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bits à la figure près. Vous dites, continue-t'il, que AN.1126. la religion n'eft pas dans l'habit: mais dans le cœur ; il est vrai: mais cette curiofité dans les habits & la parure, marque les fentimens du cœur, la molleffe & la vanité. Ce n'eft pas fans y penfer que l'on cherche & que l'on choifit les étoffes les plus précieuses.

:

J'admire, continuoit-il, comment nos abbez fouffrent ces defordres, fi ce n'eft, parce qu'on ne reprend pas hardiment ce en quoi on ne fe fent pas irreprehenfible. Car, pour ne point parler du refte, quelle marque eft-ce d'humilité de marcher avec tant de pompe, tant de chevaux, tant d'hommes à gands cheveux enforte que la fuite d'un abbé suffiroit à deux évêques J'en ai vû un qui avoit plus de foixante chevaux. Vous les prendriez pour des feigneurs & des gouverneurs de provinces plûtôt que pour des pasteurs & des peres fpirituels. A peine faiton quatre lieuës hors de chez foi fans porter tout fon équipage, comme pour aller à l'armée ou paffer dans un défert: pourquoi ne portons-nous pas auffi la fubfiftance neceffaire, pour n'être point à charge à nos hôtes.

Enfin il vient à la magnificence des églifes: il y a, dit-il, grande difference entre les évêques & les moines. Les évêques font débiteurs aux (çavans & aux ignorans ; & excitent par des ornemens exterieurs la devotion du peuple groffier, ne le pouvant autrement. Mais nous qui nous fommes féparez du peuple, qui avons méprisé tout ce qui flatte les sens, quel fruit attendons-nous de ces ornemens? l'admiration des fots ou les offrandes des fimples. Car pour parler ouvertement, cette oftentation de Li

C. II.

C. I2

AN. 1126. cheffles eft un appas pour exciter les hommes à donner, plûtôt qu'à prier, & je ne fçai comment il arrive que l'on donne plus volontiers aux églifes les plus riches. Mais cependant que l'églife brille dans les bâtimens, fes pauvres manquent du necessaire, & c'est à leurs dépens qu'on repaît les yeux des riches. A quoi bon ces ornemens pour des moines, des pauvres, des hommes fpirituels? Encore paffe pour les églifes, mais dans les cloîtres où les moines font leurs lectures, pourquoi leur mettre devant les yeux des peintures grotesques? des combats, des chaffes, des finges, des lions, des centaures, des monftres de diverfes fortes, pour caufer des distractions. Si ces impertinences ne nous font pas de honte, craignons-en au moins la dépenfe. Saint Bernard conclut ainfi fon apologie: Je loue & publie ce qu'il y a de loüable dans votre ordre: s'il y a quelque chose de répréhensible, je vous confeille à vous & à mes autrès amis de le Mabill. ad ep. corriger. Quoiqu'il parle à l'abbé de S. Thierri comme étant de l'ordre de Clugni, ce n'eft pas que fon abbaye ait jamais été unie à cette congregation: mais on y gardoit la même obfervance, qui eft ce que les anciens appelloient proprement ordre.

1. Bern. n. 9.

XLIX. Apologie de

gn,.

Lib. 1. ep. 28.

Pierre abbé de Clugni fit de fon côté l'apologie de Pierre de Clu- fon ordre, par une lettre écrite à faint Bernard, où il lui témoigne beaucoup d'eftime & d'amitié. Voici les principaux reproches avec les réponses. Vous recevez vos moines fans épreuve & fans obferver l'année du noviciat, Réponse. Nous craignons de leur faire perdre leur vocation, & les expofer à retourner au monde, s'ils n'étoient arrêtez par la penfée de leur engagement. Vous recevez les fugitifs au-delà des

trois fois prefcrites par la regle. Réponse. C'eft que AN. 1126. nous ne mettons point de bornes à la mifericorde de Dieu. Vous permettez les fourrures dont la regle ne parle point. Réponse. Elle permet en genéral d'habiller les freres felon les faifons & la qualité des lieux. Il répond de même fur l'augmentation de la nourriture, prétendant que ces pratiques font à la difcretion du fuperieur. Vous negligez le travail des mains. Réponse. La regle ne l'ordonne que pour éviter l'oifiveté; or nous l'évitons, en rempliflant notre tems par de faints exercices : la priere, la lecture, la pfalmodie. Sur quoi il allegue l'exemple de S. Maur tiré de la vie apocryphe. Il ajoûte que les moines vivant d'herbes & de legumes peu nourriffantes, n'auroient pas la force de travailler à la campagne; & qu'il feroit indecent de voir occupez à des travaux fi bas ceux qui doivent garder la clôture & le filence, & vaquer à la lecture, à la priere & aux fonctions ecclefiaftiques: enfin qu'il faudroit être insensé pour dire, qu'il ne foit pas meilleur de prier, que de couper un arbre.

Objection. Vous n'avez point d'évêque propre, contre l'usage, non feulement des moines, mais de tous les chrétiens. Réponse. Nous avons pour évêque le pape, le premier & le plus digne de tous les évêques, & il n'a pas ôté notre église à un autre évêque, qui en fût en poffeffion: mais il l'a gardée à la priere des fondateurs, pour lui être foumise à lui feul; & comme il eft trop éloigné pour nous donner les faintes huiles, les ordres & le reste de ce qui eft au pouvoir des évêques, nous le recevons par la permiffion de tout évêque catholique. Au reste, nous

P. 681.

P. 687.

S. p. 1607.

22. 33.

AN.1126. ne fommes pas les feuls à qui les papes ont accordé de tels privileges; & nous en voyons des exemples Conc.Rom.tom. même dans faint Gregoire. Il cite les privileges Sup. Liv. XXXVI. accordez aux moines, pour empêcher les évêques de troubler le repos de leur folitude, ou de difpofer de leurs biens; & en conclut, que comme les papes précedens ont exempté en partie les moines de la dépendance des évêques, leurs fucceffeurs ont pû les en affranchir entierement.

Vous poffedez des églifes paroiffiales, des prémices & des dîmes destinées au clergé, à cause des fonctions ecclefiaftiques qu'il exerce, & qui ne vous conviennent pas. Réponse. Lequel eft plus jufte, que les oblations des fidéles foient reçûës par des moines, qui prient continuellement pour les pechez de ceux qui les donnent: ou par des clercs, qui maintenant, comme nous voyons, s'appliquent principalement au temporel, & negligent le falut de leurs ames? Et s'ils vivent des revenus ecclefiaftiques à cause de la prédication & de l'adminiftration des facremens, pourquoi les moines n'en vivront-ils pas auffi, à caufe des prieres, de la pfalmodie, des aumônes & des autres bonnes œuvres, qu'ils exercent pour le falut du peuple? Vous poffedez des châteaux, des villages & des ferfs de l'un & de l'autre fexe : & qui eft pis, & des péages & des tributs, en quoi vous ne differez point des feculiers, & pour défendre ces biens, vous plaidez & revenez dans le monde, contre votre profeffion. Réponse. Comme toute la terre appartient à Dieu, nous recevons indifferemment toutes nos offrandes des fideles, foit en meubles, foit en immeubles; & quand la regle permet au novice de donner fes

en AN.1126.

biens au monaftere, nous ne voyons point qu'elle en excepte rien, nous ufons même de ces biens mieux que les seculiers qui levent des tailles sur leurs ferfs trois ou quatre fois l'année, & les accablent de corvées & d'exactions indues; au lieu que nous n'en tirons que les redevances reglées & les fervices légitimes. Or puifqu'il nous eft permis de poffeder ces biens, il nous eft auffi permis de les défendre en juftice; & nous ferions coupables, fi nous laissions usurper les biens confacrez à Dieu.

Pierre de Clugni finit par une réponse generale, p.684. en diftinguant deux fortes de commandemens de Dieu, celui de la charité qui est éternel & immuable, & les preceptes particuliers fujets aux changemens. felon les tems & les circonftances. De ce genre font les observances monaftiques, qui par confequent peuvent & doivent changer toutes les fois que la charité le demande ; & les fuperieurs ont le droit d'en difpenfer suivant cette loi fuprême, chacun dans fa communauté : à proportion comme le pape dans toute l'é glife. Il ajoûte, fuivant la prévention commune, que la nature humaine eft affoiblie depuis le tems de S. Benoift. Il s'appuye de l'autorité des abbez de Clugni fes prédeceffeurs; & accuse les moines de Cifteaux de manquer de charité, en refusant à leurs freres les foulagemens neceffaires pour conferver la fanté. Le fage lecteur jugera laquelle eft la plus folide de cette apologie, ou de celle de S. Bernard.

LI.

Schifme au

Dans le même tems du schisme de Clugni, il y en eut un au Mont - Caffin, qui ne fut pas moins Mont-Caflin, fcandaleux. Le pape Honorius n'étant encore que Chr. Caßs.1v. Lambert évêque d'Oftie, vint au Mont Caffin, &

c. 61.

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