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C'est ce qui paroît par deux lettres de fes amis AN. 1106. l'une de Geoffroi abbé de Vendôme, où il l'accuse lib. 4. ep. 47. d'indifcretion dans la trop grande familiarité avec les femmes qu'il gouvernoit. Le bruit court, dit-il, que vous leur parlez fouvent en particulier, & que la nuit vous ne faites pas difficulté de dormir entre elles, prétendant mieux combattre ainfi les tentations. Si vous le faites, c'est un genre de martyre nouveau & infructueux, & vous ne devez jamais avoir tant de confiance en votre vertu, que vous penfiez ne pouvoir tomber, fi vous ne marchez avec précaution. Ainfi parle Geoffroi; mais il ne faut pas douter que Robert & fes difciples ne couchaffent tous vêtus fuivant l'usage monaftique.

Marb. ep. 6.

L'autre lettre eft d'un évêque que l'on croit être Marbode de Rennes, & elle commence par ce même reproche de familiarité exceffive avec les femmes, & en fait mieux entendre l'occafion. On prétend, dit-il, que vous paffez la nuit entre elles & vos difciples, pour leur prefcrire à eux & à elles quand ils doivent veiller ou dormir. C'est-à-dire, qu'ils paffoient une partie de la nuit en prieres. Il ajoute que plufieurs de ces femmes étoient difperfées dans des hôpitaux, & des hofpices pour fervir les pauvres & les étrangers, & que de ce mélange avec les hommes il étoit arrivé des accidens fcandaleux. Le fecond reproche de Marbode eft l'exterieur fingulier de Robert, fa grande barbe, fes pieds nuds., fon habit pauvre & dechiré, qui ne convenoit ni à fa profefbon de chanoine, ni à la prêtrife dont il étoit honoré. Cet habit, dit-il, n'est pas fi propre à vous. donner autorité parmi les fimples, comme vous pré

rendez, qu'à vous faire foupçonner de folie par les gens fages. Il l'accufe encore de déclamer contre les AN. 1105. prêtres & les fuperieurs ecclefiaftiques, ce qui faifoit que plufieurs curez fe trouvoient abandonnez de leurs troupeaux. Il blâme la facilité avec laquelle il recevoit ceux qui paroiffoient fe convertir à fes fermons, & leur faifoit aufli-tôt faire profeffion; & l'exhorte par toute la lettre à regler fon zele avec plus de difcretion.

L.

Fontevraud.

Quelques auteurs modernes fe font infcrit en faux contre ces deux lettres, ne croïant pas les pouvoir Fondation de accorder avec la fainteté de Robert d'Arbriffelles reconnuë de toute l'églife. Mais quoi qu'il en foit de ces lettres & des reproches qu'elles contiennent, il est certain que Robert reconnut lui-même l'inconvenient de la vie errante des grandes troupes qui le fuivoient de l'un & de l'autre fexe; & qu'il réfolut de chercher quelque défert où ils puffent vivre fans donner aucun prétexte de fcandale. Il en trouva un à l'extrémité du diocefe de Poitiers à deux lieues de Cande en Touraine. Ce lieu nommé Fontevraud étoit inculte, couvert d'épines & de ronces ; & Robert l'aïant obtenu des proprietaires, y établit la nouvelle famille que Dieu lui avoit donnée.

Ils y firent d'abord des cabanes pour fe garantir des injures de l'air, & un oratoire. Robert fépara les femmes d'avec les hommes & les enferma, les destinant principalement à la priere, & les hommes au travail. Les clercs & les laïques vivoient ensemble, les clercs chantoient les pfeaumes & celebroient la meffe, les laïques travailloient, & tous gardoient le filence en certain tems. Ils vivoient dans une grande

Vita Rob.

modeftic & une grande union entre eux; & ne nom

AN. 1106. moient Robert que leur maître, car il ne vouloit pas fouffrir le nom de dom ni d'abbé. Il étoit vehement contre les pecheurs, & fes difcours avoient une merveilleufe énergie; mais il étoit doux pour les penitens; indulgent aux autres, dur à lui-même, ennemi de l'hypocrifie. Il ne vouloit point que ses disciples portaffent d'autre nom que de pauvres de J. C. En effet ils vécurent quelque tems de ce que leur envoïoient volontairement les habitans des lieux circonvoisins; mais bien-tôt on leur donna en fonds de terres dequoi fubfifter abondamment.

Gall. Chr. to. 4. p. 409.

Pierre évêque de Poitiers favorifa cet établiffement, comme il paroît par une charte où il dit : Un homme apoftolique nommé Robert d'Arbriffelles, aïant par fes exhortations retiré de la vie mondaine grand nombre d'hommes & de femmes, a fondé dans notre diocese une église en l'honneur de la fainte Vierge, au lieu nommé Fontevraud, que lui ont donné Aremburge femme de Gui, & Rivaric fa fille avec la terre du labour de quatre bœufs; & il y a affemblé plufieurs religieufes pour y vivre régulicrement. Peu de tems après j'ai été trouver le pape Pafcal, & j'ai obtenu de lui un privilege en faveur de cette églife, conformément auquel je confirme auffi cette fondation; en forte qu'il ne foit permis à perfonne d'inquieter ces religieufes, fous peine de maledicton perpetuelle. Cette charte fut donnée du confentement du chapitre de Poitiers & souscrite par le doïen, les autres dignitez & les chanoines : la datte eft de l'an 1106. La bulle du pape dont elle fait mention est du vingt-cinquième d'Avril de la même an

née, & réserve expreffément la réverence dûë à l'évêque felon les canons ; c'est-à-dire, fa jurifdiction, AN. 1106. comme il paroît par plufieurs actes femblables. En Panit. Theod.tocette bulle font nommées quatre terres que l'on avoit 2. p. 62. déja données au monaftere; & tels en furent les com

mencemens.

2.

LI.

Concile de Guaf

Le pape Pascal II. avoit réfolu de passer en Allemagne, fuivant la priere que lui en avoient faite les talle. députez de l'affemblée de Maïence, au nom de toute Vita per P. Pisan.

la nation. S'étant donc mis en chemin il vint à Florence & y tint un concile où l'on difputa beaucoup avec l'évêque du lieu, qui difoit que l'Antechrift étoit né. Mais la nouveauté du fujet attira une fi grande foule de peuple pour entendre cette difpute, & le tumulte fut tel, qu'on ne pût ni décider la question, ni terminer le concile.

2. 10.

Sup. n. 4or

748.

Le pape continuant fon voïage vint en Lombar-to. xx.cone. pdie, & tint un concile general à Guaftalle fur le Pô, le lundi vingt-deuxième d'Octobre 1106. Il s'y trouva un grand nombre d'évêques tant de deça que de delà les monts, & une grande multitude de clercs & de laïques, même les ambassadeurs de Henri roi d'Allemagne & la princeffe Mathilde en perfonne. On y ordonna que la province entiere d'Emilie avec ses villes fçavoir, Plaifance, Parme, Rege, Modene & Boulogne, ne feroit plus foumife à la metropole de Ravenne; ainfi il ne lui refta que la province Flaminie. On le fit pour humilier cette églife, qui depuis environ cent ans s'étoit élevée contre l'églife Romaine, & en avoit ufurpé non-feulement les terres, mais le fiege même par l'antipape Guibert. En ce concile le roi Henri fit demander au pape de

lui confirmer fa dignité, lui promettant fidelité & AN. 1106. obéiffance filiale.

Vers la fin du concile on lut les passages des peres touchant la reconciliation de ceux qui ont été ordonnez hors l'églife catholique ; fçavoir de la lettre Leo. ep. 5. al. 87. de S. Augustin à Boniface, de S. Leon aux évêques Sup. liv. xxvI. de Mauritanie, & le troifiéme canon du concile de

220520

Carthage. Sur quoi l'on forma le decret fuivant : De-
puis plufieurs années le roïaume Teutonique a été
feparé de l'unité du faint fiege, d'où il eft arrivé qu'il
s'y trouve peu d'évêques ou de clercs catholiques.
Etant donc neceffaire d'ufer d'indulgence à l'exemple
de nos peres, nous recevons à leurs fonctions les
évêques de ce roïaume ordonnez dans le fchifme,
pourvû qu'ils ne foient ni ufurpatcurs, ni fimoniaques,
ni coupables d'autres crimes. On fit un fecond decret
qui porte que les auteurs du fchifme n'étant plus au
monde, l'église doit rentrer dans son ancienne li-
berté ; par
; par où l'on marque la mort de l'empereur
Henri. Pour retrancher donc la caufe du fchifme, on
renouvelle les défenses faites aux laïques de donner
les inveftitures.

A ce concile de Guaftalle vinrent des députez de l'églife d'Aufbourg, pour accufer Herman leur évêque, qu'ils foutenoient avoir acheté cet évêché du défunt empereur. Il avoit été compris dans l'absolution generale que le légat Richard donna aux schifmatiques après la ceffion de ce prince, mais sa cause n'avoit pas été examinée. Enfuite le légat étant venu à Aufbourg, le clergé & le peuple lui porterent leurs plaintes contre Herman, tous les chanoines fe déclarerent fes accusateurs ; & l'affaire fut remise au ju

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