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mais ce fecours lui ayant manqué, P. RAil fut contraint d'être valet au Col- MUS. lege de Navarre. Le fervice qu'il rendoit à fon maître, ne l'empêchoit pas de s'appliquer à l'étude, car il y employoit une partie de la nuit, & y fit par ce moyen des progrez confiderables en peu de

tems.

Il n'y a aucune vraisemblance à ce qu'on lit dans le premier Scaligerana qu'il vêcut jufqu'à l'âge de dix-neuf ans fans fçavoir lire, qu'il avoit l'efprit hebêté, pefant & ftupide, & qu'il avoit trente ans lorfqu'il écrivit contre Ariftote. Ce dernier fait eft inconteftablement faux; car fon Livre contre Ariftote fut condamné après mille conteftations le 10. Mai 1043. Or il n'avoit encore que vingt-huit ans.

Aprés fes études d'Humanitez & de Rhetorique, il fit fon cours de Philofophie, qui dura felon l'usage de fon tems trois ans & demi. La Thefe qu'il foûtint pour fe faire recevoir Maître-ès-Arts, révolta bien du monde; il s'y propofa de foûtenir cette propofition, que Tout

P. RA- ce qu'Ariftote avoit dit étoit faux.

MUS.

Tous les Profeffeurs, qui ne connoiffoient d'autre Philofophe qu'Ariftote, & qui croyoient qu'on ne pouvoit fans crime aller contre fon autorité, prirent feu, & vinrent attaquer la These avec toute la force que leur habileté pouvoit leur fournir. Mais le Répondant repouffa pendant un jour entier leurs attaques avec tant de fubtilité & d'adreffe, que tout Paris en fut dans

l'étonnement.

Ce fuccès enhardit Ramus, & lui fit naître l'envie d'examiner plus à. fond la doctrine d'Ariftote & de la combattre vigoureufement; il fe borna cependant à la Logique, à laquelle il rapporta toutes fes lectures, & même les Leçons d'Eloquence, qu'il commença alors à faire à la jeuneffe.

Les deux premiers Livres qu'ilpublia fur cette matiere, cauferent de grands troubles dans l'Université de Paris. On le cita devant les Juges Criminels, comme un homme qui vouloit renverser la Religion & les Sciences. Le Parlement voyant le

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vacarme que caufoit cette affaire, P.RA-
voulut en prendre connoiffance; MUS.
mais fes adverfaires perfuadez qu'elle
y feroit examinée dans toutes les
formes & felon les regles de l'équi-
té, la tirerent de ce Tribunal par
leurs intrigues, & la firent évoquer
au Confeil du Roi, où ils efperoient
que leur credit leur feroit d'un grand
ufage.

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Le Roi ordonna donc qu'Antoine Govea, qui étoit fon principal adverfaire & Ramus choifiroient chacun deux perfonnes habiles pour être avec celui qu'il nommeroit luimême Juges de leur difpute. En conféquence de cette ordonnance, Gove a choifit Pierre Danés & Fran çois Vicomercat, & Ramus nomma Jean Quintin, Docteur en Droit, & Jean de Beaumont, Docteur en Medecine. Le Deputé de la part du Roi fut Jean de Salignac, Docteur en Theologie.

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Ramus, pour obéir aux ordres du Roi, comparut devant les cinq Ju-ges, quoiqu'il y en eût trois qui fuffent fes ennemis declarez. One difputa pendant deux jours. Il foû

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MUS.

P. RA- tint que la Dialectique d'Ariftote étoit imparfaite,parce qu'elle ne contenoit ni définition, ni divifion. Les deux Juges qu'il avoit choifis declarerent le premier jour que la définition étoit neceffaire dans toute difpute bien reglée; les trois autres. declarerent au contraire que la Dialectique peut être parfaite fans définition. Le lendemain ces derniers reconnurent que la divifion y étoit neceffaire; mais voyant que Ramus en concluoit qu'il avoit raifon de condamner la Logique d'Ariftote, puifqu'elle n'en avoit point ils renvoyerent l'affaire à un autre jour. S'appercevant enfuite qu'ils s'étoient jettez dans un embarras, dont ils ne pouvoient fortir avec honneur, ils declarerent qu'il falloit re commencer la difpute, & tenir non avenu tout ce qui s'étoit paffé pendant les deux jours. Ramus fe plaignit hautement de ce procedé, par lequel les Juges non feulement faifoient paroître ouvertement qu'ils vouloient le condamner, mais caf foient auffi eux-mêmes leur Jugement, il les recufa, & appella de

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pour

tout

tout ce qu'ils pourroient faire. P. RASon appel fut declaré nul par Fran- MUS. çois I. qui ordonna que les cinq Juges prononceroient en dernier reffort & définitivment fur cette affaire. Les Juges nommez par R4mus ne voulurent point affifter au Jugement, pour n'être point témoins de l'injuftice qu'on alloit lui faire. Ainfi les trois autres prononcerent tout ce que la paffion & la prévention leur fuggererent, fans avoir attendu davantage Ramus, qui ne voulut plus paroître devant eux, & ils prévinrent tellement l'efprit du Roi par de faux rapports, qu'ils obtinrent de lui la confirmation de leur Jugement.

C'eft ainfi que ce fait eft raconté par Omar Talon dans un Livre qu'il dédia au Cardinal de Lorraine. Si on s'arrête à fon recit, comme il Y a tout lieu de le faire, on rejettera comme une fable ce qui eft rapporté par Pierre Galland dans la vie de Caftellan, où il dit que François I. ayant appris les invectives continuelles d'un certain Sophifte contre Ariftote, contre Ciceron & contre Tome XIII.

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