tems, de mener

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