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venus à vaquer, Joffrédy voulut avoir l'un et l'autre à la fois; le Pape lui proposa d'opter, Joffrédy s'offensa, de cette proposition comme d'un refus, accusa le Pape d'ingratitude en recevant de lui l'évêché d'Albi, et traversa toujours depuis les vues de la cour de Rome.

Les mouvemens qu'on vient de voir dans le parlement, n'eurent lieu qu'après la mort de Pie II, et que sous le pontificat de Paul II. Joffrédy ne se mêloit plus alors de la pragmatique, c'étoit Balue qui en provoquoit à son tour la révocation avec un zèle qui lui valut aussi le chapeau. C'étoit alors la grande source des faveurs de Rome, comme le tiers-état le reprocha au clergé dans l'assemblée tenue à Tours au commencement du règne suivant.

Tous les papes contemporains de Louis XI furent ses ennemis secrets, le craignirent, le ménagèrent, crurent quelquefois le tromper; mais c'étoit beaucoup que de n'être point trompé par lui.

Au reste, la pragmatique eut peu d'exécution sous son règne; elle fut suivie ou négligée, selon qu'il étoit content ou mécontent des papes, selon qu'il croyoit avoir besoin d'eux ou pouvoir s'en passer. Elle rentra dans ses droits sous Charles VIII et sous Louis XII. Seiziène Les tribunaux François s'y conformèrent toujours.

siècle.

Mais, si l'on s'en rapporte à quelques auteurs, ce droit d'élection rendu aux chapitres et aux couvens étoit devenu, par la corruption des mœurs, un présent bien funeste. Outre l'inconvénient des brigues de la part des prétendans et de la discorde parmi les élisans, il y avoit un autre inconvénient plus universel dans le

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motif même qui déterminoit chaque élection (1). Les chanoines, les religieux, plongés dans la débauche et dans l'ignorance, choisissoient le plus ignorant et le plus débauché d'entre eux, pour se mettre à l'abri de la réforme; souvent ils le faisoient jurer d'entretenir le dérèglement, comme on juroit autrefois de faire observer la règle. On ne pouvoit point reprocher aux évêques la non-résidence; ils vivoient dans leurs diocèses, ils aimoient à y vivre au sein des richesses, de

(1) Brantôme peint tous ces désordres avec une naïveté bien « franche et bien vive. Le pis étoit, dit-il, quand ils ne se pouvoient «< accorder en leurs élections; le plus souvent s'entre-battoient, <«< se gourmoient à coups de poing!, venoient aux braquemarts, << et s'entre-blessoient, voire s'entre-tuoient...... ils élisoient le << plus souvent celui qui étoit le meilleur compagnon, qui « aimoit plus les G...... les chiens et les oiseaux, qui étoit le << meilleur biberon, bref, qui étoit le plus débauché.... aucuns « élisoient quelque simple bon homme de moine qui n'eût osé << grouiller, ni commander faire autre chose, sinon ce qui leur plaisoit ; et le menaçoient s'il vouloit trop faire du galant et << rogue supérieur. D'autres élisoient par pitié quelque pauvre « hère de moine, qui en cachette les déroboit, ou faisoit bourse « à part, et mourir de faim ses religieux...... Les évêques élevés << et parvenus à ces grandes dignités, Dieu sçait quelles vies ils « menoient..... une vie toute dissolue après chiens, oiseaux, fêtes, << banquets, confrairies, noces et P..... dont ils en faisoient des << sérails; ainsi que j'ai ouï parler d'un de ce vieux temps, qui << faisoit rechercher de jeunes, belles petites filles, de l'âge de dix « ans, qui promettoient quelque chose de leur beauté à l'avenir; « et les donnoient à nourrir et élever qui çà, qui là, parmi leurs paroisses et villages, comme les gentilshommes, de petits << chiens, pour s'en servir lorsqu'elles seroient grandes.... J'en <«< dirois davantage, mais je ne veux pas scandaliser. »

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M. de Marca, quoiqu'il convienne de l'antiquité des élections, donne hautement la préférence au concordat sur la pragmatique. Marca de Concord. Sac. et Imp. l. 6, c. 9.

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la puissance et des plaisirs, loin des censeurs qu'ils
eussent trouvés à la cour; ce n'étoient pour
la plu-
part que de grands seigneurs stupides et voluptueux,
qui n'avoient d'autre mérite que de troubler peu l'état;
la volupté corrompt, mais elle ne trouble point, elle
a trop peu de vigueur. Les abbés et autres gros béné-
ficiers marchoient sur les traces des évêques, à pro-
portion de leurs revenus et de leur puissance.

D'un autre côté, les papes, depuis l'établissement de la pragmatique-sanction, regardoient les François à peu près comme des schismatiques; ce décret avoit ôté au Saint-Siège tout prétexte d'exaction sur le clergé de France, et, en respectant les liens de l'unité, avoit brisé tous ceux de la dépendance. Le pape Jules II, implacable ennemi de Louis XII son bienfaiteur, l'avoit persécuté toute sa vie; les guerres que ce roi modéré avoit eu à soutenir contre ce pontife violent, avoient encore répandu sur la France un vernis odieux de schisme, qui lui avoit nui dans l'Europe et dont Ferdinand le Catholique avoit su tirer avantage. Le concile de Pise, convoqué par Louis XII pour la déposition de Jules II, étoit déclaré schismatique, Louis XII luimême l'avoit désavoué; les cardinaux qui avoient cité Jules II au concile de Pise s'étoient prosternés devant Léon X son successeur, et, pour être réhabilités, ils avoient reconnu la justice de leur dégradation; le concile de Latran annuloit la pragmatique, tonnoit contre ses fauteurs, les citoit et alloit les condamner. Le royaume, selon la forme ordinaire, avoit été mis en interdit; ces étincelles, en se rallumant, pouvoient causer un grand incendie. Louis XII, voulant les éteindre, avoit promis d'envoyer les prélats François

au concile de Latran, pour prendre part aux actes de ce concile, et répondre sur le fait de la pragmatique ; il avoit seulement demandé un délai, les chemins n'étant pas libres à cause de la guerre; il eût sans doute tenu parole à la paix, si la mort ne l'eût prévenu.

François I, sur la même sommation, péremptoire et définitive, avoit fait la même promesse, Léon X le pressoit de donner satisfaction au Saint-Siège; et ce prince, qui, encouragé par ses succès dans le Milanès, ne respiroit que la conquête de Naples, jugeoit nécessaire d'avoir le Pape pour ami.

Tels furent les intérêts qui firent agréer à François I l'entrevue de Bologne; le Pape la désiroit ardemment, car la pragmatique étoit un dangereux exemple pour tous les états chrétiens, lorsqu'ils seroient las du joug de Rome.

On a dit ailleurs (1) par quel motif le Pape aima mieux s'avancer au devant du Roi jusqu'à Bologne que de le recevoir à Rome ou dans Florence. Ils se virent, et convinrent de leurs affaires publiques. L'évêque de Pesaro, nommé Paris de Grassis, maître des cérémonies du Pape, a donné une relation assez curieuse de l'entrevue de Bologne. Tout ce qui concerne le cérémonial y est détaillé. Nous n'en rapporterons ici que quelques traits. Le Pape étant assis sur son trône, le Roi lui baisa les pieds, les mains et la bouche; après cet acte de respect, il lui dit avec une gaîté Françoise qui parut digne de remarque en Italie: Très-saint Père, je suis charmé de voir ainsi face à face le souverain pontife, vicaire de Jésus-Christ: je suis le fils et le ser

(1) Tome premier de cette Histoire, p. 176 et suiv.

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viteur de votre Sainteté; me voilà prêt d'exécuter ses ordres. Le Pape, voyant un si grand prince à ses pieds, s'écria: c'est à Dieu, et non à moi que ceci s'adresse. Après la cérémonie de l'obédience, le Pape, ayant quitté ses habits pontificaux, vint rejoindre le Roi à une fenêtre, mais le maître des cérémonies fut inexorable sur le cérémonial, et ne permit point au Pape de se relâcher sur cet article, comme avoit fait Alexandre VI lorsque Charles VIII étoit venu à Rome; il fallut que Léon X, résistant à sa civilité naturelle, observât scrupuleusement de ne se découvrir jamais, de ne pas même porter la main au bonnet, quand il pouvoit être aperçu des assistans. Le Pape officia en présence du Roi, le 12 décembre, dans l'église de SaintePétrone. C'est dans ces cérémonies religieuses que les souverains rendent le plus d'honneurs aux pontifes, parce que c'est là que ces honneurs tirent le moins à conséquence. Le Roi voulut y faire la fonction de caudataire.

Quand on fut à la communion, le Pape demanda au Roi s'il vouloit la recevoir; François répondit qu'il ne s'étoit pas préparé pour cela, mais qu'il y avoit plusieurs personnes de sa cour qui vouloient communier de la main du Pape; le Pape en communia environ quarante, le Roi prenoit soin lui-même d'écarter la foule pour ne présenter au Pape que les plus distingués de ses courtisans. Un d'entre eux, trouvant quelque difficulté à pénétrer jusqu'au sanctuaire, cria d'une voix forte: Saint Père, puisque je ne suis pas assez heureux pour communier de votre main, au moins je veux me confesser à vous; et parce qu'il ne m'est pas possible de vous dire mon péché à l'oreille, je vous dé

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