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1540.

tation étoit pour le peuple et non pour le landgrave? Le landgrave offroit le secret, et ses docteurs l'acceptèrent.

Cependant les esprits suivoient leur pente vers la nouveauté, la réforme, malgré ses excès, acquéroit tous les jours des forces; l'électeur de Brandebourg, les successeurs du duc de Saxe George et plusieurs autres princes l'avoient nouvellement embrassée; les électeurs ecclésiastiques étoient même entamés; l'électeur de Mayence s'étoit vu forcé d'accorder aux diocèses de Magdebourg et d'Halberstat la liberté de suivre la confession d'Ausbourg qu'il détestoit; enfin l'électeur de Cologne, qui avoit autrefois prononcé la peine de mort contre les luthériens parce que Gropper (1)

(1) Jean Gropper, archidiacre de Cologne, théologien estimé parmi les catholiques. Le P. Maimbourg l'appelle grand homme, (titre qu'il prodigue un peu) et saint homme; voici l'histoire qu'il rapporte en preuve de sa sainteté, et voici comment il la rapporte:

« Comme un jour Gropper, en retournant de matines, eût « trouvé qu'une servante s'étoit ingérée de faire son lit en l'absence de son valet, il la chassa bien vîte de sa chambre; et, tirant « à l'heure même et enveloppant avec précipitation draps, tra<< versin et matelas, il les jeta par la fenêtre au milieu de la <«< rue, comme si son lit eût été infecté de la peste, pour avoir été << seulement touché par une femme. »>

Ceci rappelle les idées ridicules d'un raisonneur justement condamné par la Sorbonne en 1531, pour avoir outré une doctrine naturellement bonne contre le concubinage des prêtres. Il ne vouloit point absolument qu'un prêtre eût de femme à son service: et, selon lui, la première question que les Juifs auroient dû faire à Judas sur le compte de Jésus-Christ, c'étoit: quel homme est ton maître Jésus? A-t-il point de chambrière? D'Argentré, Collectio Judiciorum, t. 2, p. 90 et suiv.

On dit que Gropper refusa d'être cardinal.

1543.

Comment.

lib. 7.

Maimb.

Hist. duLuth

l'avoit voulu, embrassa le lutheranisme parce que Mélanchthon et Bucer le voulurent. Herman de Wied, électeur de Cologne, étoit un de ces hommes foibles et nuls qui abandonnent leur ame toute entière à ceux qui daignent s'en charger. Le père Maimbourg loue Surius in beaucoup le zèle cruel que ce prince avoit signalé brev. contre les luthériens, et parle de son changement de Sleidanus, religion avec un juste mépris; mais est-on digne de blâmer l'apostasie quand on a vanté la persécution (1)? liv. 3. Quoi qu'il en soit, la sottise et l'ignorance de cet électeur de Cologne sont restées célèbres; il est vrai qu'elles ont pu être exagérées tour à tour par les luthériens et les catholiques. Le landgrave de Hesse triomphoit d'apprendre à Charles-Quint que l'électeur de Cologne étoit au nombre des réformateurs : Eh bon Dieu! dit l'Empereur surpris, que prétend réformer ce bonhomme? Il ne sait pas lire; j'ai entendu deux fois sa messe, qu'il n'a jamais dite que trois fois, il ne pouvoit venir à bout de déchiffrer l'introït. J'ignore comment il lit le latin, répliqua le landgrave, mais il a lu de bons livres allemands, et il entend la religion; car il se faisoit protestant. Il y perdit son électorat; déposé par le Pape et par l'Empereur, après quelque résistance, il se déposa lui-même, et alla vieillir dans l'obscurité, l'ignorance et l'hérésie, tandis que son successeur, aidé des soins de Gropper, repoussoit loin de l'électorat de Cologne le lutheranisme, qui, vers

(1) Cet éloge de la persécution est une contradiction chez le P. Maimbourg; car, dans son Histoire du Calvinisme, liv. 6, touché de la charité de l'évêque de Lisieux, qui dérobe les Huguenots de son diocèse aux poignards de la St. Barthélemi, il se dépour la tolérance.

clare

ce temps prenoit racine encore dans le Palatinat. II 1543. s'étendit aussi dans les Pays-Bas, où, dès l'année 1528, il avoit causé quelques troubles dans la province d'Utrecht; l'Italie même n'avoit pu s'en garantir; les Allemands y avoient porté à plusieurs reprises l'erreur avec la guerre, et Clément VII, par un bref exprès, échauffa le zèle des inquisiteurs contre ces hérétiques d'Italie. Paul III donna un bref pareil à l'occasion du progrès de l'hérésie dans Mantoue. Rien n'irrita tant ce Pape que la défection du nonce Verger, évêque de Capo d'Istria; cet homme, employé en différentes nonciatures dans l'Allemagne, avoit conféré avec Luther et n'étoit point devenu luthérien, on lui avoit refusé le chapeau, et il n'étoit pas encore devenu luthérien; mais, attribuant ce refus à quelques soupçons répandus sur sa foi, il voulut les dissiper en écrivant contre Luther; il se mit à étudier la controverse, et le fruit de cette étude fut de juger que Luther avoit raison, du moins si l'on en croit les protestans, qui ne veulent pas devoir ce prosélyte au seul dépit d'avoir manqué le chapeau; Verger fit part de sa découverte à l'évêque de Pola son frère, qui s'en moqua d'abord et qui finit par penser comme lui; ce qui acheva de les attacher à ce nouveau parti, ce fut la violence de l'inquisiteur Annibal Grison, qu'on envoya ravager leurs diocèses. << Malheureux, crioit aux peuples ce fanatique, tous «<les fléaux du ciel vous accablent ou vous menacent. « Vous tremblez pour vos bestiaux, pour vos mois«sons, pour vos vignes, pour vos oliviers, et vous ne << lapidez point vos évêques hérétiques avec leurs sec<tateurs! Vous ne détournez point la malédiction « par ce juste sacrifice! >>

Verger, pour échapper à la fureur, alla se faire ministre chez les Grisons, dans la Valteline, en Alle- 1543.

magne.

ruse;

Bullar. t. 1. Constit. 27.

Clem. VII.

Rainald. ann. 1545.

Maimb.

passim.

Depuis la formation de la ligue de Smalcalde, les protestans d'Allemagne s'assembloient partout librement et sans permission de l'Empereur; ils régloient entre eux les affaires de leur religion ou de leur ambition; ils étoient devenus une puissance d'autant plus formidable à l'Empereur, que l'intérêt de la religion leur donnoit pour alliés les rois du nord, et l'intérêt de la politique le roi de France. L'Empereur employoit moins alors pour les contenir l'autorité que la il va désormais les ménager dans toutes les n. 52, 53. diètes, jusqu'à ce qu'il trouve l'occasion de les accabler par les armes. A Ratisbonne en 1541, à Spire en 1544, à Vormes en 1545, les affaires de la religion, Sleidanus. toujours agitées, restent toujours indécises; conférences éternelles, professions de foi tournées et retournées en cent manières, réglemens équivoques, mais toujours assez favorables aux protestans ; les évêques murmurent, le Pape se plaint, les luthériens espèrent une rupture entre le Pape et l'Empereur, et Luther écrit dans cette espérance; mais enfin le concile de Trente s'ouvre, l'Empereur veut qu'on s'y sou- Le 13 déc. mette; et, sur le refus des luthériens, il prend les 1545 armes contre eux; il n'avoit plus alors d'autres ennemis, ayant fait la paix avec la France et une trève avec les Turcs; il écrase le parti protestant à la bataille de Mulberg, il fait prisonnier l'électeur de Saxe (1), 1547.

(1) Jean Frédéric, fils de Jean, Celui-ci étoit mort le 13 août 532.

Sleidanus, Commentar. lib. 21.

Le 24 avril

le prive de son électorat, le fait condamner à mort et 1547. le retient en prison. Le landgrave de Hesse, forcé de recourir à la clémence du vainqueur, est aussi retenu prisonnier.

Sleidanus,

lib. 19.

lib. 4.

Maimb.

Le 15 mai 1548.

Pour obtenir les secours du Pape dans cette guerre, l'Empereur n'avoit cessé de la représenter en Italie comme une guerre de religion; il ne s'étoit armé que pour la foi, que pour réduire des hérétiques incorrigibles. Mais en Allemagne, voulant diviser les protestans et les soulever les uns contre les autres, il avoit combattu de toute sa force cette idée de guerre de religion; il ne s'étoit armé que contre des perturbateurs du repos public, il n'en vouloit qu'à la révolte et nullement à la foi de l'électeur de Saxe et du landgrave. Cette politique lui avoit réussi. Rome l'avoit secouru et la réforme s'étoit divisée; plusieurs princes luthériens s'étoient unis à lui; le duc de Saxe Maurice (1) l'avoit servi contre l'électeur son cousin, dont il obtint la dépouille pour récompense. La fortune aussi seconda bien l'Empereur; François I, prêt à rentrer en guerre avec lui, mourut environ un mois avant la bataille de Mulberg.

L'Empereur fut moins heureux dans un réglement provisionnel de doctrine qu'il voulut faire recevoir Carol. V, dans tout l'empire jusqu'à la décision du concile. Ce imper. Aug. Intérim ini, réglement, si connu sous le nom d'intérim, avoit été Const. imp. préparé par diverses conférences tenues à Ratisbonne

Golda.

(1) Neveu du duc George et fils de Henri-le-Pieux. Le duc George étoit mort le 17 avril 1539. Henri-le-pieux, son frère et son successeur, s'étoit fait luthérien; il mourut le 19 août 1541. Maurice son fils fut aussi luthérien.

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